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“
L
a
première
incarnation de
l
’
esprit
révolutionnaire
que
le
XIX
e
siècle n
’
est
pas
parvenu
à
étouffer
” (André Breton)
1
Donatien Alphonse François, marquis de SADE.
L’Auteur des Crimes de l’amour
,
à Villeterque, folliculaire.
Paris, An IX (1800).
Plaquette in-12, brochée, couverture muette de papier bleu.
Édition originale dont on ne connaît qu’une poignée d’exemplaires.
Elle manque à pratiquement toutes les grandes collections ainsi qu’à la Bibliothèque nationale
de France. Parmi les institutions publiques françaises, deux bibliothèques seulement possèdent
la précieuse plaquette : la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras (ex. Barjavel déposé
en 1868) et la bibliothèque municipale de Rouen (ex. Montbret déposé en 1831). En mains
privées, trois exemplaires ont paru sur le marché ces cinquante dernières années.
L’honneur d’un écrivain.
Le 30 vendémiaire an IX (22 octobre 1800), un journaliste du nom de Villeterque fit
paraître dans le
Journal des Arts, des Sciences et de la Littérature
une critique féroce des
Crimes
de l’amour :
“Livre détestable d’un homme soupçonné d’en avoir fait un plus horrible encore”
– allusion transparente à
Justine.
Sade entreprit donc de corriger le
folliculaire
: “Villeterque dénonce sans prouver ; il fait planer
sur ma tête un affreux soupçon, sans l’éclaircir, sans le constater ; Villeterque est donc un
calomniateur
[…]. J’ai dit et affirme que je n’avais point fait de
livres immoraux
, que je n’en
ferai jamais ; je le répète encore ici, non pas au folliculaire Villeterque, j’aurais l’air d’être
jaloux de son opinion, mais au public, dont je respecte le jugement autant que je méprise celui
de Villeterque.” Puis Sade justifie, des points de vue littéraire et philosophique, les
Crimes
de l’amour
au “docte et profond
Vile-stercus
” – jeu de mots usant l’équivalent latin de
fiente
ou
excrément
.
Brillante et rageuse, cette réponse au critique n’est autre que “la canne d’un grand seigneur
s’abattant à coups redoublés sur le dos d’un laquais insolent”, selon le mot de Gilbert Lely.
Écrivain et journaliste, Alexandre-Louis de Villeterque (1759-1811) ne doit plus sa renommée
qu’à la correction infligée par Sade. Auteur de pièces de théâtre et traducteur, son œuvre la plus
fameuse alors avait paru sous le titre de
Veillées philosophiques.
Celles-ci déchaînent l’ironie du
bouillant marquis dans une note finale : “On ne connaît, dieu merci, de ce gribouilleur que des
Veillées qu’il appelle
philosophiques
, quoiqu’elles ne soient que
soporifiques
, ramassis dégoûtant,
monotone, ennuyeux, où le pédagogue, toujours sur des échasses, voudrait bien qu’aussi bêtes
que lui, nous consentissions à prendre son bavardage pour de l’élégance, son style ampoulé
pour de l’esprit, et ses plagiats pour de l’imagination […]” (page 19).
L’exemplaire est plaisant en dépit de quelques piqûres en tête. La couverture de papier bleu
est moderne.
(Lely,
Vie du marquis de Sade,
pp. 578-579.)
10 000 / 15 000
€




