ADER. Paris. Femmes de lettres et manuscrits autographes - page 176

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Paris 23 août [1775]
, au notaire G
AUFRIDY
. Longue lettre sur son gendre et sa fille. « Il est des choses sur lesquelles elle ne peut
s’aveugler interieurement quelqu’envie qu’elle en ait. Il est de
nécessité absolue
de découvrir le monstre infernal qui cherche à
l’abuser contre son propre interêt celui de ses enfans et de son mari même, en reveillant la haine et la discorde dans un temps
surtout où l’union et la confiance seroit si nécesseraire. Ce monstre, à mon avis, est M
r
de S. [S
ADE
] lui-même. […] Vous ne
connoissez peut-être pas si bien que moi toutes les tournures dont il est capable quand il veut satisfaire ses passions, qu’elles
qu’elles soient. […] ce n’est pas la première fois qu’il agit contre ses interêts pour suivre le transport qui le guide. Il sçait que Mad
e
de S. ne peut qu’estimer sa mere et tout ce qui l’entoure, et ne peut qu’être convaincue de la fausseté de toutes les noirceurs qu’il
leur a imputées. […] Ne m’a t’il pas envoyé il y a trois mois sous la suscription de Madame, mais de son écriture a lui la copie
d’une de
ses
lettres anonimes avec une grande colere (clairement simulée) et des citations que j’ai vérifié fausses. Dans le tout son
style et ses vues percent »... Elle donne longuement son sentiment au sujet de ces lettres anonymes, et explique les raisons de
ses soupçons, rapprochant les envois des lettres des déplacements de Sade entre Paris et la Coste ; sa fille lui a écrit « une lettre
infâme, dictée ou soufflée par Mr dans sa colere », qui veut faire passer sa mère pour une persécutrice. Il faut absolument réussir
à désabuser Mme de Sade, « de qui que viennent ces anonimes »… Il faut aussi « suivre en tout les ordres du Roy donnés par le
Ministre »… Elle évoque encore « le nouvel incident », les bruits et et les « furieuses craintes » dans la famille de Sade… Il faudrait
que son gendre prenne conscience du danger avant qu’il ne soit trop tard : « Il devroit desirer lui-même le moyen le plus sur, et
calculer qu’il est toujours avantageux de parer le danger du moment, et de sacrifier quelques années de liberté au repos du reste de
sa vie, et de fournir des moyens au rétablissement de son honneur. À 35 ans on a encor bien du temps devant soi. […] Pour moi,
qui n’en ai pas tant, fatiguée de toutes ces horreurs, ayant fait en toute circonstance l’impossible pour les sauver, n’en recevant que
des injures et des infamies pour reconnaissance, voyant qu’ils veulent se perdre et leurs enfans, lasse d’y sacrifier mon repos et ma
santé inutilement, j’abandonnerai tout, ils deviendront ce qu’il plaira à la Providence »…
Ancienne collection Alfred D
UPONT
(I, 11-12 décembre 1956, n° 308).
294.
Julie de LESPINASSE
(1732-1776) femme de cœur et d’esprit, épistolière, qui réunissait dans son salon philosophes
et encyclopédistes.
Lettre autographe, « ce lundi au soir » [1775 ?, à T
URGOT
] ; 2 pages et demie in-4.
1 500/2 000
I
NTÉRESSANTE
LETTRE
,
FAISANT
ALLUSION
AU
SCULPTEUR
H
OUDON
ET
À
SON
BUSTE
DE
T
URGOT
.
Désolée de l’importuner, car elle respecte son temps « comme un chose sacrée », elle a décidé cependant de s’adresser directement
à lui en faveur du « bon évêque » de Saint-Papoul [Guillaume-Joseph d’A
BZAC
] « qui désire le bien » ; puis pour le prier d’intervenir
auprès de M. de F
OURQUEUX
concernant « un honête negotiant de L’Orient qui se nome M
ONPLAISIR
DE
M
ONTIGNI
», dont l’affaire
dépend des Fermiers généraux : « c’est une suite de vexations dont ils accablent ceux qui sont asses malheureux pour traiter avec
eux ; ce M
r
de Montplaisir a donné au moins quatre memoires de cette affaire à M
r
T
RUDAINE
. Avec cette maniere de traiter, et de
faire trainer les affaires, il faudrait faire imprimer ses memoires, car les copistes n’y peuvent pas sufire ; si vous vouliés bien dire
un mot, peut-être decideroit il M
r
Trudaine a faire prononcer M
rs
les fermiers généraux ; en verité les gens riches mettent trop peu
de prix au repos et au bonheur de ceux qui ne le sont pas ». Elle recommande enfin le frère de M. H
OUDON
« votre sculpteur », qui
cherche une place dans les bureaux : « il y aura bien de la generosité a faire du bien a un homme qui a fait autant de mal a votre
figure [allusion au buste de Turgot par H
OUDON
], mais il est plein de regrets d’avoir aussi mal reussi, et surtout plein de zele pour
recommencer ». Elle ajoute, pour finir : « Je n’ai jamais tant haï la fievre que depuis que vous avés la goute, et quoi que je sache
de vos nouvelles tous les jours, je nen sens pas moins la privation de vous voir ». Elle espère qu’il sera bientôt en état d’aller à
Versailles. Quant à l’évêque de Saint-Papoul, « c’est le neveu de l’abbé et du chevalier d’Aidie [A
YDIE
] que vous avés connu je crois
anciennement ».
Vente 6 juin 1963
(J. Arnna, n° 70).
295.
Marie-Thérèse G
EOFFRIN
, marquise de LA FERTÉ-IMBAULT
(1715-1791) fille de Madame Geoffrin ; femme de
lettres, surnommée « la Reine des Lanturlus ».
Lettre autographe signée « Geoffrin d’Estampes de la Ferté Imbault », « Dans la chambre de ma mere » 2 septembre
1776, à
D
’A
LEMBERT
; 2 pages in-4, adresse.
1 200/1 500
É
TONNANTE
LETTRE
POUR
ÉLOIGNER
D
’A
LEMBERT
DE
SA MÈRE MALADE
(Mme G
EOFFRIN
mourut religieusement le 6 octobre 1777).
Elle va lui parler avec franchise : « vous aves indisposé contre vous depuis bien des années tout les gens de bien, par votre
manière indecente et imprudente de parler contre la Religion. Toutes mes sociétés intimes ne sont composées que de gens de bien,
et plusieurs pensent que je devois à la religion, et à l’édification publique de vous empecher d’entrer ches ma mere dépuis quelle
a reçu ses sacremens ». Elle préfère l’en avertir plutôt que de faire un éclat, et elle fait donc appel à son amour-propre et à son
esprit afin qu’il tienne dans le monde des propos décents et raisonnables à l’égard de sa mère. Lui et sa mère ont beaucoup d’esprit,
mais des deux, l’âme de sa mère est plus portée à la vertu et à l’amour de l’ordre. « Ma mere a été 10 ans de sa première jeunesse
devote comme un ange, et aimant Dieu et sa Religion de la meilleure foy du monde, elle a encore été bien des années a parler de
sa dévotion avec amour, et elle ma souvent dit, qu’elle étoit plus heureuse dans le tems de sa dévotion que depuis qu’elle a eu
l’air de l’avoir abandonnée, et je dois à la Religion et à la vérité [...] de vous dire, qu’elle a bien plus aimé Dieu, qu’elle ne vous a
jamais aimé ni vos semblables »...
Librairie Les Autographes, 2000
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