Page 98 - cat-vent_drouot18-12-2012

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d’honneur
qu’elle n’existoit plus que l’on pouvoit la fouiller, ce que nous fîmes à la verité sans la trouver, Miss Nancy
eut la premiere l’idée de passer sa main dans le haut de son corps, elle ne se troubla point et soutint son mensonge,
enfin elle glissa la main sous la pointe du corps, et la lettre se trouva »… La peine qu’éprouva Mme Campan à la
découverte d’un mensonge « aussi hardiment soutenu » lui fit verser des larmes ; la lettre était « d’autant plus blâ-
mable qu’elle prioit M
e
Schuller de vous demander une robe de linon et un jupon blanc », alors que Mme Campan
avait décidé de garder celui de l’an dernier : « il ne faut nullement alimenter sa coquetterie »... Ces petites super-
cheries l’effraient « d’autant plus que M. de L… lui-même m’a mandé que la maman de la petite étoit peu sincere,
d’ailleurs cette tête qui travaille aujourd’hui pour un fourreau de linon, et qui apelle au secours de son projet les
moyens les plus vils, et la dissimulation la plus profonde, trouvera par la suite bien d’autres passions à servir »… Par
conséquent Mme Campan lui a infligé la pénitence la plus forte de sa maison : « Elle porte une grande écharpe noire,
un bonnet de sœur grise en toile jaune, avec deux écriteaux sur la longueur du bonnet :
Deuil de toutes les vertus.
Remplacement de la Rose
. Ce qu’il y a d’abominable, c’est qu’elle est charmante sous ce déguisement affreux […] Je
dois ajouter encore à ce triste récit qu’il faut bien s’observer sur les conversations que l’on peut avoir en sa présence ;
elle a dit à plusieurs maîtresses et à des pensionnaires que les amies de son papa lui avoient appris que si elle étoit
pauvre actuellement, elle seroit riche un jour à venir, qu’elle avoit un oncle maternel qui s’occupoit d’elle-même dans
ce moment, et qu’elle seroit bien aise d’être en Angleterre parce que son papa étoit un homme de grande qualité et
qu’elle auroit dans ce païs là, le rang d’une Princesse »…
.
Jeanne Louise Genet, Madame CAMPAN
. L.A.S. « C… », 27 floréal (27 mai 1800), au comte
Trophime-Gérard de L
ALLY
-T
OLENDAL
; 4 pages in-4.
 ⁄ 
« La méchanceté ne respecte rien de ce qui est respectable. Le bas et trop commun esprit de Caquet, vient fletrir
ce qui a été dit de simple et de naturel, voilà ce qu’on peut répondre »… Eliza, pendant l’absence de son tendre père,
« ne couroit que la chance d’etre un objet de rivalité pour les soins qu’on se plaisoit à lui rendre, elle n’auroit pas
éprouvé le sort affreux des enfans dont le bien a été confisqué, et vous auriez joui de la plus grande fortune, qu’il
auroit été impossible qu’elle fut plus heureuse et mieux traitée par tout le monde »…D’ailleurs il a souvent fait par-
venir à sa fille des choses « beaucoup trop belles pour l’usage habituel de ma maison ; il est vrai que je n’ai point
caché que j’avois refusé toute espece de pension pour la fille unique d’un père tel que celui d’Eliza, mais elle a été
plusieurs fois offerte »… Elle trouve tout naturel de vouloir réparer le malheur d’une victime du sort, et d’ailleurs,
privé de fortune et de communication avec la France, le père ne pouvait veiller en entier à l’existence de sa fille. « Pou-
voit on rien esperer de sa mere ? Et vos amies entierement ruinées par les évenemens de la révolution pouvoient elles
la soutenir quant à la pension anuelle dans ma maison ? Je ne l’aurois pas souffert »… Les dépenses pour la petite
ou ses vieux domestiques ont été acquittées par les amies du père ; « Eliza a fondé chez moi la place qu’elle y a oc-
cupée, et lorsque j’aurai à la fois le bonheur et le malheur de m’en séparer, elle appartiendra à une autre. […] Voilà
la vérité bien simple et voilà le cannevas qui a servi aux mensonges et à la méchanceté »… Elle est contente d’elle :
« ses déffauts ont disparus, ses talens se sont perfectionnés, son maintien est celui de la meilleure compagnie, sa taille
s’est allongée, elle est très belle et surtout très agréable »… Elle termine en assurant le comte de « la profonde vé-
nération que je vous ai vouée pour la vie ».
.
Jeanne Louise Genet, Madame CAMPAN
. L.A., 28 décembre 1800, [au comte Trophime-Gérard de
L
ALLY
-T
OLENDAL
] ; 8 pages petit in-4.
 ⁄ 
Ayant été dans une grande incertitude, elle est ravie de savoir qu’elle gardera Eliza encore plusieurs mois : « cette
enfant qui a toujours dénotté de l’intelligence, et une parfaite organisation, qui ne s’est trouvée un peu retardée que
par une sorte d’indolence, de non émulation qui tient à la paresse n’a besoin souvent que d’un moment décisif pour
employer tout ce qu’elle sait ; faire usage de ce qu’elle doit à la nature et prendre en quelque sorte un élan qui en
peu de temps lui fait franchir un grand espace »… Elle fait le portrait de l’enfant, petite, gracieuse, aux mains et bras
charmants, soigneuse de son apparence… « Elle danse à merveille non pas cependant comme à Paris où depuis
quelques années on danse beaucoup trop bien puisqu’un nombre infini de jeunes personnes rivalisent avec nos meil-
leurs figurantes de l’Opéra. En soignant beaucoup la danse chez moi j’ai mis un soin persévérant à en éloigner ce
mauvais goût »… On applaudit ses élèves dans les assemblées les plus brillantes, pour leur talent et leur maintien :
« M
lle
de B
EAUHARNAIS
qui ne se borne pas à ce seul avantage possédant tous les genres de talens unis au meilleur
ton, à la plus constante modestie est une de celles qui me fait le plus d’honneur »… Eliza parle français aussi bien
que l’anglais, mais « silentieuse lorsqu’il faut converser, et jabotteuse tout bas avec ses compagnes elle employe peu
ce qu’elle sait »…Mme Campan passe en revue son jeu de piano, son chant, son italien, ses connaissances de l’his-
toire ancienne et moderne, de la mythologie e de la géographie. Elle lui reproche une certaine indolence ; il est « es-
sentiel » qu’Eliza passe directement de ses mains, à celles de son père…