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les collections aristophil
On lit ainsi : « Cela est mauvais » en conclusion d’un paragraphe
sur les deux sortes d’infanterie préconisées par Rogniat ; « mauvais
raisonnement », « absurde », « mauvais », « ignorance »…, ou, en
commentaire de la proposition de Rogniat d’organisation des
bataillons : « cela est absurde et ne peut être pensé que par un
ocier qui n’a jamais commandé de troupes » (p. 96). Il contredit
l’auteur sur ses exemples historiques : « Turenne ne marche pas ainsi »
(p. 303), et même sur les plus petits détails. Lorsque Rogniat écrit
que le tambour, « instrument barbare, assourdit, attriste et fatigue
l’oreille la moins sensible », Napoléon note en marge : « mauvaise
plaisanterie : le tambour est fort agréable » (p. 121). Il rejette les
observations de Rogniat sur les grades militaires : « cela n’est pas
assez il faut 1 ocier pour 40 sergents – ce qui représente 5 pour 90
hommes » (p. 122)… Ses commentaires sont parfois plus développés
et couvrent certaines pages sur toute leur hauteur. Napoléon a
poursuivi sa lecture avec la plus grande attention tout du long. De
nombreux passages sont soulignés en marge ou entourés. En tête
de plusieurs chapitres, Napoléon a rédigé un résumé ou dressé un
plan en plusieurs points numérotés.
Chaque fois que Rogniat avance des chiÀres, Napoléon refait les
calculs dans les marges avec l’esprit précis et rapide qui le caractérise.
Il indique la distance exacte parcourue par Hannibal, pour corriger
Rogniat qui avait dressé un parallèle entre le franchissement du
col du Saint-Bernard par le général carthaginois et par Bonaparte.
4 croquis de disposition de lignes de troupes figurent également
dans les marges (p. 44, 203, 273, 297). Il signale même une erreur de
pagination (225-240). Mais le plus émouvant est peut-être le mot que
Napoléon a inscrit à l’ultime page du livre : « Waterloo ».
Malgré ses critiques, Napoléon a ponctué les conclusions de l’auteur
de quelques « Bon » ou « cela est bon » ou « d’accord ». Mais il fut
profondément indigné par les critiques de Rogniat, lu en décembre
1818, et, en 1819, il rédigea ou dicta à Montholon ou Bertrand une
série de 18 Notes critiques qui figurent dans les
Mémoires pour servir
à l’histoire de France, sous Napoléon, écrits à Sainte-Hélène
(1823,
t. I, pp. 223 sqq., et t. II), puis dans la
Correspondance
(t. XXXI, 1869,
pp. 365-500) [voir le n° 768 de ce catalogue] ; des passages à recopier
et à insérer dans son texte sont signalés à l’encre. Les observations
portées sur cet exemplaire constituent la matrice de ses critiques
du livre de Rogniat...
Les notes de Napoléon sont écrites à l’aide d’un stylet de plomb ;
elles sont malheureusement pâles, mais restent lisibles. Le relieur
a parfois un peu mordu sur le texte de certaines notes. Quelques
pages maltraitées avec de petits manques marginaux témoignent de
la nervosité du lecteur impérial.




