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R139.
Pierre LOTI
(1850-1923). Manuscrit autographe signé,
Roger Couëc
, [1895]
; 8 pages grand in-fol. découpées
pour l’impression et remontées sur 10 feuilles montées sur onglets, sous cartonnage dos toile brune (qqs fentes
réparées au dernier f.).
2.000/2.500
Très beau texte, récit d’une nostalgie très
douce consacré au fils d’un domestique de sa
famille, mort à l’âge de deux ans, en décembre
1894. Le texte parut d’abord dans la
Nouvelle
Revue
de novembre-décembre 1895, puis, sous le
titre
Passage d’enfant
, dans le recueil
Figures et
choses qui passaient
(1898). Le manuscrit présente
deux mots supprimés, une correction autographe
au crayon rose (à l’endroit d’une citation du parler
enfantin), et un changement au fil de la plume (des
« hirondelles » au lieu de « moineaux »).
« Ce que je vais écrire est pour ceux qui,
dans les cimetières, contemplant quelque fosse à
peine fermée que les premiers bouquets blancs
recouvrent encore, se sont sentis tenaillés jusqu’au
fond et déchirés, au souvenir de petits yeux
candides, éteints là sous la terre affreuse… Oh !
l’énigme déroutante et sombre, que la mort des
petits enfants !…Pourquoi ceux-là, au lieu de nous,
qui avons fini et qui, si volontiers, accepterions
de partir ?… Ou plutôt, pourquoi étaient-ils
venus, alors, puisqu’ils devaient s’en retourner
si vite après avoir subi l’inique châtiment d’une
agonie ?… Devant leurs tombes blanches, notre
raison et notre cœur se débattent, en détresse
révoltée, au milieu de ténèbres… […] comment
dire ma révolte amère, ma pitié infiniment tendre,
au souvenir de la vaine supplication de ce petit
regard qui s’épouvantait de sa fin. Comment dire
le mal que j’ai de lui – avec, en plus, cette presque
puérile angoisse, de songer que le cher petit mort
ne le saura même pas ! »…
140.
Octave MIRBEAU
(1848-1917) écrivain. L.A.S., [1885, à Henri Lavedan] ; 2 pages et demie in-8.
200/300
Il a terminé son livre : « Le style en est excellent, parfait, et vous avez des phrases définitives. J’ai savouré vos épithètes,
il y en a de géniales.
Mamz’elle Vertu
m’a beaucoup plu. L’intérieur de l’horloger est un chef d’œuvre de rendu. M. et Mme
Chotton sont d’une cruauté de vision très intense ; mais la bonne me semble un peu trop surhumaine. Le caractère tout d’une
pièce enlève peut-être de l’émotion au personnage. Mais que de jolies et fines analyses [...] J’ai rarement lu quelque chose de
plus soigné, et de plus étincelant d’esprit – j’entends le bon – qui s’appuie toujours sur une observation juste et curieuse »... Il le
remercie de lui avoir dédié
Qui
, encore plus parfait selon lui... Il le félicite : « Vous avez fait là, un bon et beau livre, et en vous
lisant, j’ai rougi du mien. Que tout cela est brutal et grossier, à côté de vous ! »... Il nuance toutefois, à propos de l’abondance
des détails : « Il me semble qu’en littérature, comme en peinture, et en sculpture, nous devons tendre à la synthèse, et non pas
au détail, à l’analyse trop minutieuse. […] L’analyse détruit l’éloquence de la vie »... Il espère ne pas le fâcher par ces quelques
petites observations : « Si je vous les fais, c’est que vous avez un grand talent, et que je suis persuadé que vous deviendrez un
des maîtres de la jeune littérature »...
141.
Frédéric MISTRAL
(1830-1914). Poème autographe signé,
Au poèto Adolphe Dumas, sus la mort de sa
tourtoureleto
, Maillane 19 juin 1856 ; 3 pages et demie in-8, sur 6 pages autographes ; en provençal. 1.000/1.500
Long poème publié dans l’
Armana Prouvençau
de 1857, et dédié au poète Adolphe Dumas (1806-1861) dont la tourterelle
familière venait de mourir. Il compte 18 quatrains.
« Alor es morto la tourtouro
Qu’amaves tan, o paure ami !
La tourtourello qu’en touto ouro
À toun entour venié gemi »…
Au dos de la première page, fin du manuscrit en prose de Mistral de son éloge de Marseille [
Marsiho
] publié dans l’
Armana
Prouvençau
de 1857 (les deux dernières lignes sont inscrites en haut de la page où commence le poème).
À la suite du poème, début d’un autre manuscrit en prose de Mistral pour l’
Armana Prouvençau
de 1857, les trois premières
parties (sur sept) de
Lou Rose de 1856
(1 page et demie) : « De lontèms la Prouvènço noun oublidara lou Rose dou darrié de
mai 1856 »…