31. ARTAUD (Antonin). Projet pour un
Manifeste du Théâtre de la Cruauté,
suivi d'un brouillon de lettre à
Gaston Gallimard, daté
11 août 1932
. Manuscrit autographe signé, 2 pages in-4, sous chemise demi-maroquin
noir.
3 500 / 4 500
€
R
ARE ÉBAUCHE DU
M
ANIFESTE DU
T
HÉÂTRE DE LA
C
RUAUTÉ
.
En novembre 1932 paraissait dans la N.R.F. le premier
Manifeste du Théâtre de la Cruauté,
où Artaud, à la fois acteur,
dramaturge et théoricien, définissait un théâtre moins convenu que véritablement révolutionnaire. Même s'il échouera dans
sa tentative de mettre sur pied une véritable troupe conforme à ses idées, on sait que son grand ouvrage
Le Théâtre et son
double
(1938) exercera une immense influence sur tout le théâtre d'avant-garde contemporain. Auparavant, il avait conçu
le projet d'un
Théâtre de la N.R.F.,
projet qui avorta mais auquel se rattache ce manuscrit, destiné à convaincre Gaston
Gallimard de s'y intéresser. Ecrits dans une graphie précipitée, ces brouillons montrent toute l'importance que revêtait une
telle entreprise pour Artaud, qui reprendra et amplifiera ses idées dans son
Manifeste du Théâtre de la Cruauté.
L'ébauche du
Manifeste
est divisée en deux parties :
LES ACTEURS
et
LE PUBLIC. Quel est dans un pareil théâtre le rôle
de l'acteur ? A la fois extrêmement important et extrêmement limité. Ce qu'on appelle la personnalité de l'acteur doit
absolument disparaître… La personnalité prépondérante de l'acteur s'explique avec des pièces nulles… L'orientation
même de nos spectacles exige des acteurs forts et qui seront choisis non en fonction de leur talent mais en fonction d'une
espèce de sincérité vitale, plus forte que leurs convictions… Quant au public : Qu'il y ait ou non un public pour un pareil
théâtre la question est d'abord de le faire. Ensuite il est dans la nature même d'un spectacle tel que nous venons de le
décrire d'avoir toujours quelque chose à offrir à n'importe quel public….
La lettre est destinée à fléchir Gaston Gallimard :
…Par votre influence vous pouvez beaucoup pour la réussite de ce projet
dont je sais qu'un mouvement s'est créé autour de lui surtout dans un certain élément jeune et non contaminé du théâtre
actuel et que cet élément attend …
M
ANUSCRIT DE GRAND INTÉRÊT
, se rattachant à la révolution dramatique opérée par Artaud.
32. ARTAUD (Antonin). Lettre autographe signée à une
chère amie,
datée
dimanche soir 14 août 1932,
3 pages
in-4, sous chemise demi-maroquin noir.
3 000 / 4 000
€
B
ELLE LETTRE LITTÉRAIRE
,
À PROPOS DU
M
ANIFESTE DU
T
HÉÂTRE DE LA
C
RUAUTÉ
.
Elle est consacrée à réfuter l'opinion d'une amie, qui avait fait savoir à Artaud que son projet de mettre des faux-titres dans
son
Manifeste du Théâtre de la Cruauté,
était inopportun. Artaud justifie et maintient sa position de manière intransigeante
sur ce qu'il considère être un point important, et non un simple détail. Paru dans la
N.R.F.
d'octobre 1932, son
Manifeste
comportera donc bien, dans toute sa seconde partie, ces faux-titres, qui sont en fait des sortes de rubriques explicatives :
LA MISE EN SCÈNE, LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE, LA LUMIÈRE LES ÉCLAIRAGES, LE COSTUME,
L'ACTUALITÉ, LE CINÉMA, LE PUBLIC,
etc.
Plus j'essaye,
l'avertit Artaud,
et plus le côté sophistiqué de votre position me heurte et me déplaît d'autant plus que quand
vous avez adopté un point de vue au lieu d'admettre un certain nombre de lois naturelles qui font que tout de même les
choses obéissent aux circonstances sans qu'il puisse être question de concessions à faire à qui que ce soit, vous poussez
votre point de vue jusqu'au bout, vous tenant dans une position qui veut tout ignorer, même les déplacements naturels des
aspects qui font que par exemple un mur rose à l'aurore devient rouge ardent, brique et violet au crépuscule et au
couchant…. Ces faux-titres sont faits pour apporter non une facilité mais une difficulté de plus. Je souligne. Comme
quelqu'un qui pour rendre visible, apparent le tracé de sa ville, aurait construit, élevé ici et là des monuments, des tours
qui auraient introduit de par leur ossature spéciale un mystère, une énigme de plus dans ce tracé… Un véritable écrivain,
un véritable acteur
(
en donnant à ce mot le sens plein de créateur
)
sait parfaitement qu'aucun procédé en soi n'est valable,
que tout ce qui doit proclamer le triomphe d'un procédé, d'un système est mauvais en soi…
Il détaille ces inconvénients,
puis reprend :
… je crois que la raideur de mes titres répond à cet objet, au-dessus d'une certaine ville ils créent une
nouvelle géométrie, ils dessinent une perspective seconde, un dédale d'architectures aériennes qui se renvoient des
éclairages successifs : rose, doré, blanc, cuivre, incarnat, violet, etc.
Il termine avec engouement :
Ne faites pas attention
je viens de m'amuser à voir un paysage et il faudra qu'il y ait aussi de temps en temps des paysages flottants dans ce
théâtre.
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