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Le dernier photographe qui est venu me photographier m’a trouvé très beau avec mon air mélancolique
et rêveur. […] Je fais comme ça le grand homme devant le monde, mais je suis ton petit, ton bon petit,
doux, pas méchant, obéissant et tendre Kiki ».
Ce dimanche [30 mars].
« Encore dimanche un sale dimanche gris et froid ». Il se plaint longuement
d’être abandonné, comme un pauvre petit enfant, sans nouvelles… « moi aussi j’aimerais bien voyager
mais je ne veux pas, je veux rester à la meson attendre moman. Je veux ma moman ou je pleure et
elle s’en va sur la mer encore plus loin voir des bandits et dresser des puces dans une île où il y a des
sauvages des mangeurs de chair humaine on va peut-être me la manger ma mère dans cette île où il n’y
a même pas de cinéma. […] Je t’embrasse, je t’aime je te déteste et je te veux ». Il signe : « Kiki Jasmy ».
[1
er
avril]
(à côté de la gravure au cavalier bleu,
dessIn
où il se représente dansant d’allégresse) :
« plus qu’une petite semaine de veuvage et mon chameau d’amour elle sera de retour. Plus de corsaires
ni de puces, Paris gris et froid mais il fera chaud dans le lit. […] Tu verras comme je serai gentil au moins
toute une journée, et tendre et calin je te ferai plus jamais de chagrin, au moins pendant une semaine [...]
J’oublie tout le chagrin que tu m’as fait en pensant au retour de l’enfant prodigue. Ton père qui t’aime
tendrement ton mari, ton amant, ta mère et ton enfant ».
Ce mercredi [2 avril].
Il lui promet, malgré toute la pluie qu’il a reçue en se promenant, de prendre
un bain : « tu sais que l’eau est un grand ennemi à Kiki, et je changerai même les draps qui sont encore
bien propres car personne aucune créature n’a couché dans ton lit »… Chez Lelong il a reçu une ovation
car « Colette avait tout le temps parlé de moi. Enfin je suis une espèce de vieux don Juan et tu ne fais pas
mal de revenir car toutes ces femmes ensorceleuses… […] je t’attends et on va danser un tango ensemble
[…] à samedi ma biche, mon trésor, ma maison, mon soleil, mon tout. Ton Kiki qui pleure après sa mère ».
Lettre jointe du comte de F
els
.
La femme de Georges ne veut pas lâcher son emploi pour venir chez les Van Dongen. « Je suis de
ton avis de reprendre un jour ou plutôt un soir et le mieux serait je pense le Dimanche soir – ça nous
permet d’avoir le Dimanche jour libre au cas où nous aurions envie d’aller brouter aux champs »… Il
signe : « ton bricoli qui rit ».
o
n
joInt
une carte postale reproduisant une tête de vieillard par Jordaens, retouchée à la plume par
Van Dongen et légendée : « Kiki implorant son amour de lui envoyer une bonne lettre » ; une coupure
de presse sur le bal des artistes russes ; une circulaire d’Aurel sur les droits de la femme, 9 mars 1924,
annotée par Van Dongen : « Voici de quoi lire et s’amuser en famille ».