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42.
Henry de GROUX
. 8 L.A. ou L.A.S. (« Pati » ou « Henry »), 1917-1919, à
SA
FILLE
M
ARIE
-T
HÉRÈSE
; environ 24 pages
petit in-4 ou in-8, 3 enveloppes (défauts à une petite lettre).
1.500/1.800
B
ELLE
CORRESPONDANCE
À
SA
FILLE
CADETTE
, « Mixton », « Mix » ou « Mixy ».
Paris 31 octobre 1917
. Il l’interroge sur sa situation, sur les possibilités de travailler à Vernègues, et sur la poursuite méthodique
de leurs résolutions, demandant les moindres détails de l’affaire : « Car il n’y a pas de petites choses ou de choses vaines. Tout
est très important, dans la minutie de tout labeur […] Je vais à ma grande corvée de l’usine. Mes résultats sont
formidables
»…
29 mars 1918
. Il raconte sa vie à Paris, où la vie est chaque jour plus difficile, « problématique même au prix du travail le plus
forcené. Les modèles ne viennent plus poser, inquiets du danger qu’ils courent à mon atelier. J’ai ainsi plusieurs portraits sur
lesquels je comptais pour pouvoir réaliser les fonds nécessaires à un exode prochain – pas moyen de les terminer ! […] Au
fond l’affolement est partout et nous vivons ici les heures les plus critiques de l’horrible cauchemar ». Quant à « d’Alignan et
compagnie », ses éditeurs, ils le tiennent avec « tout le cynisme de leur ignominie », et il attend le bon moment pour les assigner en
justice. Il travaille jour et nuit « pour arriver à forcer la chance ». Il avait réussi à faire partie d’une exposition belge, dans l’espoir
de vendre quelques toiles, mais elle a été annulée. « Il n’y a d’ailleurs pas moyen de trouver un cadre. Plus d’encadreurs, plus de
layettes, plus rien ! le travail est arrêté partout et la vie est hors de prix ». Il espère qu’il parviendra à trouver l’argent nécessaire
pour les rejoindre… Élizabeth est très impressionnée par les bombardements dont la menace est permanente. Il compte demander
des subsides au gouvernement « pour des expositions “de propagande”, les seules qui aient des chances d’être, en ce moment,
subventionnées ». Il ne lui reste plus que quelques francs en poche, « au milieu de toutes les alertes et les menaces de toutes sortes.
Patience. – Ce matin nous avons été réveillé par le canon monstre à 7 h. du matin. Détonations épouvantables. […] Nous saurons
demain ou ce soir le nombre des victimes. Tout le monde quitte Paris. On ne voit dans les rues que des automobiles surmontées de
malles. Mais les départs sont eux-mêmes difficiles »…
17 mai 1918
. « Je viens d’être très malade mais me voici heureusement hors
de danger. […] ma vie entière a été très difficile à tous égards. Je suis un peu comme le “Fliegender Hollander” qui lutte sans cesse
contre les flots en furie, sans pouvoir aborder nulle part ! Je voudrais bien pouvoir venir vous retrouver là-bas. Mais la difficulté
[…] est toujours la même » : il n’a pas d’argent mais va tenter d’en obtenir de quelques travaux récents. Il espère qu’elles se portent
bien et que la fin de cet affreux cauchemar de guerre est proche…
28 mars
1919
, à Élizabeth et Marie-Thérèse
. Il a reçu hier le « prince des Beaux », qui lui amené « un jeune tourlourou qui
veut m’acheter des dessins »… Il doit terminer son petit monument pour d’Alignan, mais il en a presque fini la terre, pour ensuite
le confier à son mouleur. « Je vous donne en mille la dernière pensée de
D
’A
LIGNAN
[…] faire mouler le Pont d’Avignon » : celui-
ci a acheté un grand terrain là-bas, « dont il veut faire, le “tombeau des artistes” (??!!!) Et c’est moi qui devrais être l’auteur de
ce monument, temple, mausolée, ou colombarium, – four crématoire […] où l’on mettrait à l’expiration de leurs contrats, ses
malheureux collaborateurs, si !! (ce n’est pas une blague !) ». Il veut bien faire ce monument, mais à un prix très élevé, et en
précisant dans son testament qu’il ne veut pas y être mis…
15 avril
. « Je suis en possession du livre le plus extraordinaire du monde :
c’est le 1
er
exemplaire de
Diaboliques
de B
ARBEY
D
’A
UREVILLY
. C’est son exemplaire à lui, […] et dont la préface est une longue et
vraiment
merveilleuse
enluminure de Léon B
LOY
. Le texte en est tout entier de sa main dans une “
gothique
” d’une impeccabilité
vraiment sublime ! Et c’est un véritable crève-cœur de devoir se démunir peut-être d’une pièce aussi rare, aussi belle, qui vaudra
un jour tout ce qu’on voudrait en demander ». Louise R
EAD
est obligée de s’en séparer pour avoir des fonds lui permettant d’éditer
les œuvres posthumes de Barbey. Elle en demande 1500 francs. De plus, le volume, relié par un relieur célèbre « sur un
plan
de
Barbey d’Aurevilly. Je suis certain que d’ici peu de temps il vaudrait cinq mille […]. Nous pourrions, Elizabeth et moi, y ajouter
un portrait à l’eau-forte ou un bois,
tiré à un exemplaire
, pour orner le livre ». Il voudrait aussi y ajouter une signature de Bloy...
14 mai
. La situation, bien qu’encore difficile, s’améliore doucement. Il a bientôt terminé deux nouveaux bustes, de M
ALLARMÉ
et
Claude D
EBUSSY
. C’est D
UJARDIN
de la
Revue idéaliste
qui réunit les fonds des « mallarmistes » pour le monument de Mallarmé…
Il a assisté à un festival Debussy, où il a entendu toutes ses œuvres, qui le confortent dans son idée du monument, et il y a vu
Mme et Mlle Debussy qui sont enthousiastes. « Le projet de ce monument, je le ferai en Provence avec toi ». Il compte venir en
effet y passer quelques semaines, mais il faudra après retourner à Paris « pour terminer ensemble, dans le plâtre, le joli monument
d’Alignan qui en a besoin dans certains détails et qui est une œuvre très curieuse ». Il est même possible qu’il arrive avant 15
jours, d’Alignan étant tellement impatient qu’il propose de le conduire en Provence dans son automobile ! Il évoque l’affaire du
tableau du
Christ aux outrages
14 août
: « nous serons certainement bientôt réunis. C’est demain seulement que je touche mon
argent et je t’en enverrai »…
Vernègues 6 décembre
. Tandis qu’elle visite Rome, ils tentent de s’acclimater à leur nouvelle demeure,
« qui laisse terriblement à désirer encore pour un fastueux de mon espèce dont l’idéal n’est que
très-relativement campagnard
.
Quoiqu’il en soit, je pense que nous arriverons à une assez puissante harmonie de point de vue et de sagesse dans l’exécution et
la persévérance des énergies vers les résultats en vue, sans les atteindre d’abord, et ensuite, les dépasser… En attendant, voici que
tu as triomphé dans tes géorgiques amours », en souvenir de quoi il lui offre un petit cachet d’argent… Il lui donne la marche à
suivre pour la centaine de ses dessins encore entre les mains de Mme de G
ERLACHE
DE
G
OMMERY
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