PREFACE
C’est la première fois à notre connaissance qu’une bibliothèque totalement consacrée au Maroc est proposée
aux enchères. Constituée sur près de 25 ans par un amateur averti, elle couvre à la fois les aspects bibliophi-
liques et d’érudition historique.
La littérature européenne sur le Maroc se manifesta dès le milieu du XVIe siècle avec les tentations expansion-
nistes des empires espagnol et portugais. Un siècle plus tard les principales puissances européennes se trouvent
parties prenantes de cette littérature qui va prendre une orientation constante jusqu’au milieu du XIXe siècle :
pendant une longue période de trois siècles, qui correspond à la montée en puissance de la dynastie alaouite,
la littérature européenne sur le Maroc se traduit par des relations de voyages - ambassades, missions - dont
le thème central est la mise en place de traités de paix ou de commerce et les rachats ou échanges de captifs.
C’est seulement au milieu du XIXe siècle et à la veille du Protectorat français qu’une ébauche d’exploration
scientifique est amorcée et qui va se concrétiser au début du XXe siècle avec l’établissement du Protectorat.
On peut considérer, en effet, que l’essentiel de la production scientifique concernant le Maroc - édition et
traduction de textes, prospection géographique, études historiques, d’art et de folklore - est le résultat de ces
cinquante ans de présence française et grâce notamment à des institutions comme la Mission scientifique au
Maroc ou l’Institut des Hautes études marocaines. Aussi, la présente bibliothèque couvre largement ces deux
grandes périodes et témoigne de la richesse de leurs productions respectives.
Si la dispersion est un moment unique et critique dans la vie d’un collectionneur, la vente de cette collection
marocaine représente l’occasion de réunir bibliophiles, amateurs de photographie, historiens et passionnés du
Maroc autour d’œuvres et de documents d’une qualité et d’une rareté exceptionnelles, qui racontent l’histoire
d’un pays, son rapport à la colonisation et plus particulièrement le développement sur place d’une activité
photographique très indépendante. L’implantation des photographes au Maroc s’est faite plus tardive que dans
les pays voisins ou ceux du Proche et Moyen Orient et la production fut en conséquence plus modeste, plus
rare, moins bien référencée ou archivée, mais d’un style plus naturelle, vivant et authentique.
Après nous être promené dans les ruelles de Tanger, Marrakech ou Tétouan jusqu’aux confins de l’Atlas, nous
reprendrons traditionnellement comme chaque année le chemin d’un Orient plus lointain qui, de l’Algérie
jusqu’au Pakistan en passant par l’Égypte, la Palestine, la Syrie et le Liban, la Péninsule Arabique et ses anciens
états du Sud, l’Irak ou la Turquie, le Caucase ou l’Iran, nous permettra de croiser quelques illustres photo-
graphes comme Félix Moulin, Maxime Du Camp, Félix Bonfils, Paul Nadar, James Robertson, mais aussi de
simples amateurs ou anonymes.
A l’heure où le Moyen Orient s’embrase de nouveau, il paraît plus que jamais nécessaire de continuer à
s’émerveiller de ces trésors photographiques ou littéraires, d’en assurer la conservation, les mettre en valeur, les
montrer, les faire vivre et rappeler encore que la photographie particulièrement, par ses qualités artistiques et
historiques souvent entremêlées, a valeur de trait d’union entre différentes cultures, celles de tous les lecteurs
qui à travers ces pages se passionneront toujours pour l’Orient et ses infinies ressources.
Abdelaziz Ghozzi
Antoine Romand
À Camille Couliboeuf




