Table of Contents Table of Contents
Previous Page  130-131 / 188 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 130-131 / 188 Next Page
Page Background

129

128

Lettres & Manuscrits autographes

26 mai 2020

204

VERLAINE Paul (1844-1896)

MANUSCRIT autographe,

Épitaphe

, [1886] ;

1 page in-8 sur papier quadrillé, à l’encre

rouge dans une grande croix dessinée (fente

réparée).

Projet d’épitaphe pour ouvrir les

Mémoires

d’un veuf

.

C’est en 1886 que Verlaine publia ses

Mé-

moires d’un veuf

(Léon Vanier, 1866), alors que

son ex-épouse, Mathilde Mauté, se remariait

le 30 octobre 1886. Cette « Épitaphe » devait

figurer en tête du livre, comme le montre le

titre

Mémoires d’un veuf

biffé dans le coin

supérieur droit de notre manuscrit, mais en

fut retirée ; elle fut publiée en 1929, avec

variantes, au tome II des

Œuvres posthumes

.

Inscrite dans une croix, telle une pierre tom-

bale, elle est comme une épitaphe à l’ancienne

épouse.

« Ici repose qui fut une fille de qui l’on

ne dit rien, une épouse vague, une mère

inconsciente.

De son vivant on l’appelait :

LA PRINCESSE CERTAMÈNE

Elle faillit mettre aux prises deux hommes

[Verlaine et Rimbaud]. Pourquoi ? Fut nuisible

à des poètes. Pour qui ?

Consacra le reste de ses jours à des visites,

soirées et bals chez des bourgeois pervertis.

La Foi lui fut indifférente, l’Espérance inconnue

et la Charité lettre morte.

Kleptomane, en outre. Elle mourut d’une mort

absurde, sans le signe de la Croix, mais à son

ombre que voilà, car la Miséricorde divine

est infinie. »

Dans une note collée au bas du feuillet, Ver-

laine explique : « Mot latin tourné en dési-

nence franco-grecque.

Certamen

, combat.

Certamène

, combative. “Femme de querelle”

(V.

Parallèlement

). »

Au verso, de la main de l’éditeur Léon Vanier,

projet d’un recueil de proses de Verlaine,

avec liste de titres (et chiffres pour cali-

brage) :

Conte de fée

7,

Extrêmes onctions

4,

La Goutte

2,

Ægri somnia

4, [...]

Mes hos-

pices

3 »…

2 800 - 3 000 €

205

VERLAINE Paul (1844-1896)

MANUSCRIT autographe signé

« Paul Verlaine »,

René Ghil

, [1887]

;

5 et 9 pages in-8 sur papier administratif,

montées sur onglets, reliure cartonnage bradel

de papier marbré.

Belle étude sur le poète René GHIL, pour

la revue

Les Hommes d’aujourd’hui

.

Le manuscrit est en deux états : le brouillon de

premier jet, puis le manuscrit de travail de la

version définitive, avec des développements

importants par rapport au brouillon initial ;

tous deux présentent de nombreuses ratures

et corrections.

« René Ghil, poète français, est né le 26 7

bre

1862, à Tourcoing (Nord). Comme pour beau-

coup de personnes d’origine flamande, il

y a gros à parier qu’il a du sang espagnol

dans les veines. On a déjà dit de lui : “…

un Espagnol perdu dans les brumes de la

Flandre.” On ne s’est pas trompé non plus en

traitant, à cette occasion, son génie et son

talent d’“imagination chaude domptée par une

logique sévère” »… C’est un artiste instinctif,

un cas exemplaire d’esthétique transcendante.

« Décadent ou symboliste, ou l’un et l’autre,

n’importe, en admettant que l’un diffère de

l’autre, que

décadent

qui est pittoresque et

historique comme

gueux

et

sans-culottes

, et

symboliste

qui est amusamment pédantesque

[…] signifient ceci ou cela, peu ou prou ou, en-

core rien, René Ghil représente la génération

levante d’ouvriers en vers, et fortement, par

l’exemple et le précepte »… Verlaine évoque

l’enfance campagnarde de Ghil, laquelle lui

inspira la passion pour la nature que l’on

trouve dans son livre « absolument beau » de

Légende d’âmes et de sangs

. Puis il expose

son projet d’une œuvre poétique en six livres,

dont le deuxième,

Le Geste ingénu

, paraîtra le

10 mars : « c’est, par

suite de poèmes distincts

mais logiquement liés entre eux pour que le

livre soit un

, la mise en scène

symbolique

des montées du désir de la jeunesse,

hors

du temps et du lieu, dans l’espace indéfini

de ces âges moyens qui doivent conduire,

par évolution, au Rêve pur et à la raison

cherchée

, ce qui sera dans le 6

e

livre »…

Il cite la dédicace à MALLARMÉ, des phrases

admiratives de celui-ci à Ghil, et parle en-

fin du

Traité du verbe

que Mallarmé avait

consenti à préfacer, l’an dernier. « Partant

de ce principe, admis en somme, qu’il y a

parité entre les sons et les couleurs – Bau-

delaire et Rimbaud, génies, ont déployé

l’idée émise par de nombreux théoriciens

– pourquoi le Poète ne trouverait-il pas les

couleurs en sons, une fois bien déterminées

les couleurs des voyelles et des diphthon-

gues, “et aussitôt en timbre d’instrument”,

pourquoi même sa magie ne s’étendrait-

elle pas jusqu’aux consonnes le tout for-

mant un orchestre intelligent et coloré ? »…

Il résume le système orchestral du poète, qui

donnera des vers musicaux, « non musiciens !

insiste Ghil », comme l’illustrent deux poèmes

imprimés collés à la fin du manuscrit, dont

un fragment inédit de l’

Impromptu de cuivres

et basses

.

On a monté en tête du volume deux portraits

de Verlaine, l’un tiré sur papier bleuté par

Cazals, l’autre gravé sur papier bleu et l’autre

gravé à l’eau-forte.

2 000 - 3 000 €