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5. APOLLINAIRE (Guillaume). L

ETTRE AuTOGRAPHE à

L

OuISE DE

C

OLIGNY

-C

HâTILLON

(L

Ou

),

CONTENANT uN

POèME AuTOGRAPHE

,

signée

Gui

, datée

8 avril au soir

[1915], 4 pages sur un double feuillet in-12 (179 x 113 m)

à l’encre brune sur papier vergé brun, sous chemise demi-maroquin noir moderne.

18 000 / 25 000 €

S

uPERBE LETTRE CONTENANT uN LONG POèME éROTIquE DANS LEquEL APOLLINAIRE CHANTE à CHAquE VERS LE

CORPS

DÉLICIEUSEMENT ÉLASTIQUE

DE

L

Ou ALORS quE LA GuERRE FAIT RAGE AuTOuR DE LuI

.

Cette lettre écrite le soir même de la précédente,

à la lueur tremblante d’un bout de bougie

[...]

La bataille commence dans

la nuit

[...]

On dirait que le diable fait moudre son café. C’est fantastique, avec les lueurs des obus qui miaulent et éclatent

comme si c’était quelque grand roi qui donnerait un feu d’artifice en l’honneur de ta beauté

.

Toute la lettre associe ce spectacle guerrier et l’évocation de l’amour perdu de Lou, qui hante toujours Apollinaire.

I

L CONTEMPLE uNE PHOTOGRAPHIE D

ELLE

:

tu as un air étrangement diabolique que je ne t’ai pas encore vu et que je veux

connaître pour participer de ton mystère profond. Ah ! cette photo ! Tu as l’air d’une de ces dames égyptiennes qui, toujours

inassouvies, s’en allaient sur le bord de la mer pour y violer les cadavres des matelots jetés là par les naufrages

. Retour à

la mélancolie :

L’après-midi la grêle est tombée, elle tombait au plus profond de moi-même abattant les moissons que

l’amour y avait semées. Je me sens moi-même comme une forêt très lointaine dans laquelle s’en va une toute petite lumière

qui tremble et qui semble sur le point de mourir. Et maintenant, ptit Lou, c’est comme une exquise hallucination. Tu es là

tout près de moi

[…]

tu me calmes, tu es douce

[…]

J’étais un enfant de quinze ans à peine quand j’ai connu entièrement

les joies de l’amour, mais je ne l’ai jamais éprouvé aussi fortement que pr

[sic]

mon petit Lou

. Il lui conseille de ne pas

négliger son autre amant, lui aussi au front :

Fais tout ton devoir envers Toutou, va auprès de lui dès que tu pourras.

Aime-le bien de toutes les façons

.

à

PROPOS DE LA GuERRE

:

Je me demande si je reviendrai de cette extraordinaire aventure, c’est possible mais c’est tout ce

que l’on peut dire

[...]

Mon petit Lou, je t’embrasse tout doucement ta langue dans ma bouche, dans un baiser à mourir. La

fusillade continue, les mitrailleuses crépitent

[...]

Les journaux ne reflètent nullement ce qu’est la guerre.

Suit un

MAGNIFIquE POèME éROTIquE DE

28

VERS

,

DANS LEquEL

A

POLLINAIRE éVOquE à CHAquE VERS uNE PARTIE DIFFéRENTE

Du CORPS DE

L

Ou

.

Vulve qui serre comme un casse-noisette je t’aime

Sein gauche si rose et si insolent, je t’aime

Sein droit si tendrement rosé, je t’aime,

Mamelon droit couleur de champagne non champagnisé, je t’aime

Mamelon gauche semblable à une bosse du front d’un petit veau qui vient de naître, je t’aime

Nymphes hypertrophiées par tes attouchements fréquents, je vous aime

Fesses exquisement agiles et qui se rejettent bien en arrière, je vous aime

Nombril semblable à une lune creuse et sombre je t’aime

Toison claire comme une forêt en hiver je vous aime.

[…]

jusqu’à nouvelle décision de ta part, t’enverrai chaque jour quelque chose.

Et c’est ce qu’il fit presque tous les jours, parfois deux fois par jour jusqu’au 11 juin 1915. Les lettres s’espaceront un peu,

puis de plus en plus jusqu’à la dernière du 18 janvier 1916.

Lettres à Lou

, éd. M. Décaudin, lettre n° 118. —

Correspondance générale

, édition de V. Martin-Schmets. t. 2, 1915,

n° 846, p. 298-300.

Traces d’onglets, déchirure sans manque à la pliure centrale.