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207.
FrédéricMISTRAL
(1830-1914). L.A.S. avec 5manuscrits autographes, 22 novembre 1854, à JosephRoumanille ;
4 pages in-8 très remplies d’une petite écriture ; en provençal.
1.500/2.000
Bel envoi de trois proses et deux poèmes en provençal pour l’
A
rmana
P
rouvençau
.
Lou Sabourun
(publié en 1856) est signé du pseudonyme« Lou felibre dóu Mas », et occupe les deux premières pages. Le
Sabourun
est un gros os de bœuf ou de porc qui se met dans l’eau pour donner bon goût à la soupe. Il est à chaque fois réutilisé,
encore et encore, et on raconte qu’il a déjà fait le tour de tout un village. Mistral utilise cette métaphore filée tout au long
du texte, reprochant à chaque profession existante de réutiliser encore et toujours les mêmes choses ; jusqu’aux lecteurs de
l’
Armana Prouvençau
, qui se le passent de mains en mains, tant il est bien fait…
Trois lignes en français présentent la pièce suivante : « Je vais vous donner ici une bêtise de moustrihoun. – Vous le montrerez
à Brunet : s’il y trouve quelque chose de bon, il pourra se l’approprier pour compléter sa pièce ». Suit cette prose, amusant
et truculent dialogue (
Lou Moustrihoun
paraîtra dans l’
Armana
de 1857) : « Un droulas de Peiraverd, que ié disien Baudèli,
venguè un Dimenche à-n-Avignoun pèr s’acheta ‘no mostro.
Suit la troisième prose,
Lou Penjadis
(
Le Pendu
, publié en 1856), amusante anecdote à propos d’un paysan qui a laissé un
désespéré se pendre sous ses yeux, croyant que celui-ci cherchait à se sécher…
Viennent enfin deux poèmes.
Moussu Bousièri
(publié en 1857) est une amusante charge de 11 vers contre un opposant à
la langue provençale : « De mounte vèn qu’aquéu Moussu Bousièri »… Le suivant, de 3 quatrains,
À Chloè
, est une traduction
de l’ode xxiii du livre I d’Horace ; il n’a pas été publié dans l’
Armana
, et semble inédit : « As pòu de iéu, Chloè, coume un
bichoun »...
208.
Frédéric MISTRAL
. Copie autographe par Joseph Roumanille de la lettre de
Mistral à M. le Curé Aubert
,
Maillane 1
er
octobre 1853 ; 7 pages et quart in-4.
1.000/1.500
Importante lettre sur la langue provençale. La cause première de l’amitié qui unit Roumanille,Aubanel, Gleize et Aubert
à Mistral est la langue provençale, mère commune de leurs vues, et cela suffit pour excuser ses changements orthographiques :
« ces changements n’ont été amenés que par mon amour pour ma langue maternelle. Oui, j’ai toujours vu avec quelque
sentiment de douleur ce manque de respect qu’ont pour leur langue les poètes provençaux qui, depuis environ deux siècles, se
sont livrés à ce genre de poésie. Mon oreille a toujours saigné à l’ouïe de ces rimes françaises, de ces rimes barbares introduites
bon gré, mal gré dans le domaine de notre idiome dépossédé par des écrivains aux abois : toujours, j’en prends à témoin
Roumanille, j’ai combattu cette propension de notre dialecte à supprimer un grand nombre de lettres constitutives. Je suis
encore jeune, je n’ai fait que chanter jusqu’ici, et n’ayant rien de sérieux à publier, je ne m’étais pas encore approfondi sur
toutes les questions de notre orthographe »… Cependant, excité par Roumanille qui allait publier sa défense orthographique,
Mistral a découvert « le plus affreux désordre » dans leur système, et il a commis sa « désertion » : il a adopté des
s
pour les
pluriels, et comme « ceux du camp de la Durance », il rejette les
r
des infinitifs et le
t
des participes, etc. Puis il se lance dans une
démonstration sur ces
s
qui « font toute la différence », s’attardant longuement sur des questions d’harmonie, en particulier
dans les vers, et se référant à Roumanille, et aux écoles d’Avignon et d’Arles, et donnant des exemples précis. Puis il résume en
six articles les principes de la formation des pluriels provençaux, selon leurs désinences, et il invite l’aumônier à « peser avec
bonne foi, et sans esprit de parti » ses arguments et ses motifs. Et pour le convaincre de « l’absurdité de l’ancien système, ou
… /…
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