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HISTOIRE

plus grand prix à ce que leur enfant conserve sa petite maman. « Quant

à l’accroissement de ma famille, je le desire loin de le redouter, et

malgré la dureté des tems je trouverai toujours moyen d’avoir bien

soin de mes enfans et de ne les laisser manquer de rien. Comme je ne

[me] marierai jamais je les regarde comme ma véritable famille, et ma

bien aimée descendance. Vous me reprochez d’aimer la chretienne

encore plus que le créateur. D’abord je n’aime que vous, et je ne crois

pas que vous meritiez trop ce nom. Car vous n’entendez pas plus

de messe qu’un Juif, et vous ne fréquentez pas plus les sacrements

qu’un turc. Vous savez bien que c’est toujours là notre querelle.

Passe qu’on oÀense Dieu, (légèrement) par un petit coin, ce n’est pas

une raison de l’oÀenser par tous les bouts ; et il vaut mieux donner

quelques petites entorses au 6

e

commandement avec un seul homme,

qu’on doit considerer comme son époux, que de pêcher par une

inconduite je dirois même un atheisme désespérant pour vos amis.

Ensuite pour en revenir à moi je crois que c’est honorer le créateur

que de l’admirer dans l’une des plus parfaites de ses créations. J’en

prends volontiers sur moi tout le péché »… Il termine de façon fort

libre : « j’embrasse tendrement ton joli petit cul, tes charmans petits

tétons, ton delicieux petit moulin, enfin tout ce qu’on peut embrasser

depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête »…

2 mai 1791

. Sur sa fille, dont Julien lui dit « qu’elle a beaucoup de

jugement pour son age. J’ai peine à croire que ce soit par là quelle

brille le plus, mais j’apprends avec bien du plaisir qu’elle se porte à

merveille, qu’elle grandit et se fortifie tous les jours. Je suis cependant

faché que son teint noircisse, parce que tu m’as accoutumé à ne rien

trouver de plus joli qu’une peau bien blanche. Il me semble qu’on

pourroit facilement lui couvrir la tête lorsqu’on la promene au soleil.

Je me fais une grande fête de revoir cette chere petite à laquelle je

sens que je m’attache chaque jour davantage »… Il termine : « Adieu,

ma bonne amie […] je te mets dans l’habit des graces, et ainsi vetue je

t’embrasse de toutes mes forces, succe ta jolie langue, tes charmantes

pommes d’apis, tes charmantes pommes de reinette, tes grosses et

fraiches pommes de tambour, puis me fixant dans le centre même de

la volupté par excellence, j’y reste tout à fait, et c’est de la que je me

dis le plus soumis de vos serviteurs et le plus tendre de vos amis ».

22 mai 1791

. Sur les événements : « Je ne crois pas la contre-révolution

plus prochaine à Lyon qu’ailleurs, et les choses sont trop avancées

pour que nous ayions l’esperance de les voir reculer. Si cela etoit

il faudroit s’en rejouir bien plutôt que s’en afliger. Et les personnes

connues pour bien penser seroient alors bien plus en sûreté que

les autres. D’ailleurs en se tenant tranquille chez soi on evite tous

les dangers, et ce ne sont guere que ceux qui les cherchent qu’ils

atteignent »... Un décret ayant autorisé tous les cultes, il n’est plus

embarrassé pour entendre la messe, et « à l’abri de cette

douce

tolérance je pourrai faire au moins le devoir de l’honneur et de la

conscience »... Mais tout ce qu’ils voient depuis deux ans, prouve le

contraire de la maxime de Pangloss… Il la remercie de sa confirmation

de la charmante promesse faite le 10 mai 1789, « un de mes titres les

plus assurés au bonheur. Je voudrois seulement qu’en me confirmant

cette chere parole tu n’y misses pas une espece de restriction en

ajoutant tant qu’il sera en mon pouvoir de la tenir. Entendrois-tu donc

par là te menager un jour un faux fuyant, une excuse ? Assurément il

sera toujours en ton pouvoir de m’aimer et de m’etre fidele, et moi je

te jure à mon tour et pour la vie l’amour le plus tendre, et une fidelité

à toute épreuve. Je ne suis ni parjure ni volage tu peux m’en croire, et

tu sais bien que mes sentimens pour toi ne font que croître chaque

jour bien loin de diminuer »… Il regrette qu’elle n’aime les « descriptions

plus que tendres

» de ses lettres : « « En ce cas il faudroit n’être pas

si jolie » ; et il la déshabille pour « glisser ma main dans ton sein,

t’asseoir sur mes genoux, glisser l’autre entre les tiens, introduire un

doigt amoureux dans le sanctuaire des vrais plaisirs, te procurer des

titillations voluptueuses, exciter en toi les plus douces sensations,

charmans avancoureurs d’un plaisir plus solide, te retourner ensuite,

[…] m’extasier à la vue de ces deux globes delicieux qui resusciteroient

un mort, […] y administrer une flagellation préparatoire, […] entrouvir

légèrement le centre des voluptés », etc.

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GRIMOD DE LA REYNIÈRE Alexandre-Balthazar-Laurent

(1758-1838) gastronome et écrivain.

L.A.S. « Grimod ngt », Paris 12 septembre 1794/26 fructidor

2 soir, à la citoyenne FORTIA [Baptistine-Marie-Thérèse de

Cabre de Roquevaire, comtesse FORTIA DE PILES], à L’Isle

par Avignon [L’Isle-sur-la-Sorgue] ; 2 pages in-4 remplies

d’une petite écriture serrée, adresse (petite déchirure par

bris de cachet avec perte de quelques lettres à la fin de 4

lignes).

250 / 300 €

Belle lettre écrite en pleine réaction thermidorienne, à la femme

de son ami le littérateur émigré

.

Il reçoit sa lettre comme une faveur inattendue, car il se repentait de

s’être exprimé avec trop de franchise, et trop peu de ménagement,

sans connaître les circonstances où se trouvait le citoyen Fortia, pour

les aÀaires duquel il n’épargne pas son zèle : « c’est moi qui me suis

chargé seul de toutes les aÀaires du C. Fortia. Je leur consacre la

majeure partie de mes soins, de mon tems, de mon zèle, et de mes

courses ; et s’il faut en croire ses remerciemens je m’en acquitte à

son entière satisfaction »… Cependant Fortia l’a laissé ignorer la perte

qu’avait faite sa femme [la mort d’un enfant né en 1793]. « Je crains

bien d’y trouver la confirmation de mon système sur l’allaitement, et

je n’ai point à me reprocher d’avoir dissimulé mes craintes au Pere

lors de la naissance de ce malheureux enfant. Il est des mères d’une

complexion si vive, et d’un sang si inflammable, que leur nourriture

est un aliment de mort, et celles là doivent s’interdire par tendresse

maternelle le plus doux des devoirs de la maternité »… Qu’elle ne

se blâme pas de l’insuccès de ses démarches pour adoucir le sort

de Fortia : « N’en accusez que les circonstances, qui jusqu’au 10

Thermidor s’opposoient au succès de nos vœux, et mettoient même en

danger les jours de votre ami, quoiqu’absolument innocent, et même

exempt de la plus legère imprudence. Aujourd’hui les choses ont bien

changé. La Justice est à l’ordre du jour, et les mesures de rigueur ne

sont plus que pour les coupables. Livrez vous donc à l’espérance »…