38. ARTAUD (Antonin). Lettre autographe signée à Raymond Queneau, datée
Rodez 1
er
Mai 1944,
4 pages in-8,
sous chemise demi-maroquin noir.
4 000 / 5 000
€
É
TONNANTE LETTRE DE
R
ODEZ À
R
AYMOND
Q
UENEAU
,
INÉDITE
.
Interné à l'asile de Rodez depuis 1937, Artaud écrit ici, aux heures sombres de la guerre, à un vieil ami. Queneau et Artaud
s'étaient rencontrés en 1924 dans le groupe surréaliste, dont ils furent par la suite tous les deux exclus. Artaud avait eu en
1926, une amitié passionnée pour Janine Kahn, qui épousera Queneau deux ans plus tard. Dans cette lettre, sa maladie de
la persécution le fait s'affirmer en proie à un envoûtement diabolique, seule explication selon lui de son long internement,
dont il demande qu'on le délivre.
Artaud s'adresse avec confiance à Queneau, parce qu'il savait que celui-ci était au nombre des amis qui, en 1943, étaient
intervenus efficacement auprès du Dr Ferdière, pour l'autoriser à sortir accompagné dans Rodez. Il avait même espéré un
moment avoir la visite de Queneau,
un écrivain de la N.R.F. à qui me lie une vieille et très profonde amitié,
écrivait-il à sa
mère.
Son médecin-chef, le Dr Ferdière, lui reproche de se livrer
à des pratiques de magie.
Chantonne-t-il dans sa chambre,
cela
est considéré comme des exorcismes fétichistes… ce qui veut dire que moi qui suis l'objet sur mon corps de pratiques
d'envoûtement magiques infâmes de la part d'un peuple de démons
(…)
, c'est à moi qu'on reproche de faire de la magie.
Il est convaincu que toute la terre dis-je m'envoûte afin de m'empêcher de me servir de mes facultés propres et qu'elle me
sodomise la nuit pour tuer mes facultés. J'ai des forces surnaturelles en moi Raymond Queneau et je m'en sers en effet pour
appeler les Anges et le ciel à mon secours, mais elles sont sans magie celles-là…
Il lui faudrait de la drogue :
Si j'avais de
l'héroïne elles appelleraient le monde occulte et cela me permettrait de faire sauter cette vie-ci qui nous obsède tous et a
fini de m'horripiler.
Il ne peut évidemment dire au Dr Ferdière que son internement est le résultat d'un envoûtement, car
lui dire cela, c'est être traité de délirant, de névropathe, de persécuté et d'halluciné.
Lettre pathétique, illustrant toutes les hantises d'Artaud durant son internement à Rodez.
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