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En tête, dans la marge du premier feuillet, cette note autographe signée et datée de l’auteur : “

Je certifie

que le manuscrit de mon livre “Pompes Funèbres” est le seul existant. Il se compose de 7 cahiers. A Paris le 15 septembre

49. Jean Genet

”.

“Manuscrit source” des éditions clandestines données par Gallimard en 1947 et Paul Morihien en

1948, son texte est très avancé et correspond à la version imprimée : il n’est pas pour autant une

mise au net, d’une part en raison de ses multiples corrections et ajouts et, d’autre part, en raison de

l’absence de séquences qui furent rajoutées par la suite, sans doute sur la dactylographie confiée aux

compositeurs ou sur les épreuves.

Totalisant 282 pages, le manuscrit se compose de 7 cahiers d’écolier – que Jean Genet nomme

tomes

dont les pages ont été numérotées par lui, la numérotation reprenant au début de chaque section.

Un feuillet fait défaut depuis l’origine : le feuillet 21 de la deuxième partie.

Il présente, au verso des feuillets, 31 ajouts importants – dont une dizaine s’étendent sur une page

– ainsi qu’une quinzaine de notes relatives à la composition du roman. Elles illustrent les procédés

d’écriture de Genet s’apparentant à un véritable montage cinématographique, ses livres n’étant

“jamais éminemment disciplinés et orchestrés, à l’exactitude formelle paysagée” (Edmund White).

Au dos de la page 22, l’auteur remarque : “

Il est indispensable de reprendre les passages sur la tuerie du client,

les monter beaucoup plus loin, ça pourrait faire

[?]

le récit de l’enterrement

”.

Au cahier suivant, page 7, cette note destinée à un ami : “

Redemander à Loulou la réflexion du capitaine à

propos des types saouls au Lido

” ; puis, page 17 : “

retrouver le poème et l’intercaler ici

”.

Page 10, cahier 3 : “

m’allonger pour qu’Erik fasse la connaissance d’une femme. Peut-être Martha.

Page 12, cahier 4 : “

reprendre le thème de Hitler

”; page 10, cahier 5 : “

reprendre le thème de l’appartement y

joindre le thème de la bonne.

Le passage final du roman est rédigé au dos de la page 8 du cahier 7.

Quelques feuillets portent également des notes étrangères au roman, d’ordre personnel. Ainsi lit-on

au verso de la page 25 du premier cahier : “

le 17 août 1945 fêter l’anniversaire de Maurice Un stylo.

” La note

est accompagnée d’un croquis à la plume. Ou, un cahier plus loin (p. 20), cette note : “

Pour Lulu :

refuser de toute façon tous les pourcentages que pouvait proposer la B.D.C.

Le manuscrit offre également, au dos de la page 25 du premier cahier, un dessin à la plume à pleine

page, représentant deux portraits au trait.

Genet comme objet de collection : une première.

Le premier manuscrit vendu par Jean Genet à un collectionneur fut

Querelle de Brest

, cédé à

Jacques Guérin en 1947. Ce dernier a rapporté que l’écrivain, heureux de la transaction et fier

qu’on lui payât un autographe, lui offrit peu après deux autres manuscrits :

le Journal du voleur et

Pompes funèbres

– sans doute le présent manuscrit. Ce dernier a été relié au début des années 1950

par Roger Devauchelle et il fut vendu en 1958 avec la bibliothèque de Gérard de Berny.

A-t-il été vendu par Guérin à Berny que le goût de la bibliophilie et des garçons réunissait, ce qui

paraît logique, ou a-t-il été acquis directement par Berny auprès de Genet (auquel cas le manuscrit

offert à Guérin n’était qu’un fragment) ? Au fond, peu importe. La reliure décorée et mosaïquée

de Roger Devauchelle, dont il fut recouvert à la demande de Gérard de Berny, transformait pour

la première fois un manuscrit de Jean Genet en objet de bibliophilie – et ce fut aussi le premier

manuscrit de Genet vendu aux enchères du vivant même de l’auteur. Dos insolé.

Provenance :

-

Gérard de Berny

, avec ex-libris (27 novembre 1958, n° 135). Héritier d’une famille de négociants

et de banquiers amiénois, Gérard de Berny (1880-1957) fut sénateur de la Somme de 1936 à

1940. Collectionneur passionné, il légua à la ville d’Amiens son hôtel particulier avec toutes ses

collections afin de fonder un musée consacré à l’histoire locale. Seule sa riche collection de livres et

de manuscrits a été dispersée.

- Le manuscrit a été acquis à la vente par le libraire Édouard Loewy pour le compte d’un collectionneur

demeuré anonyme. On trouve montée en tête la lettre adressée par ce dernier à l’acquéreur. Loewy se

félicite d’avoir obtenu le manuscrit “30 ou 32 billets au dessous de la limite fixée”.

80 000 / 120 000 €