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BEAUX-ARTS
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GAUGUIN PAUL (1848-1903)
Lettre autographe signée adressée à Camille PISSARRO
[Paris], le 04 janvier 1882, 3 pages in-8 à l’encre sur papier
à en-tête « Agence financière des Assurances », sous
emboitage de demi-maroquin chocolat, dos titré or,
portrait de Gauguin inséré. (Pliures et légères taches).
10 000 / 15 000 €
Intrigué par le retrait de Pissarro de la scène artistique, Gauguin
l’incite à changer d’avis : « votre lettre est pour moi une énigme je
ne comprends plus ce qui se passe à Pontoise ; vous croyez vous
êtes à même de vous retirer dans votre trou pour reparaître après,
vous êtes dans l’erreur ». « Degas peut en parler à son aise, car il
ne se retire pas du tout dans son trou sa reputation est faite et n’est
pas à faire il a son monde pour le soutenir et même l’acadèmie qu’il
blague est toute prête à lui tendre les bras. Que demain il lui plaise
d’aller au salon immédiatement ou lui ouvrira les portes pour
l’acclaimer […] ». « Quelqu’uns comme Delacroix ont cependant
beaucoup cherché d’eux-mêmes mais vous devez cependant vous
apercevoir que sauf les moyens, la coloration etc. Delacroix après
tout est resté le peintre d’avant dans ses compositions. Il y a bien une
allure à lui, c’est un homme de génie… ». « Je ne puis me décider à
rester toute ma vie dans la finance et peintre amateur. J’ai mis dans
ma tête que je deviendrai peintre… ».
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GAUGUIN PAUL (1848-1903)
Lettre autographe signée adressée à son épouse METTE
Lutèce, le « 20 Fructidor an 91 » [7 septembre 1883], 2 pages
in-12 à l’encre. (Traces de pliure).
7 000 / 8 000 €
« Chère Madame, Il est important que vous sachiez si le 7 septembre
est un jour de fête ; peut-être l’avez-vous oublié […] ». A cette date, les
relations entre Gauguin et sa femme Mette, née Sophie Gad (1850-
1920), sont en effet particulièrement tendues. Ils se rencontrent en
1872, alors que Gauguin s’engage dans une carrière d’agent de change
à la Bourse de Paris. La confortable vie bourgeoise qu’ils partagent
tout d’abord s’effondre en 1882, lorsque Paul annonce à Mette qu’il
abandonne son emploi pour se consacrer à la peinture. La famille
tombe rapidement dans la pauvreté, amenant les époux à se réfugier
au Danemark chez les parents de Mette, puis à se séparer en 1885.
« […] Vos enfants sont les jeunes pousses qu’un rayon de soleil ranime
et fortifie, vous avez une année de moins mais un enfant de plus […] ».
En septembre 1883, lorsque Gauguin rédige cette lettre, Mette est
enceinte de Paul Rollon, dit Pola Gauguin, qui naît trois mois plus
tard, le 6 décembre. Pola est le cinquième enfant du couple, après
Emile, Alice, Clovis et Jean René. « […] Je le connais votre chenapan
de mari, il n’ose vous dire aujourd’hui que le 17 sept. lui rappelle une
fameuse naissance […] ». La lettre témoigne des sentiments délicats
que Gauguin conservera très longtemps à sa femme. « Si la vie a
quelquefois ses revers à côté de ce grognon de Paul en revanche le
bonheur est là où on aime ; chez l’époux il y a la sévérité, interrogez
son cœur il vous répondra (I elske) [j’aime, en langue danoise] ». Le
ton de cette lettre dans laquelle Gauguin parle de lui à la troisième
personne est assez inhabituel.




