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La gravure de notre tableau se retrouve dans un
ouvrage publié par son fils Giandomenico
, Raccolta di Teste.
Vraisemblablement pour intégrer l’œuvre de son père dans
l’Histoire de l’Art, Giandomenico a, dès la mort de Giambattista,
en 1770 et jusqu’en 1774, rassemblé une série d’estampes dans
un ouvrage intitulé
« Raccolta di Teste numero trenta dipinte Dal
Sigr. Gio : Batta Tiepolo Pittore Veneto Al Serviggio di S : M :
C : Morto in Madrid L’anno 1770 Incise da Gio : Domenico suo
Figlio divise in due Libri »
. Selon ce frontispice, Giandomenico
rassemble dans deux livres soixante têtes gravées d’après les
peintures, les dessins et les fresques de son père.
En rassemblant ces
Teste,
Giandomenico suit la mouvance
d’autres artistes qui publient des séries d’estampes représentant
des
Teste
. En1656, l’artiste allemandJohannHeinrichSchönefeld
publie 13
Varie Teste di Capricci.
Giovanni Benedetto Castiglione
publie entre 1600 et 1665 deux séries de têtes,
Les petites têtes
d’hommes coiffés à l’Orientale et Les grandes têtes d’hommes
coiffés à l’Orientales
. Dans une de ses lettres, l’écrivain italien
Francesco Algarotti disait posséder une estampe de Castiglione
que Tiepolo lui avait donnée.
Giambattista Tiepolo est appelé à la Résidence princière de
Würtzburg par le prince-évêque Greiffenclau pendant l’hiver
1750, juste un an après l’arrivée du nouveau prince-évêque Carl
Philipp.
En 1750, laRésidence est construitemais pas décorée. Johannes
Zick réalise les décors de la Gartensaal. Mais Zick n’est pas du
goût de Greiffenclau et celui-ci se tourne vers Giambattista
Tiepolo qu’il appelle à ses côtés par une lettre du 29 mai 1750.
Le chef du protocole de la cour de Würzburg Johann Christoph
Spielberger l’écrit dans son journal le 13 décembre 1750
«
gestern ist der Venezianische Mahler Diepolo ankommen, hat
mit sich gebracht seine 2 Söhne und einen Dieener, ist am Hof in
di Eckzimmer in Garten am Rennweg logirt und mit 5 Zimmern
versehen worden ».
Tiepolo, fier de travailler aux côtés de l’architecte très renommé
Balthasar Neumann, est à 54 ans, au sommet de sa carrière.
Il a décoré de fresques et fourni les tableaux des plus grands
palais, villas et églises de la Vénétie. Rarement malade, jamais
oisif, Giambattista Tiepolo est le plus grand peintre décorateur
de l’Europe du XVIII
e
siècle. Il entreprend aussi facilement de
grandes compositions à fresques que des tableaux d’autel, des
petites toiles et des dessins.
Né à Venise au printemps de 1696, il est très vite remarqué
comme un génie. Il n’a que vingt ans lorsqu’il expose un tableau
à San Rocco qui remporte un énorme succès et il est le «
conservateur » des trésors artistiques du doge. C’est à Udine
qu’il a pour la première fois l’occasion d’exécuter la décoration
d’une salle entière. Appelé par l’archevêque d’Udine, de la noble
famille vénitienne des Dolfin, en 1726, Tiepolo fournit les fresques
pour les chapelles de la cathédrale puis les décors d’une galerie
du palais archiépiscopal.
En 1731, deux commandes importantes l’appellent à Milan :
les plafonds du Palais Archinto, détruits en 1943 et
L’Histoire
de Scipion
pour le Palais Casati-Dugnani. Il réalise ces deux
commandes en un an.
Il peint en même temps à Venise, à Bergame, à Vicence et pour
les principautés allemandes. Il écrit qu’il travaille jour et nuit à en
perdre haleine.
En 1730, il doit décliner la commande du décor du Palais Royal
de Stockholm. En 1737, il peint pour l’archevêque-électeur de
Cologne, Clément Auguste, commanditaire de Piazzetta et de
Pittoni, le tableau d’autel de l’église du couvent Notre Dame de
Nymphenburg,
Saint Clément pape adorant la Trinité
(aujourd’hui
à la Alte Pinakothek de Münich). En 1739, il exécute le retable du
Martyre de saint Sebastien
pour les Agostiniens de Diessen, près
de Münich et reçoit en 1743 la commande du comte de Brühl au
nom du prince-électeur de Dresde Auguste III,
Mécène et les
Arts
(aujourd’hui au musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg).
Cette époque nous montre combien la renommée de Tiepolo
s’étend au-delà de l’Italie du Nord. Greiffenclau appelle donc un
artiste connu et renommé.
A la fin de l’année 1750, appelé par Greiffenclau, il accepte de
partir pour son premier voyage à l’étranger, à Würzburg. Avec
l’aide de ses deux fils, Giandomenico et Lorenzo il part exécuter
le décor de la Kaisersaal, un plafond et deux fresques murales.
Un nouveau contrat signé en 1752 montre que Tiepolo accepte
de rester plus longtemps à Würzburg pour réaliser une de ses
œuvres majeures, la fresque du Treppenhaus. Ces années 1750
à Würzburg marquent la consécration européenne de la carrière
de Tiepolo.
L’immense tâche pour le prince-évêque est achevée en 1753
et en novembre de la même année, Tiepolo rentre à Venise. Il
devient Président de l’Académie de Venise. Les commandes
de décors religieux et profanes affluent de nouveau et
Giandomenico et Lorenzo prennent de plus en plus de place
dans leur exécution. En 1757, il reçoit la commande du décor
complet de la Villa Valmarana près de Vicence ; en 1758, Tiepolo
décore deux plafonds de Ca’Rezzonico à Venise. Il séjourne à
Udine, à Vérone puis à Strà. Puis il est appelé à Madrid, en 1762
pour décorer les vastes salles d’un autre Palais Royal, celui du roi
Charles III. Fatigué et malade, il demande de rester en Espagne.
Giambattista, l’auteur des décors grandiloquents, est
curieusement moins connu comme peintre de tableaux
de chevalets. Notre tableau illustre cette autre face de sa
carrière, plus intime et privée. Il est un rappel direct aux figures
d’expressions produites par Rembrandt qui fascinaient Tiepolo.
Avec son pendant, nos deux tableaux sont à l’image de la force
et de la splendeur de Tiepolo. Aujourd’hui, présenté en vente,
notre tableau incarne la puissance créatrice de Giambattista,
défini par Michael Levey comme
« le plus grand des peintres
d’imagination ».




