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Bien peu de journaux intimes d’écrivains, portant une telle charge d’intensité émotionnelle, ont

été proposés aux enchères. On pense, comme équivalent lointain, au

Carnet de 1906

de Marcel

Proust. La retraite auMaine-Giraud prend un tout autre visage dès lors qu’on sait qu’elle inaugure

la nouvelle période poétique de Vigny, celle des

Destinées

, dits poèmes philosophiques. Il compose

La mort du loup

comme il le note les 30 et 31 octobre ; les dernières mentions du carnet attestent de

la genèse de

La Maison du berger

. Le retour au travail poétique se perçoit alors comme une sorte

de victoire sur les sens.

Le catalogue de la Bibliothèque nationale et la

Correspondance d’Alfred de Vigny

recensent et

publient cinq carnets d’Alfred de Vigny. Trois d’entre eux sont conservés à la BnF et furent acquis

auprès de Henri Guillemin (juillet-décembre 1836 ; 1839-1840 ; 1860-1861). Celui couvrant les

mois d’octobre à décembre 1836 était en 1994 conservé dans la collection Henry Constant. ll

présente surtout des jugements littéraires ou politiques et ne comporte pas de notes à caractères

intimes. Le carnet du second semestre de 1836 conservé à la BnF, s’il présente déjà des caractères

grecs, est entièrement dépourvu de notes amoureuses.

RÉFÉRENCES : M. Ambrière,

Correspondance d’Alfred de Vigny. Septembre 1835-avril 1839

, Paris, 1994, pp.

494-553 -- A. Jarry, “Vigny 1979”,

Romantisme

, 1979, n° 25-26, pp. 217-241, et du même, “Vigny et l’agenda

de 1838 : de la vie amoureuse aux réalités financières”,

Association des Amis d’Alfred de Vigny

, 1980-1981,

pp. 16- 31 -- N. Casanova,

Vigny sous les masques de fer

, 1990, p. 187 ssq. --- absent de l’exposition de la B.N

(1963) -- l’agenda est mentionné par F. Baldensperger,

Le Journal d’un poète

, 1935, p. 17 -- Ch. Gautier,

Marie

Dorval, lettres à Alfred de Vigny

, 1942, pp. 193-210 -- F. Germain,

L’Imagination d’Alfred de Vigny

, 1961, pp. 207-

314-357-365-399 -- B. A. Price, “Alfred de Vigny and Julia”,

AAAV

, 1968, pp. 18-29 --

Lettres pour lire au lit.

Correspondance amoureuse d’Alfred de Vigny et Marie Dorval, 1831-1838

, Paris, 2009 -- H. Guillemin, “La genèse

des Destinées”, in

M. de Vigny homme d’ordre et poète

, Paris, 1965

40.000 - 60.000 €

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Maroquin vert à grain long, doublure de papier vert avec rabat, cinq

coulisseaux pour un crayon (l’un d’eux manquant, comme le crayon)

PROVENANCE : Louise Ancelot (1825-1887) mariée à Charles Lachaud, fille de Virginie Ancelot

mais sans doute aussi fille naturelle d’Alfred de Vigny, héritière duMaine-Giraud et d’une grande

partie des archives Vigny -- Marc Sangnier (1873-1950), fondateur du Sillon, petit-fils de Louise

Lachaud -- Henri Guillemin (1903-1992), assistant de Marc Sangnier (acquis par lui auprès du

précédent en 1923) -- Charavay, acquis par Michel Castaing chez Henri Guillemin : ce manuscrit

n'a donc jamais été présenté aux enchères depuis sa composition.

1838marque pour Alfred de Vigny l’année d’une grande crise existentielle. Samère si aimée est morte

en décembre 1837. Plusieurs fois dans cet agenda apparaît la mention “tombe de ma mère”. Cette crise

conduit Vigny dans les troubles de l’amour passion en même temps qu’elle le pousse à consigner des

notes profondément intimes et ceci de manière cryptée pour préserver le secret des femmes, dont sa

mère lui a jadis énoncé le nécessaire respect, et donc l’innocence de son épouse Lydia.

Marie Dorval (1798-1849) fut l’une des plus grandes actrices du théâtre romantique ; de son

vivant, elle devint un véritable mythe. En 1835, elle incarna le rôle de Kitty Bell dans

Chatterton

de Vigny. Marié au journaliste Jean-Toussaint Merle, elle avait de très nombreux amis : Victor

Hugo et George Sand, Gautier et Dumas. Elle devint lamaîtresse de Vigny en 1832. Julia Clarkson

Dupré (1817-1869), née à Charleston, arriva à Paris au début des années 1830 avec sa mère et sa

sœur Marie (qui dans le présent carnet est la maîtresse de Léon deWailly). Elle étudia la peinture

dans l’atelier de Bernard Julien, et fit la connaissance d’Alfred de Vigny en 1836. Elle rentra en

Amérique en 1840.

L’

Agenda de 1838

ne se réduit pas aux seules passions amoureuses. Vigny y consigne sa vie, ses

lectures, ses comptes, ses sorties au théâtre... Il constitue ainsi un document de premier ordre

pour celui qui veut connaître le poète. C’est aussi un document sans réel équivalent sur le marché.