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Petit-fils de l’amiral Mouchez, Robert Mouchez
préparait l’École navale à Paris lorsqu’il apprit qu’un
décret du 1
er
mars 1915 permettait aux élèves de
contracter un engagement dans les équipages de la Flotte
pendant la durée de la guerre. Il s’engage alors dans la
Marine et, après une formation à Brest, embarque le
4 mai suivant sur
la Gloire
où il effectue de nombreux
exercices (manœuvres, tir au canon, débarquement). Le
27 novembre 1915, il est reçu à l’examen de timonier.
Le 22 juillet 1916, il embarque à Toulon sur
l’Atmah
,
commandé par le lieutenant de vaisseau Cambon.
Employé au service du chiffre et à la timonerie, Robert
Mouchez entame une campagne en Méditerranée :
Malte (6-11 août), Bizerte, Bône, Alger (où il retrouve
une partie de sa famille), puis Oran et Gibraltar (1-3
septembre). Après un nouveau mouillage à Bône,
le navire appareille le 5 octobre pour secourir les
naufragés du
Gallia
, un bâtiment de transport de
troupes qui venait d’être torpillé la veille par un sous-
marin allemand au large de San Pietro, au sud de la
Sardaigne. Le 6 au matin, ils recueillent des rescapés
provenant d’une baleinière déjà remorquée par un
vapeur, puis continuent les recherches : « Vers 15 h 45,
à l’horizon se montre une petite étendue blanche qui
scintille. C’est une embarcation. Nous nous approchons
et découvrons bientôt 3 autres embarcations dont deux
faisant route ensemble. Nous hissons l’aperçu pour que
ces malheureux sachent que nous nous occupons d’eux.
Nous embarquons les passagers de la 1
re
embarcation. Elle
est commandée par un mécanicien à 2 galons. Ensuite,
après toutefois avoir pris le “juge”, nous allons aux autres embarcations... Nous avons sauvé 218 hommes. Croisons toujours
jusqu’à 19 heures. A cette heure, rendez-vous avec
l’Aldebaran
à San Pietro pour lui prendre ses 33 rescapés » (6 octobre 1916).
Après avoir ramené les naufragés à Bizerte,
l’Atmah
continue d’effectuer des missions de surveillance et effectue plusieurs
trajets au large de la Grèce, entre les îles Ioniennes (Corfou, Argostoli) et la mer Egée, avec des escales à Patras, Navarin,
Salamine, Le Pirée et La Sude. Ainsi, le 8 mai 1917 : « Arrivée à Milo vers 10 heures. Je prends le service au mouillage, et ne
peux pas aller à terre. Jolie rade, bien abritée, qui sert à garer nos transports pour Salonique »... Le surlendemain : « Arrivée
au mouillage de La Sude à 9 heures... A 13 h 30 je suis à terre avec de Faramond et l’interprète Travlos. Nous prenons une
voiture pour aller à La Canée, capitale de la Crète (21000 habitants). Ville sale, curieuse et très pittoresque ; la population est
très mélangée... La Canée est la ville natale de Monsieur Venizelos et la Crète fut une des premières îles grecques à adhérer au
mouvement vénizéliste... Les Alliés donnent 3 millions par mois à Venizelos pour lui et son armée... On dit que dans quelques
semaines il y aura 100 000 Grecs à Salonique ! Est-ce vrai ? »…
226.
Robert MOUCHEZ
. Manuscrit autographe signé,
Journal de campagne
, 1920-1921 ; fort cahier in-4 de 2-125
pages (plus 2 ff. volants), cartonnage dos toile noire.
1.000/1.200
Journal personnel d’une campagne aux Antilles et dans le Golfe du Mexique à bord de
la
J
eanne
d
’A
rc
, le croiseur
d’application de l’École navale (qui remplaçait, depuis 1912,
le Duguay-Trouin
). Il comprend 2 dessins (dont une carte de
l’embouchure du Tage), 2 petits croquis et une photographie du croiseur à Alger, collée en tête du manuscrit. Il couvre la
période du 20 novembre 1920 (départ de Brest) au 24 avril 1921 (arrivée à Toulon).
Robert Mouchez (1897-1978), petit-fils de l’amiral, engagé dans la Marine en 1915, entra à l’École navale en 1919 et devint
enseigne de vaisseau de 2
e
classe le 1
er
octobre 1920. Il effectua alors une campagne dont les principales étapes furent Lisbonne,
Madère, Dakar (11-22 décembre), Trinidad (1-7 janvier), Caracas (8-13 janv.), Cartagène, Panama (21-27 janv.), la Nouvelle-
Orléans (1-12 février), Pensacola (Floride), La Havane (18-25 févr.), Guantanamo, Fort-de-France (12-22 mars), Tanger, puis
Gibraltar et Toulon.
L’élève-officier donne de nombreux détails sur chaque escale ; ainsi, à Caracas, lors d’une réception au palais présidentiel
de Miraflores : « Le président arrive, digne et noir, il est petit mais possède de grandes moustaches qui, cirées et dressées à la
“Guillaume”, lui donneraient un air terrible s’il n’était ridicule. Il fait des courbettes à gauche, à droite puis va prendre place
dans un grand fauteuil entre le commandant et notre chargé d’affaires. [Après les discours] le président remet des décorations
vénézuéliennes aux officiers supérieurs de
la Jeanne d’Arc
pendant que la musique joue
la Marseillaise
»... (p. 61-63). À
Panama : « Le canal fut pendant longtemps un grand centre d’attraction d’ouvriers. Il en est surtout venu des Antilles, de
l’Amérique du sud ou centrale ; et tous ces gens à la peau diversement colorée ont fait quelques croisements... Les Américains
du nord sont arrivés par là-dessus. Mais ils ne se sont point mêlés aux races déjà présentes et s’en tiennent même à une
grande distance. A chaque pas dans la rue, dans chaque établissement, un avis rappelle qu’il y a ici deux races. A la piscine du
Washington Hotel on a inscrit sur la porte “White people only”. Quelques écriteaux interdisent l’entrée du lieu aux Noirs, aux