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134. SAINT-JUST (L.-A.-L.).
Organt, poëme en vingt chants.
Au Vatican
[Paris, Demonville],
1789
, 2 tomes en un vol.
in-18, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné, roulette intérieure dorée, tranches dorées (
reliure
de l’époque
).
ÉDITION ORIGINALE de ce poème épique, parue clandestinement fin avril
1789
.
Elle est rare.
Elle sera réimprimée en
1792
, sous le nouveau titre :
Mes Passe-tems ou le nouvel Organt de 1792, poème lubrique, en
XX chants ; par un Député à la Convention nationale
. Des « Notes de l’éditeur »,
4
pages gravées, donnaient la clef du
texte de cette réimpression (Barbier).
Une œuvre de jeunesse de Saint-Just (
1767
-
1794
), « l’archange implacable de la pureté révolutionnaire ».
Organt
, long poème de quelque huit mille vers imité de
La Pucelle
de Voltaire, fut écrit de
1783
à
1787
, puis retouché et
augmenté de
1787
à
1789
. Oberlé nous dit que l’œuvre fut composée alors que son auteur était interné à la maison d’arrêt
de Picpus à la suite d’une lettre de cachet obtenue contre lui par sa mère.
L’histoire se déroule à l’époque de Charlemagne, mais sous des noms d’emprunt, Saint-Just y peint des portraits souvent
très outranciers des personnalités de son temps. La « clef » nous apprend ainsi que Charlemagne n’est autre que Louis XVI,
Cunégonde, Marie-Antoinette, ou encore qu’Adelinde prête ses traits à Mme du Barry…
Ainsi, «
Organt
[– dont Malraux releva le caractère d’apocalypse –] est avant tout une [violente et corrosive] satire
politique et religieuse, qui use de tous les moyens pour discréditer les hommes et les institutions de l’Ancien Régime ».
« Cette œuvre au cynisme calculé témoigne moins de libertinage » qu’elle n’annonce les ambitions révolutionnaires d’un
jeune homme d’à peine
22
ans. On sait quel rôle exalté fut le sien dans les événements qui allaient advenir et par quelles
paroles sans appel il devait concourir à précipiter la fin de l’Ancien Régime.
Saint-Just fut guillotiné avec les principaux partisans de Robespierre lors des sanglantes journées de thermidor an II (juillet
1794
), par lesquelles s’acheva la Terreur.
Précieux exemplaire de l’auteur.
Les
2
corrections manuscrites anciennes, à l’encre, qui se trouvent aux pages
61
et
128
du tome premier, sont peut-être de
sa main.
Il a ensuite appartenu à Auguste Poulet-Malassis, l’ami de Baudelaire, dont il fut l’éditeur ainsi que celui de textes plus ou
moins licencieux du XVIII
e
siècle.
Dans ses jeunes années, « Malassis voulait écrire une étude approfondie sur Saint-Just qui fut et resta son héros. À défaut
de pouvoir l’écrire, il publia en
1859
celle d’Ernest Hamel qui lui vaudra une amende et, plus grave sera mise au pilon ».
Gérard de Contades cite une lettre d’un ami de Malassis : « J’ai parfois pensé que l’âme de Saint-Just, interrompue
prématurément dans son commerce avec le corps qui lui servait d’étui, avait achevé sa vie dans celui de ce pauvre
Auguste. »
À Bruxelles en
1867,
il fit paraître, à
261
exemplaires, une réédition du texte de Saint-Just, précédée d’une préface de sa
main, dans laquelle il décrit son exemplaire, qui avait été celui de l’auteur.
L’exemplaire présente également
2
autres corrections manuscrites, portées au crayon, aux pages
48
et
159
du tome premier.
Sont jointes :
Les « Notes de l’éditeur » (
2
feuillets) qui donnent la clef du texte et qui en accompagnaient la réimpression de
1792
.
Aucun des exemplaires de la BNF, qu’il s’agisse de l’édition de
1789
ou de sa réimpression de
1792
, ne présente ces
4
pages
des « Notes de l’éditeur ».
Dimensions :
125
x
80
mm.
Provenances :
Louis-Antoine de Saint-Just ; Auguste Poulet-Malassis (le volume n’apparaît pas à son catalogue), avec son
fameux ex-libris de bibliophile impénitent : « Je l’ai ! ».
Brunet, V, col.
52
(« Les exemplaires sont devenus peu communs ») ; Barbier, III, col.
742
(« Une clef gravée, de
4
pages, est
ajoutée aux exemplaires de [la réimpression de
1792
] ») ; Gay – Lemonnyer, III, col.
590
-
591
; Quérard,
Supercheries
, III,
col.
900
(pour la réimpression de
1792
) ; Drujon,
Livres à clef
, col.
734
-
736
(« Ce poëme [a été] supprimé par les soins de
l’auteur lui-même et les exemplaires de la première édition sont devenus très rares ») ; Monglond (A.),
La France
révolutionnaire et impériale
, Genève, Slatkine,
1976
, col.
522
; Brunet (G.), « Organt », in
Fantaisies bibliographiques
,
1864
, pp.
145
-
152
; Vinot (B.),
Saint-Just
, Fayard,
1985
, passim ; Michelet (J.),
Histoire de la Révolution
, V, Chamerot,
1850
,
pp.
105
-
109
(Il y avance que la réimpression de
1792
serait plus le fait du libraire que de l’auteur) ; Charmelot (M.-A.),
Saint-Just ou le chevalier Organt
, Sésame,
1957
, passim ;
Oberlé,
Poulet-Malassis
, n°
919
(pour l’édition donnée par
Poulet-Malassis : « [Il] possédait l’exemplaire personnel de Saint-Just ») ; Natural (A.-L.),
Bibliothèque littéraire…
,
7
déc.
2009
, n°
106
(« À peine paru, en mai
1789
, l’ouvrage anonyme fut frappé d’interdiction, puis saisi par la police ») ; Pichois
(Cl.), « Poulet-Malassis du collège d’Alençon à l’école des Chartes », in
Mélanges offerts à G. Oberlé
, Covam,
1992
, p.
116
;
Contades (G. de), « Auguste Poulet-Malassis », in
Le Lérot rêveur
, n°
49
, août
1989
, p. [
5
].




