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George SAND.
1804-1876. Femme de lettres.
L.A.S. « G » à l’abbé Rochet,
desservant de la Champenoise.
La Châtre, 1
er
février 1836. 8 pp. ½ in-4, adresse, marques
postales, petites déchirures sur les derniers feuillets.
Très belle et longue lettre de Sand, au moment de son
procès, sur ses démarches auprès de l’évêque, mentionnant
son roman
Lélia
, fustigeant les préjugés d’une société
conservatrice, etc.
A propos de son procès en séparation avec Casimir, elle explique
combien elle s’est engagé dans une affaire qui lui prendra du
temps, et en explique les raisons :
(…) Mon neveu le nouveau
préfet, et moi, nous sommes longtemps perdus de vus ;
lui et sa
famille parce qu’ils haïssaient ma conduite démocratique ;
moi, parce que je ne voulais pas me soumettre à leurs
théories de patriciens
(…). Je ne suis donc pas étonnée qu’il
ne m’ait pas donné encore signe de vie, et après tout, dans la
position où je suis, plaidant en séparation, n’ayant pas encore
mon domicile légal chez moi, je ne puis l’engager à me venir voir
(…) J’ai la vanité de croire que ses anciennes préventions
sur mon caractère hautain et indépendant, seront bientôt
détruites.
Alors j’espère qu’il sera très obligeant et que je
pourrai à coup sûr réclamer son zèle (…).
Elle lui demande de
la laisser faire seule ;
Vous savez comme on interprète toutes
choses en ce bas monde. Laissez-moi agir (…). Mon procès
sera jugé devant l’opinion aussitôt qu’il sera devant les tribunaux
(…). Si je perds mon château, vous verrez que je perdrai bien
des sourires et bien des révérences. Si je le gagne au contraire,
je serai blanche comme neige et je pourrai me réclamer de mes
grands-parens.
Ainsi est faite la société, il faut lui faire la
guerre pour avoir la paix. Il faut la remuer et lui faire signer le
traité qui assure notre dignité et notre repos
(…).
Elle lui prête
Lélia,
ouvrage qui est devenue rare, et espère lui offrir bientôt
la nouvelle édition complète de ses
Rêvasseries
.
(…) Vous
savez lire, vous verrez que ne n’ai rien conclu et que j’ai peints
la souffrance humaine, l’espoir aux prises avec le doute (…).
Chaque personnage représente une passion (…).
Elle poursuit
à propos de plusieurs ouvrages qu’elle voudrait lui prêter mais
qu’on lui a empruntés, et ajoute ;
Mais comme pour bien lire, il
ne faut pas trop lire à la fois, vous en avez assez pour le présent.
Sand demande qu’il lui renvoie son exemplaire de
Jacques
, dont
elle voudrait corriger pour une seconde édition. Elle poursuit,
dans de grand élan idéaliste :
Parlons de vous, maintenant.
Je voudrais que vous fussiez non pas moins er et moins
ardent vers les idées généreuses, mais moins chagrin et moins
impatient avec les mauvais hommes (…). Les hommes sont bien
méchants et bien vils, j’en conviens, mais ils sont si faibles (…).
Elle l’engage à vivre heureux dans la voie du stoïcisme, et dans
la contemplation de l’univers, la pensée du ciel, en savourant
les délices de la solitude ; la prière, la méditation, l’étude et la
poësie, il est impossible que l’on n’arrive pas à un tel état de
l’âme, que les
événemens
extérieurs soient sans effet. On est
convenu de dire qu’avant tout, il faut vivre, que les soucis de
la vie matérielle, absorbent les forces de la vie intellectuelles,
qu’il n’est pas de poésie sans loisir, par de courage sans orgueil
satisfait, pas de santé sans les aises de la vie (…). Je puis vous
le dire par expérience, on peut survivre moralement à tous les
désastres (…) L’espérance du mieux n’abandonne jamais celui
qui est décidé à travailler (…). Ce n’est pas une gloire humaine
que nous cherchons, c’est le moyen de faire le bien (…).
Joint une copie de la correspondance de Sand à l’abbé
Rochet entre 1836 et 1850, formant 27 lettres inédites
(env.
45 pp. ½ in-8 ; 1836 : sur son déshonneur après la décision
du tribunal de s’opposer au jugement de séparation, sur sa
demande de soutien de l’évêque ; 1840 : discussion sur
le vrai,
le juste, et la liberté…
; la position de l’Eglise sur la Liberté, etc.
1850, sur Lamartine, ses convictions républicaines, etc.).
Joint 4 poèmes de Pierre Lachambeaudie
tirés de ses Fables.
1 500 / 2 000 €




