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948

GENET, Jean.

Pompes funèbres

.

Sans lieu ni date

[vers 1945-1946].

Manuscrit autographe de 282 pages in-4 [220 x 168 mm] montées sur des feuilles vierges [253 x 214 mm]

et reliées en maroquin anthracite, dos lisse et plats recouverts d’un décor géométrique de filets rouge

et or brisés, inserts de papier moucheté, étui

(R. Devauchelle)

.

Précieux manuscrit autographe de travail de

"

Pompes funèbres

"

, le plus sadien des romans

de Jean Genet.

Jean Cocteau fut un des premiers lecteurs du roman, dès 1945. Il note dans son

Journal

: “C’est le

génie même. Et d’une liberté si terrible que l’auteur se met hors d’atteinte, assis sur quelque trône

du diable dans un ciel vide où les lois humaines ne fonctionnent plus.”

Évoqué pour la première fois en novembre 1943 dans la correspondance de Genet avec son

premier éditeur Marc Barbezat,

Pompes funèbres

a été composé pour l’essentiel entre 1945 et 1946.

Sa publication a été complexe. Barbezat, qui avait publié

Miracle de la rose

, n’étant pas en mesure de

satisfaire les exigences financières de l’auteur, ce dernier se tourna, en mai 1946, vers la maison

Gallimard – sur les conseils de Sartre qui l’y avait recommandé – alors même qu’il était déjà engagé

auprès de Paul Morihien. Á l’évidence, les deux éditeurs trouvèrent un terrain d’entente, le livre

ayant paru à quelques mois de distance chez l’un puis chez l’autre, non sans précautions.

Si Gallimard était convaincu par les qualités littéraires de l’œuvre, son contenu l’inquiétait : “Un

livre célébrant la Milice française et les nazis était en effet des plus scandaleux en 1946. Il alla jusqu’à

écrire à un de ses collègues pour lui demander comment publier un tel ouvrage sous le manteau et

le fit paraître sans nom d’éditeur en 1947, la même année que Paul Morihien sortait

Querelle de Brest

(Edmund White). Ainsi, l’édition originale fut-elle clandestine, sous l’adresse fictive “à Bikini”,

tout comme la deuxième édition, donnée quelques mois plus tard par Paul Morihien.

“C’est Maldoror et Fantômas” jugeait Sartre : un roman si sulfureux, si transgressif, d’une

pornographie que le classicisme de l’écriture ne pouvait atténuer, qu’il fut remanié et expurgé par

Genet lui-même pour la première édition officielle en 1953, dans le tome III de ses

Œuvres complètes

parues chez Gallimard. Le texte originel non censuré ne sera repris qu’à partir de 1978 dans la

collection L’Imaginaire. Ainsi, sauf à se procurer une des deux éditions clandestines tirées à petit

nombre et diffusées sous le manteau, les lecteurs durent attendre plus de trente ans pour découvrir

Pompes funèbres

.

Seul manuscrit autographe connu dans la continuité romanesque : “manuscrit source” des

deux premières éditions, il comporte d’importants ajouts et des notes relatives à la composition

du roman.

Il existe des dactylographies corrigées et découpées, notamment une provenant des archives Morihien,

ainsi que des fragments autographes antérieurs à ce manuscrit. Fidèle à sa méthode de travail, qui lui

faisait reprendre sans cesse ses romans, Jean Genet a rédigé ce manuscrit de

Pompes funèbres

, d’après

les brouillons épars, sur sept cahiers : le manuscrit de premier jet ayant été détruit avant le 9 mars

1944 (date à laquelle Genet annonce dans une lettre aux Barbezat “un grand malheur”), c’est le

seul manuscrit autographe dans la continuité du roman qui subsiste. Ce que confirme Emmanuelle

Lambert, qui prépare la prochaine édition de la Pléiade et que nous remercions de son aide décisive

pour démêler l’histoire des manuscrits et de la genèse de

Pompes funèbres

.

Le soleil noir

de l’œuvre

de Jean Genet