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Constantin reprit à Aix son enseignement du dessin et participa à la fondation de la Société des Sciences, des Lettres, de l’Agriculture et des Beaux-Arts. Le comte de Forbin, directeur des Musées royaux, qui avait été son élève en même temps que Granet, lui achetait des dessins, le soutenant par ses achats pour les musées 15 .

Des allégories, - de l’amour ou de la mort -, ou des scènes religieuses virent aussi le jour sous la plume d’un lavis d’encre de Chine. (catalogue n°469, 476) 16 . Des scènes d’orage ou des scènes d’escarmouche et des moines en prière dans les montagnes avoisinant la Sainte Baume ne sont pas rares. (ca-talogue n°461, 468) . Les scènes antiques et les sujets mythologiques viennent démentir son goût exclusif pour les scènes bucoliques 17 ! Les portraits sont nettement plus rares 18 , de même que la relation d’évènements par définition exceptionnels, comme le fut le lancement d’une montgolfière à Aix en 1784 19 ! Rappelons à ce sujet que ce fut à Avignon que Monsieur Montgolfier l’aîné inventa le principe de l’aérostation en 1782 20 !

Il ressort cependant de l’étude de l’œuvre de cet artiste, que les sujets principaux des tableaux ou des dessins sont les arbres et les rochers ! Isolés comme l’était le rocher de Vitrolles 21 ou présents dans un ensemble minéral, falaises ou montagnes ravinées, ceux-ci ne rivalisent de beauté qu’avec les arbres, aux feuillages traités avec ce coup de plume ou de crayon, arrondi, et aux troncs couverts d’écorces brunes et rouges tels que nous les montrent ses peintures. (catalogue n°441).

Plusieurs peintures marquent cette collection. Nous avons cité la vue du Colisée. La vue du « Ponte d’Ariccia », non loin de Rome témoigne également de son séjour italien. (catalogue n°434). Très différente est sa « Scène d’orage au crépuscule » où toute la force des éléments se concentre dans l’éclair qui traverse un ciel flamboyant, chargé de nuages. Le vent secoue les branches et les feuilles de l’arbre peint sur le côté gauche, tandis que des bergers ra-mènent un troupeau vers la bâtisse construite à l’intérieur de ruines, sans doute contemporaines au donjon. Tableau sombre qui témoigne d’un art puis-sant. (catalogue n°438).

Enfin, parmi la dizaine de tableaux vendus ici, retenons encore la vue, plus paisible, de la montagne de la Sainte Baume où fut construit un monastère près de la grotte où se retira Marie-Madeleine à son arrivée en Provence 22 . (catalogue n°433). On y retrouve la représentation des moines évoqués dans plu-sieurs de ses dessins. Mais plus que la Sainte Baume, ce fut la montagne Sainte Victoire qui attira les artistes de ce temps et qui participa le plus à l’in-cessante transformation du paysage : Constantin, puis Granet, Loubon et Monticelli sauront observer la lumière jouant avec ses facettes minérales et amener l’art du paysage à l’œuvre révolutionnaire de Cézanne 23 .

La renommée de Jean-Antoine Constantin d’Aix ne fut pas à la hauteur de son talent. L’artiste, qu’une force irrésistible emporte dans certains de ses ta-bleaux, n’avait guère le tempérament à s’imposer et sa discrétion ne fut pas favorable à sa fortune ! Sa sensibilité donna à son œuvre la poésie d’un Vir-gile, entre harmonie bucolique et réalité plus tourmentée 24 , l’une et l’autre accentuées par son sens des ombres et des lumières et par son sens de l’espace.

En 1817, il reçut la médaille d’or du Salon de Paris. Puis, quelques années plus tard, en 1826, le roi Charles X lui acheta quatre études, conservées ac-tuellement au Cabinet des dessins du Louvre.

Christine de Chirée

1 Pétrarque, Lettres familières, livre second, 12.

2 Honoré d’Urfé, début XVIIe

3 Virgile, les Bucoliques

4 Sur Constantin, maître de la lumière, voir l’exposition Paysages d’Italie, les peintres du plein air 1780-1830, Grand Palais, 2001 et l’exposition Sous le soleil exactement - Le paysage en Provence du clas-sicisme à la modernité- 1750-1920, La Vieille Charité de Marseille, 2005

5 Enguerrand Quarton, Le couronnement de la Vierge, Musée St Pierre de Luxembourg, Villeneuve lez Avignon

6 Installée dans l’ancien couvent des Carmes Déchaux à Marseille.

7 Il s’agit de messieurs Perron, Boyer de Fonscolombe, Segond de Sederon, Montvallon et Grégoire

8 extrait d’une lettre que Constantin écrivit à Granet, conservée au Musée Arbaud, MQ 429. Citée par E.Vidal-Naquet , op.cit. p.11

9 Plusieurs vues de l’intérieur du Colisée (peintures à l’huile) sont également conservées au musée Granet d’Aix en Provence. Des dessins du site sont notamment conservés au musée des Beaux-Arts de Marseille (E.Vidal-Naquet, op.cité, n°13 et 14 et Denis Coutagne, Le Musée Granet, Aix-en-Provence, Fondation BNP Paribas, 2007, fig.116) et au musée du Louvre, inv.25271

10 J-A Constantin, Paysagiste provençal, les éditions du Feu, Aix, 1930,p.105

11 Commune située non loin d’Aix-en-Provence

12 Fondée en 1765, cette école occupait la chapelle des Dames dans l’ancien collège des Jésuites. Constantin y enseigna de 1786 à 1792.

13 « les eaux de Sextius »

14 Quelques représentations de la rade de Marseille dévoilent au loin, l’étendue de eaux. Voir par exemple, son dessin de la ville, prise du vallon des Eygalades, musée du Louvre

15 Constantin peignit également des vues du château de la Barben, propriété de la maison de Forbin. L’une de ces vues est conservée au musée national de Fontainebleau (inv.3328)

16 voir également le dessin représentant Tobie et l’ange, musée du Louvre, inv.25269 ou celui reprenant le sujet d’Agar et l’ange, vente Piasa 14 décembre 1998, fig.172

17 E.Vidal-Naquet , op.cité, n°5,10 et 11

18 Voir son autoportrait au musée Arbaud, ainsi que les portraits de ses enfants, conservés en 1930 dans la collection Fernand Constantin (cf. J-A Constantin, Paysagiste provençal, les éditions du Feu, Aix, 1930,p. 103,106 et 107)

19 E.Vidal-Naquet , op.cité, n°15

20 Le fait fut consigné dans un rapport officiel de l’Académie des Sciences et reproduit dans le Courrier d’Avignon du 24 février 1784. Nous vendons dans la vente de notre collection un buste en terre cuite attribué à Jean Nicolas Lucas de Montigny, représentant probablement Montgolfier (ancienne collection Doucet) et le même, en plâtre.

21 E.Vidal-Naquet , op.cité, n°42

22 Légende des Saintes Marie de la mer. « baumo » en provençal se traduit par « grotte »

23 J.R.Soubiran, La montagne Sainte Victoire. Un atelier du paysage provençal de Constantin à Cézanne. Editions Benezet, 2006

24 Virgile, L’Enéide, 2, 305 « lorsque le torrent d’un fleuve dévalant la montagne anéantit les campagnes, les riches semailles, travaux des bœufs, et entraîne les arbres abattus… ».