La bibliothèque R. et B. L. en cette septième partie jette ses derniers feux, du moins en ce qui
concerne les livres, puisque suivront des ensembles de lettres autographes d’écrivains, de
peintres et de musiciens.
Cette partie, suite logique de la vente précédente - 7 octobre 2017- consacrée aux éditions
originales de la première moitié du XIX
e
siècle, présente celles de la seconde moitié.
Construite sur le même principe que les ventes précédentes qui entremêlaient les livres et les
autographes, celle-ci révèlera les plus beaux exemplaires et les plus précieux autographes dans
un feu d’artifice d’envois croisés qui nous place d’emblée au milieu de la vie des écrivains et de
leurs affinités électives.
Ainsi Barbey d’Aurevilly offre-t-il son propre exemplaire, relié à son goût, à Louise Read ;
Baudelaire envoie-t-il ses
Fleurs du mal
à plusieurs amis journalistes et à Émile Augier, son
Théophile Gautier
à Leconte de l’Isle, son
Wagner
à Bracquemond ; Flaubert, parmi tous ses
grands livres en grand papier, un exemplaire de
Salammbô
à Théophile Gautier, un autre à
Feydeau,
L’Éducation sentimentale
à Jules Janin…
Parmi les chantres du naturalisme, Huysmans dédicace son
À rebours
sur hollande à Célestin
Borely,
Marthe
à Edmond de Goncourt,
Certains
à Léon Hennique ; Maupassant,
Des vers
à
Émile Zola, et, parmi les plus rares tirages de ses ouvrages, l’exemplaire nominatif sur japon de
Pierre et Jean
à Marie Kahn ; Villiers de L’Isle-Adam offre son
Ève future
à Verlaine ; Mirbeau
son
Abbé Jules
à Mallarmé…
Mais l’on se précipite vers la fin du siècle, le symbolisme inspire les poètes.
Nous devons, là, nous arrêter devant l’extraordinaire ensemble mallarméen : livres, lettres et
poèmes autographes. Citons
Le Corbeau
illustré par Manet,
L’Après-midi d’un faune
offert
«
au sauvage et bibliophile
» Gauguin,
Les Poésies
photolithographiées, sa conférence sur
Villiers de L’Isle-Adam envoyée à Huysmans, un autre exemplaire offert à Berthe Morisot et
Eugène Manet, et le manuscrit autographe du très célèbre
Tombeau d’Edgar Poe
…
Les « poètes maudits » ne sont pas moins brillamment représentés. Verlaine dédicace ses
Poèmes
saturniens
à Villiers de L’Isle-Adam, et à Alexandre Dumas,
La Bonne chanson
à Jean Moréas ;
on relèvera de plus
Les Fêtes galantes
sur chine,
La Bonne chanson
sur hollande en reliure
mosaïquée de Noulhac,
Les Amies
avec cinq poèmes autographes, les manuscrits de poèmes
érotiques parus dans
Femmes
ou dans
Parallèlement
(l’un avec des dessins du poète), et enfin
celui du très célèbre poème sur Rimbaud, le
Laeti et errabundi
… En dehors de ses
Illuminations
,
sur japon, Rimbaud, lui, dans cinq lettres pathétiques adressées à sa sœur Isabelle, nous fait part
des affres physiques et morales que lui cause son amputation …
Mais, de cet ensemble étourdissant, quatre pièces se distinguent encore à mon sens :
Les Amours
jaunes
de Tristan Corbière sur papier jonquille, exemplaire du père de l’auteur ; le diamant noir
d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, le mythique
Maldoror
de 1869 ; un précieux recueil
d’Edmond de Goncourt consacré à la nécrologie de son frère Jules, contenant des lettres de
condoléances de Hugo, Michelet, George Sand, Flaubert... ; et l’extraordinaire relique de Gérard
de Nerval : le fragment d’
Aurélia
découvert sur le corps du poète retrouvé pendu rue de la Vieille
Lanterne.
Ainsi cette collection magistrale évoque-t-elle la vie même des grands créateurs de la littérature
si foisonnante en cette fin de siècle.
Dominique Courvoisier
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