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19
Décoration.
19 peintures, dont une petite, illustrent ce
manuscrit. Deux peintures ont été soustraites,
engendrant par là des lacunes textuelles, la
première en tête des
Vêpres
(probablement
une
Fuite en Égypte
), l’autre en tête des
Heures
de la Croix
(probablement une
Crucifixion
).
L’ensemble de la décoration présente une
grande unité de style, donc l’intervention d’un
seul artiste.
Ce manuscrit a été décoré dans le proche
entourage de Maître François.
O
n désigne sous le nom de Maître François
un enlumineur qui fut actif à Paris entre 1462
et 1480. Le nom de François a donné lieu à de
multiples hypothèses, toutes peu concluantes
[
]
François Fouquet
[
]
Saturnin François
[
]
François Colombe
[
]
toutes
identifications
incompatibles
avec
l’activité
évidemment
parisienne de miniaturiste et sa qualité de chef
d’un atelier très achalandé et fournissant en
permanence les grands bibliophiles de la cour
et les notables de la capitale entre 1460 et 1480
[
]
. Le considérable succès commercial de Maître
François l’a conduit à s’entourer de nombreux
imitateurs qui ont reproduit ses formes et ses compositions dans un style plus sommaire…
(François Avril et Nicole
Reynaud.
Les manuscrits à peinture en France
. 1440-1520 – p. 45).
C’est entre 1470 et 1480 qu’ont été exécutées la peinture et la décoration de ce manuscrit.
Le caractère, l’esprit, le style du maître parisien sont ici très présents. On y trouve d’abord un goût prononcé
pour les scènes d’intérieurs dans un décor à peu près unique. 10 peintures sur 18 sont situées en intérieur :
une salle presque toujours carrelée, dont la profondeur est coupée par des paravents ou par un dais, au fond de
laquelle s’ouvrent de hautes fenêtres voûtées. Les personnages sont râblés, presque trapus, et semblent parfois
tassés dans leur position assise. Les visages sont ronds, avec de larges fronts, des sourcils épais et des bouches
charnues. Le traitement des vêtements dans leurs plis est plus anguleux que souple, mais d’une amplitude
qui estompe la forme des corps. Tout cela rappelle fortement la manière de Maître François, et c’est pourquoi
il convient sans doute d’attribuer la peinture du manuscrit à la patte d’un de ses adeptes qui, éblouis par la
notoriété du Maître, ont reproduit ses formes et ses compositions.
Certaines peintures sont issues de cartons qui circulaient alors autour du Maître, comme celle de l’
Enterrement
(f. 162v), aussi présente dans l’œuvre de Maître François (Lille, Palais des Beaux-Arts, A206, f. 102) que dans
celles qui sont issues de son atelier (Moscou, Univ., Bibl. Maxime Gorki, n° 288707, f. 165), ou encore
La Nativité
(f. 85), dont la composition s’inspire ici d’un modèle que l’on retrouve dans une peinture du Maître (Chambéry,
BM 1, f. 57) et dans deux autres manuscrits issus de son atelier (Moscou, Musée des Beaux-Arts Pouchkine,
n° 1141, f. 26 ; Moscou, Bibliothèque Lénine, f. 183, n° 3262, f. 62), et enfin la figuration de
La Trinité
de notre
manuscrit (f. 253) qui s’inspire du même modèle que celui de Maître François (Chambéry, BM 1, f. 180 ; Lille,
Palais des Beaux-Arts, A206, f. 152). On retrouve aussi dans notre manuscrit le même type de demi-bordures
extérieures que dans les « Heures à l’usage de Paris » conservées à Chambéry, de la main du Maître, à ce détail
près que jamais le plus petit insecte, le plus petit escargot ne se glisse dans les bordures de notre manuscrit,
comme Maître François le fait si discrètement, mais presque constamment.
Si la peinture de ce manuscrit n’est pas due à Maître François, elle est l’œuvre d’un artiste qui était suffisamment
proche de lui pour lui emprunter ses cartons et travailler dans le même esprit. Il ne faut cependant pas croire que
notre artiste a peu de talent et peu de personnalité. Son travail est ici très supérieur à celui de ses confrères qui
ont exécuté les livres d’heures moscovites cités au-dessus. Il a un goût prononcé pour les scènes d’intérieur et
son utilisation abondante, mais jamais excessive, des hachures à l’or donne à ses peintures une tonalité sourde
que l’on retrouve rarement dans la peinture de Maître François.
L’auteur de la peinture développe ici le programme iconographique attaché traditionnellement à ce type de
manuscrit, mais apparaissent aussi quelques scènes pour le moins surprenantes et qui font de ce livre d’Heures
un témoin particulier de ce genre. Ainsi, la peinture des commanditaires du manuscrit en lieu et place de
l’
Annonciation
pour ouvrir à matines les « Heures de la Vierge » (on trouve aussi cela chez Jean Fouquet, mais
associé à l’apparition de l’ange Gabriel à Marie, cf. « Heures d’Estienne Chevalier », conservé à Chantilly, au
Musée Condé, et les « Heures de sainte Catherine aux Paons » ; de même, la négritude de Balthazar si clairement