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HUYSMANS
Joris-Karl.
Lettre autographe signée. Paris, le 22 février 1897 ; 6 pages in-16.
Très longue lettre :
« Soyez tranquille pour les prières et puisque votre médecin ne se préoccupe pas de votre fatigue,
n’en ayez souci sous le climat d’Hyères. L’article que vous m’avez envoyé et qui a paru dans presque toute la presse de province est
d’Oscar Havard. Je n’ai pas de renseignements sûrs encore sur l’effet de l’article de Lavedan. Mais il fait un bruit terrible !
[…]
Au reste, il y aura beau de ne pas avoir ni une silhouette de femme, ni un mot charnel, dans la cathédrale, ce sera la même chose.
Au fond, c’est excellent pour les ventes et pour s’occuper d’un livre. Quant aux arguments qu’on vous envoya, ils me paraissent
débiles. Toutes les suppositions sont permises par Lourdes et la Salette. Sauf celles qui nieraient le surnaturel et la possibilité d’un
miracle.
[…]
. Au reste, je réponds à toutes les idées des catholiques sur l’art, dans un chapitre tranquille du livre qui mettra le
feu aux poudres. Au fond tout cela, c’est une question de mots, de forme, de gens arrêtés au 17e siècle, ne sachant rien de ce qui
s’est passé dans l’art, depuis c’est le bégueulisme, né de la Renaissance et développer le virus Janséniste dans le soi-disant grand
siècle. Je le démontre textes à l’appui — vous verrez — à propos des images inconvenantes des cathédrales — où je défends
furieusement l’Église — et du papier collé sur le ventre de l’Enfant, à Chartres. En attendant, je suis littéralement crevé. J’ai
abattu le plus terrible travail qui soit, la symbolique de l’ancien Testament, à propos du portail Nord. Ah ! Seigneur ! Quelle
masse à soulever et à condenser pour faire tenir cela en 30 âges. J’y ai donné une chose bonne, je crois : l’histoire abrégée nette de
Jésus, par les prophéties messianiques, en dehors de tous évangiles, pour bien montrer l’irréfutable argument des textes inspirés et
je dis, voyez, en admettant pas impossible, que tout à coup les Évangiles disparaissent, nous avons quand même la vie de N. S
tracée dans ses grandes lignes et aussi exacte, dans les prophéties que dans l’accomplissement. Puis-je citer la version des Septante
parue 290 ans avant le Messie et connue de tous, empêchant par conséquent de croire qu’on l’a fabriquée, après coup. Je crois
que bien présenté et court, cela pourra en imposer non aux catholiques dont en somme, je ne m’occupe pas, mais aux autres chez
lesquels des conversions sont possibles. Renan et les autres leur ont tant rabâché de mensonges là-dessus, que c’était bon à dire.
Je suis en grande veine de travail et je bûche du matin au soir, mais ce livre n’est pas près de sa fin, tant il embrasse de sujets,
hélas ! Jamais je n’ai encore eu un livre qui m’ait donné autant de mal et de recherches.
[…]
Je crois que la future Bénédictine
rayonne : c’est bien cela — au reste pour que la Mère de Solesmes ait fait élire abbesse, celle de Wisques, il faut qu’elle lui ait
reconnu des qualités d’emprise sur les âmes du genre des siennes.
[…]
L’ami Bellenot sévit, atroce, à St Sulpice. Les saluts sont
particulièrement agrémentés de musique infâme pour l’instant. Je crois qu’il profite de votre absence.
[…]
Mon refuge des
Bénédictines est devenu impossible, au moins pour quelque temps. J’y suis traqué comme un lapin et c’est un tas de gens qui se
font présenter à la sortie. Je me sens au point de nuire, pendant la messe. Je vais m’abstenir d’y aller pendant quelques dimanches
mais cette petite chapelle était douce et autrement intime que celle des Lazaristes où ils chantent le plain-chant de Solesnes, mais
assez mal. »
2000 / 2500
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AUTOGRAPHES et MANUSCRITS