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L’ACADÉMIE FRANÇAISE

II. RENAISSANCE ET PÉRENNITÉ,

XIX

e

-XX

e

SIÈCLES

CATALOGUE N°25

Cette collection sur l’Académie française, dont voici la deuxième partie,

a été constituée par six générations des marquis de Flers. Commencée

vers 1830 par Hyacinthe Pellevé de La Motte-Ango, marquis de Flers (1803-

1866), elle fut considérablement et systématiquement développée par son

fils Camille (1836-1893), historien de Louis-Philippe. À la mort de Camille,

elle passa à son frère Raoul (1846-1907) ; celui-ci la transmit à son fils

Robert de Flers (1872-1927), le célèbre auteur dramatique et rédacteur en

chef du

Figaro

, qui entra lui-même à l’Académie Française en 1920. Elle fut

poursuivie par son fils François (1902-1986), et parachevée par son petit-fils,

le regretté Philippe de Flers (1927-2012), qui a presque doublé le nombre

de pièces ; non content d’en combler les manques, ou de la compléter par

des documents intéressants, il a élargi la collection aux non-académiciens,

candidats malchanceux ou adversaires de l’institution. Cette collection,

acquise en 2009 par Aristophil, avait fait l’objet en 2010 d’une publication

anthologique richement illustrée chez Gallimard, sous la direction de Philippe

de Flers et Thierry Bodin, avec la participation de plusieurs académiciens et

spécialistes,

L’Académie française au fil des lettres

.

La collection compte plus de 7 000 lettres, manuscrits et documents,

et restera la collection la plus complète jamais rassemblée sur ce thème.

Supprimée en 1793, l’Académie française va, telle un phénix, renaître

de ses cendres. Alors que certains de ses membres se réunissent dans la

clandestinité, la Convention nationale crée en 1795 l’Institut national, divisé

en trois classes, dont celle de littérature et beaux-arts, réorganisée en 1803

comme seconde classe de « Langue et littérature françaises » avec ses

quarante membres. En 1806, Napoléon installe l’Institut dans l’ancien Collège

des Quatre Nations, ou Palais Mazarin, où il est toujours. En 1816, Louis

XVIII refonde par ordonnance l’Académie française, dont onze membres

sont exclus.

On verra ici comment fut vécue cette période troublée, avec notamment

le sauvetage du

Dictionnaire

par Garat, et l’épisode du discours interdit de

Chateaubriand.

Puis on revivra l’entrée longue et difficile des Romantiques sous la

Coupole, farouchement défendue par les Classiques : Lamartine, Hugo,

Mérimée, Vigny, Musset ; les jeux stratégiques, diplomatiques et politiques

des candidatures, des visites et des élections ; les réceptions, avec plusieurs

manuscrits de discours, dont ceux d’Eugène Scribe, Ludovic Halévy,

François Mauriac, Claude Farrère, Henri Troyat ou Montherlant. Des lettres

et documents évoquent la vie académique : le travail sur le

Dictionnaire

, les

prix, la remise de l’épée d’académicien…

Il y a aussi les candidatures malheureuses comme celles de Benjamin

Constant, Balzac, Baudelaire, Zola (candidat perpétuel), ou Francis

Jammes ; les attaques, souvent féroces, contre l’institution (on pense au

mot de Flaubert : « La dénigrer, mais tâcher d’en faire partie si on peut »),

comme celles de Baudelaire ou de Barbey d’Aurevilly, fustigeant « cette

République des Quarante, créée par le caprice d’un cardinal despote », ou

plus ironiques, comme la pièce

L’Habit vert

(représentée par un manuscrit

de travail), qui n’empêchera pas un de ses auteurs, Robert de Flers, d’entrer

sous la Coupole.

Comme l’écrit ici Henri de Régnier, l’Académie française rassemble

« des personnalités représentant des valeurs intellectuelles et sociales

très diverses, hommes d’État, hommes d’Église, hommes de guerre y ont

toujours pris place auprès des hommes de Lettres, de façon à faire de

l’Académie une Assemblée composée des hautes notoriétés françaises ».

Il aurait pu y ajouter les sciences, illustrées notamment par trois importants

manuscrits de Louis Pasteur sur la rage, Henri Poincaré sur

La Dynamique

de l’Électron

, et Louis de Broglie présentant son livre

Matière et Lumière

.

À travers lettres, manuscrits et documents, c’est l’histoire de l’Académie

qui s’écrit dans ces pages, jusque dans les années 1980 et l’élection du

premier étranger avec Julien Green, et de la première académicienne avec

Marguerite Yourcenar.

Des non-académiciens les accompagnent, comme Stendhal à la

recherche du bonheur, ou Flaubert plongé dans l’écriture de

Madame

Bovary

, sans oublier la très intéressante correspondance de Marcel Proust

à Robert de Flers, son condisciple du lycée Condorcet, qui demeurera un

ami et un appui fidèle ; Proust évoqué aussi par le recueil où une centaine

d’écrivains répondent au fameux « Questionnaire de Proust ».

Thierry Bodin