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112.
Marcel PROUST
. L.A.S. « Marcel », [5 ou 6 mai 1908], à Louis d’A
LBUFERA
; 6 pages in-8 (cachet de réception, petits
trous d’épingle).
10.000/15.000
T
RÈS
BELLE
ET
LONGUE
LETTRE
SUR
SES
PROJETS
LITTÉRAIRES
.
Il a un « prétexte excellent » pour parler de Monte-Carlo etc. « Comme je suis
très
fatigué, pardonne-moi de ne pas te répondre,
pour te dire toujours les mêmes choses que tu ne veux plus croire, à savoir que mon affection n’a pas changé, que je te reverrai
le jour que tu voudras (si je ne suis pas trop malade ce jour-là), que je n’ai jamais voulu dire que ton affection était utilitaire ni
que je te rendais service. Si je le croyais je suis assez délicat pour ne pas le dire. Mais bien loin de le croire, j’estime que tu m’as
rendu d’immenses services et que (c’est mon grand chagrin) je ne t’en ai jamais rendu un seul : Non, quand je disais que c’était
conforme au caractère de notre amitié, je voulais dire quelque chose de plus subtil, de plus profond et de plus tendre. Je pensais
aux débuts de cette amitié double en quelque sorte etc. Il n’y avait pas l’ombre d’idée de service et d’utilité. Je suis une nature
moins vulgaire que tu ne crois. Mais c’est si ennuyeux d’expliquer ce qu’on est ». Quant à Reynaldo H
AHN
, « tu as raison de croire
que c’est un ami pour moi, le plus cher, le meilleur, un frère. J’apprendrais qu’il a assassiné quelqu’un que je cacherais le cadavre
dans ma chambre pour qu’on croie que c’est moi qui ai fait le coup. Mais cette hypothèse ne se présentera pas ! Car c’est le cœur
le plus exquis. Je crois t’avoir dit qu’il projetait depuis des années un voyage en Algérie qu’il est parti enfin à Marseille a retenu sa
place dans le bateau (il y a quinze jours) puis mon valet de chambre ayant oublié de lui télégraphier de mes nouvelles, il a eu peur
que je ne sois moins bien, a lâché l’Algérie et est revenu. Quant à mes “connaissances” peut’être en ai-je dont on dise plus de mal
que des tiennes. Mais peut’être y a-t-il pour les tiennes (au point de vue auquel tu fais allusion) certitude plus grande. Je ne veux
me faire l’accusateur de personne d’autant plus que je sais qu’il y a de très gentils garçons qui peuvent avoir des vices, mais dans ta
génération à part quelques êtres
insoupçonnables
et au-dessus de toute calomnie qui d’ailleurs ne pensera jamais à s’exercer sur eux
tant elle les sait inattaquables, tels que toi, G
UICHE
[…] je t’assure que ce n’est pas que dans le monde du théâtre ou de la littérature
que la malveillance a à s’exercer. […] À propos de Guiche tu as dû lire dans les feuilles qu’il m’avait présenté au Polo et cela a dû
te faire tordre ! Il y a de quoi. On ne m’écrit plus que pour me proposer des poneys ». Il parle du « jeune Maheux » [télégraphiste]
qu’il n’a pu recevoir. « Du reste je ne sais si je ne vais pas abandonner mon roman parisien ». Cependant il aimerait que son ami lui
confie un album de photographies de famille. « D’autre part possèdes-tu
ta généalogie
dans les deux lignes. Toujours à cause des
choses que je fais cela m’intéresserait. Car j’ai en train :
une étude sur la noblesse
un roman parisien
un essai sur Sainte-Beuve et Flaubert
un essai sur les Femmes
un essai sur la Pédérastie (pas facile à publier)
une étude sur les vitraux
une étude sur les Pierres tombales
une étude sur le Roman »…
Correspondance
(éd. Ph. Kolb), t. VIII, p. 111.