Page 97 - cat-vent_paris16-12-2011-cat

SEO Version

95
La seconde partie, intitulée
Notes littéraires et scientifques
, occupe les 9 dernières pages : datée de septembre 1833,
elle contient des notes de lecture et d’érudition sur l’Albanie, la Macédoine, le nord de la Grèce et les environs de
Constantinople.
Nous en donnons quelques extraits. « Il y a trois semaines que les trop fameuses ordonnances ont paru, et il semble qu’il
s’est écoulé un siècle. Les détails des 21 jours précédents appartiennent au domaine de l’histoire […]. En attendant je consigne
quelques faits, qui pourraient être oubliés. Une espèce de brigands n’a pas quitté les armes. Ils sont commandés par un chef
obscur nommé de Vernon. Ils ont un poste au pied même de l’escalier du roi Philippe, qui les nourrit comme ces chiens de bazard
qu’on voit dans les rues de Constantinople. Ils lui ont juré une fdélité à mort. Une autre horde occupe le poste des Suisses au
coin de la rue du Carrousel, ils en ont d’autres aux Petits-Pères, en tout douze. Ils se relèvent eux-mêmes, sont couverts de
haillons, et pourraient faire lever dix à douze mille voleurs d’un seul coup de siffet »… (23 août 1830). « Hier soir j’ai causé avec
Mr de Chateaubriand, qui nous croit dans l’enfantement d’une république. […] Madame Chateaubriand a failli être assassinée
dimanche soir dans son hospice par deux brigands »… (24 août). « Rassemblement de cinq à six mille ouvriers, qui se portent
vers la ville et le Palais-Royal. Le rappel bat dans les sections, et la Garde nationale dissipe les attroupements. A dix heures du
soir le calme est rétabli, on entend quelques coups de fusil dans le lointain. La nuit ne paraît pas devoir être trouble » (25 août).
« Le calme est rétabli, une proclamation du général La Fayette et une ordonnance de police de Mr Girod de l’Ain, semblent
avoir produit un bon effet » (26 août). « Audience de Mr Molé qui me promet, tout ce que je lui ai demandé par ma pétition du
26 août. Il est bien disposé en faveur de mon frère dont il loue l’activité. Il m’a dit que le poste de Carthagène était d’une haute
importance, il a reçu une lettre chiffrée de mon frère ; j’ai sollicité pour lui une augmentation d’appointements. Il y a trois jours
que nous avons frisé la république, le maintien du ministère actuel, paraît nous avoir sauvés, ou du moins retardé notre perte.
Le roi Philippe homme de peu de caractère, était joyeux comme un enfant du résultat de la séance de samedi dernier. Mr Molé
m’a confé que Mr Chateaubriand, allait être gouverneur du duc de Bordeaux : il m’en a paru affigé » (27 septembre). « Ce
que m’a dit ce soir Mr de Chateaubriand au sujet de Charles X, de sa famille, de la duchesse de Berry et du duc de Bordeaux, me
prouvent que Mr Molé est dans l’erreur » (28 septembre). « Commencement du procès des ministres » (15 décembre). « Scènes
de tumulte aux environs du Luxembourg, le drapeau noir était arboré dans plusieurs groupes. Il est question d’une conspiration
napoléonienne, carliste, républicaine. Nous sommes menacés de toutes les calamités, la Garde nationale se conduit bien. La rue
de Tournon est encombrée d’une multitude furieuse. Les amis de l’ordre veillent. Le général La Fayette venu pour fraterniser,
a failli être étouffé par la multitude. Le Roi et sa famille sont dans la consternation »… (20 décembre). « Rassemblements
nombreux aux environs du Luxembourg ; la Garde nationale occupe les approches du palais. Des brigands tiennent les propos
les plus atroces. A midi les débats ont été fermés. A cinq heures les ministres ont été clandestinement reconduits au château
de Vincennes. A neuf heures du soir, arrestations ; on dit le général Gourgaud arrêté. 10 h du soir le rappel bat dans tous les
quartiers de Paris. Les réverbères de la rue de l’Arbre-Sec ont été brisés, on a voulu enlever l’artillerie du Louvre » (21 décembre).
« La Garde nationale est dans une attitude victorieuse, mais je pense que nous n’existons que sous le poids d’un sursis, à la
merci des factieux. Il pourrait se faire qu’avant six mois, nous ayons un dictateur et toutes les conséquences d’un gouvernement
arbitraire » (24 décembre).
Intéressant témoignage d’un ancien diplomate, évoquant les débuts diffciles de la Monarchie de Juillet, et particulièrement
les troubles survenus dans la capitale à cette époque.
Reproduction page 97
358.
François POUQUEVILLE
. Ensemble de trois manuscrits (copies anciennes), [XIX
e
siècle] ;
85, 15 et 15 pages
in-8, en feuilles.
1.000/1.500
Journaux de voyage à Raguse et en Épire. Copies manuscrites, effectuées au XIX
e
siècle dans la famille Pouqueville, de
trois journaux de voyage du célèbre écrivain philhellène François Pouqueville (1770-1838). Après avoir publié son
Voyage
en Morée, à Constantinople, en Albanie
(Paris, 1805, 3 vol. in-8), Pouqueville fut nommé consul général de France à Janina
auprès d’Ali Pacha, vizir de l’Épire. Devant rejoindre son poste, il transita par Raguse
(Dalmatie) où il séjourna vers la fn
de 1805 et le début de 1806. Le premier manuscrit couvre la période du 30 novembre 1805 au 18 janvier 1806. Le voyageur
annonce qu’il reprend ses travaux littéraires et prépare une seconde livraison du
Voyage pittoresque
. Il visite la ville et les
environs, et donne ses impressions sur les habitants de Raguse dont il décrit l’organisation sociale. Pouqueville relate aussi les
principaux événements dont il a eu connaissance : arrivée ou départ de navires, intervention de l’armée française, arrestation
de déserteurs, troubles survenus dans la région… « J’ai lu le bulletin
della Cronace de Gebiterra
qui fait mention de la bataille
navale perdue par les Français [Trafalgar]. J’ai également lu quelques numéros d’un journal méprisable, intitulé
Il Cartagiorse
.
On répand le bruit que le roi de Prusse a déclaré la guerre à la France, que Bonaparte est retourné à Paris, où il y a du
bruit, à cause de la déroute nouvelle. Messieurs les Sénateurs de Raguse ont expédié plusieurs barques courriers. Le général
autrichien, de Bussi, est toujours ici : c’est lui qui a transmis la nouvelle de la déclaration hostile de la Prusse […]. J’entasse
sans ordre tout ce qui peut servir à vérifer ce que j’ai publié dans mon voyage imprimé, et ce qui servira à augmenter la somme
des renseignements géographiques que je désire acquérir. Ce pauvre Barbié du Bocage sera bien enchanté d’apprendre du
nouveau » (11 décembre 1805). « On dit que les Anglais et les Moscovites débarqués dans le royaume de Naples songent à la
retraite. Messieurs du Conseil de la République de Raguse ont défendu par un arrêté de parler nouvelles dans les cafés et chez
les apothicaires. Cette mesure a été prise parce qu’on répand des nouvelles favorables aux Français. Le Sénat n’aime point du
tout notre nation, et il court infailliblement à sa perte. Il fera encore d’autres sottises »… (26 décembre). En janvier, Pouqueville
s’apprête à quitter Raguse : « Il nous reste une voie ouverte, c’est celle de notre corsaire
La Stella di Bonaparte
. Le capitaine
Marsilesi qui commande cet armement est un brave homme très disposé à nous servir »… (9 janvier 1806). Quelques jours
plus tard : « Bessières [qui doit accompagner Pouqueville à Janina] a fait remettre une note au Sénat, afn d’avoir un frman
pour voyager dans l’Empire Ottoman, comme Ragusais, lui et les siens. Le Sénat a promis de le lui donner. Cela fait croire
de plus en plus que nous allons à Constantinople […]. Nous entretiendrons cette idée qui masque le but de notre voyage, et
seconde nos intentions »… (17 janvier). Les deux autres manuscrits donnent quelques extraits de son journal, à partir de son