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LE MAG
www.artefact-leclereblog.frou, dans un registre archaïque, ce crâne humain couvert de
peau animale et la mâchoire armée de crocs de félins, en pro-
venance du Nigéria, ainsi qu’une série de têtes momifiées et de
masques. Enfin, le buste en cire d’une faculté de médecine à la
si troublante véracité poursuit cette déclinaison de nombreuses
et différentes étrangetés.
Présences nouvelles
Alors comment sortir de la vallée de l’étrange et composer
avec des créatures qui peuvent contrefaire l’humain sans nous
inspirer de répulsion ? Cette question pratique d’un concep-
teur de robots ouvre encore tout un ensemble de possibles
philosophiques et mythologiques. En réalité, les alternatives
se trouvent en déviant de la tentative d’imitation pure. Soit les
marionnettes de diverses cultures parce que comme l’affirmait
Heinrich von Kleist : « l’homme apparaît le plus pur lorsqu’il n’a
aucune conscience ou lorsqu’il a une conscience infinie, c’est-
à-dire lorsqu’il est soit pantin, soit dieu. » Soit le composite : on
trouve des oiseaux d’os, de plumes et de rouages mécaniques,
élaborés par Christiaan Zwanikken ou l’automate hindou d’un
dieu zoomorphe utilisé lors de cérémonies rituelles, mais éga-
lement un magnifique bouddha aux mille bras robotisés de
Wang Zi Won. L’exposition s’achève sur la notion de cohabitation
avec ces présences : d’une cuillère anthropomorphe ivoirienne
à une « love doll » japonaise épousée en grande pompe, en
passant par les aspirateurs robots, les robots thérapeutiques
faisant office d’animaux de compagnie, les bouteilles vaudous,
ou la poésie archéo-futuriste de ces carcasses de jouets japo-
nais recyclés en Inde sous forme de robots divinatoires, ou bien
encore, toutes les créatures fantasmagoriques de Danny Van
INFORMATIONS PRATIQUES :
Persona. Etrangement humain.
Musée du Quai Branly.
Jusqu’au 13 novembre 2016
En savoir plus :
http://www.quaibranly.fr/fr/Ryswyk, c’est une foule fourmillante et surréaliste qui se pro-
pose d’envahir notre quotidien.
Un foutoir fertile
Le visiteur aura certes besoin, après avoir franchi une telle co-
hue, de retrouver un salvateur moment de solitude qui lui per-
mettra de songer au calme à ce qu’il vient de traverser. L’expo-
sition du Quai Branly représente à la fois l’acmé caricaturale
et tous les écueils possibles d’une tendance très actuelle où
une transdisciplinarité excessive mène à la confusion perma-
nente, où la prédominance du concept s’allie à une absence de
réflexion par refus d’un axe, cela au nom d’un ultra-relativisme
bien plus occidentalo-centré qu’il n’y paraît. Si cette exposition
se montre donc, d’une manière générale, brouillonne, préten-
tieuse et une fois sur deux à côté de son propos, la luxuriance
remarquable dont elle témoigne, la valeur de ses collections et
la profondeur de son sujet, fournissent immanquablement, quoi
qu’il en soit, une somptueuse matière à réflexion.




