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313. ZOLA (Émile). Premier jet autographe d’une lettre à Jules Lemaître, non signée, [14 mars 1885], 4 pages in-12

(206 x 130 mm) à l’encre noire sur papier vergé écrites au recto, sous chemise demi-maroquin noir moderne.

1 500 / 2 000 €

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ANIMALITÉ HuMAINE

».

De nombreux critiques de l’époque avaient accusé Zola de manquer de psychologie dans la peinture de ses personnages,

qui n’étaient, à leurs yeux, que de simples marionnettes poussées par des instincts grossiers. Le critique Jules Lemaître

venait de publier dans la

Revue bleue

du 14 mars 1885, un article assez critique auquel Zola répond ici.

Il commence par féliciter son correspondant pour l’étude qu’il a écrite :

certainement la page la plus pénétrante qu’on ait

écrite sur moi

. Cependant, il tient à nuancer le mot

animalité

dans la définition que le critique a donnée de son œuvre :

Une

épopée pessimiste de l’animalité humaine.

Toute la lettre est consacrée à expliquer ce point, capital pour Zola.

Pour lui, l’homme fait avant tout partie de la nature :

Vous mettez l’homme dans le cerveau, je le mets dans tous les organes.

Vous isolez l’homme de la nature, je ne le vois pas sans la terre, d’où il sort et où il rentre

[...]

Et j’ajoute que je crois

fermement avoir fait la part de tous les organes, du cerveau comme des autres. Mes personnages pensent autant qu’ils

doivent penser, autant que l’on pense dans la vie courante. Toute la querelle vient de l’importance spiritualiste que vous

donnez à la fameuse psychologie, à l’étude de l’âme prise à part

. Zola défend sa psychologie :

celle que j’ai voulu avoir,

celle de l’âme rendue à son rôle dans le vaste monde, redevenue la vie, se manifestant par tous les actes de la matière. Il

n’y a donc plus là qu’une querelle de philosophes.

Il est donc étonné, et même

blessé

, que son correspondant ait pu ainsi

l’accuser de

grossièreté

. C’est du reste un reproche dont il a l’habitude :

Toujours la fameuse psychologie. Les raisons qui

font pour vous que je ne suis pas un psychologue, font que je suis un écrivain grossier.

Mais il ne veut pas insister et

termine en s’excusant de son emportement :

Pardon de vous écrire ceci sous le coup de votre étude. La part que vous me

faites est si grande, si belle, que j’aurais dû simplement vous remercier, vous dire la joie d’artiste et la confusion d’orgueil

où vous m’avez jeté

.

Ce brouillon comporte de nombreuses ratures et corrections qui montrent l’importance que cette déclaration de principes

avait pour l’écrivain. La lettre définitive envoyée par Zola se trouve à la Brown university Library, uSA.

Correspondance

, éd. sous la dir. de B.H. Bakker, Presses de l’université de Montréal et Centre national de la Recherche

scientifique, t. V, p. 244-245.

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