Dans les années 1950, l’érudit chartiste R.-H. Bautier a mis en lumière
une grande mystification historique opérée au XIXe siècle. Il s’agit de
la fabrication en série de « chartes de croisade » par deux associés,
Eugène-Henri Courtois, homme d’affaires, et Paul Letellier, copiste et
généalogiste. Ces chartes ont été fabriquées dans un contexte précis :
Louis-Philippe décide en 1839 l’ouverture au Palais de Versailles d’une
galerie consacrée à la glorification des familles qui pourraient prouver
par titres authentiques qu’un de leurs ancêtres avait participé aux
croisades. Au début de 1842, un nombre important de titres furent
fabriqués et vendus à ceux qui l’on promettait de faire figurer leurs
armoiries dans la « salle des croisades ». Il y a 350 chartes restées
invendues qui ont été acquises par les Archives nationales (109 AP,
Collection de Gourgues). Courtois, véritable escroc, fit faillite, fit de
la prison et fut banni des cercles qu’il avait escroqué. Letellier pour
sa part racheta une partie du fonds d’Hozier, continua sa fabrication
de faux : plusieurs chartriers contiennent des pièces issus de son
officine. Il forma le célèbre Vrain-Lucas, qui le quitta en dérobant
des pièces de sa collection. Deux archivistes-paléographes, Eugène
de Stadler et Alexandre Teulet, peu scrupuleux, authentifiaient ou
traduisaient les pièces.
Voir : R.-H. Bautier, « Forgeries et falsifications de documents par
une officine généalogique au milieu du XIXe s. », in
Bibliothèque de
l’Ecole des chartes
, 1974 (132-1), pp. 75-93 ; voir aussi « La collection
des chartes de croisade dite « Collection Courtois » », in
Académie
des Inscriptions et Belles-lettres. Comptes rendu des séances,
1956,
pp. 82-86 ; Cassard, J-C,
Les Bretons et la mer au Moyen-Age
,
p. 164, qui parle de « faux manifeste » au sujet de ces chartes de 1249.
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