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LIVRES & MANUSCRITS

66.

Max JACOB (1876-1944). 2 L.A.S. à son « cher René ». Saint-Benoît-sur-Loire, 27 mai – 27 juillet 1936. 4 pp. in-4.

Sa nouvelle retraite à Saint-Benoît et son désir de mort

. « Les représentations qu’André Frère donne chez lui, il pourra les donner

chez toi, ça fera connaître ta sculpture. J’ai parlé à du Plantier qui est enchanté de t’inviter. J’ai écrit à Jean Tinayre à ce sujet […].

Je suis installé j’ai deux grandes tables et tout ce qu’il me faut, un beau sommier neuf, joli sur le carreau rouge de la terre. Ma

vue n’est qu’une cour, ainsi n’aurai-je pas de distractions

. Murs de plâtre blanc, rez-de-chaussée. En principe une petite chambre,

en fait j’en ai trois. L’église est en face et l’hôtel à côté où je mange.

J’ai rangé mes affaires, fait deux dessins et un poème. Mais je

ne parviens pas à m’atteler au fameux livre Paul Guillaume

[…]. Prie surtout pour mon travail […]. Je ne cesse de travailler que

pour trois exercices religieux, les repas et la sieste et c’est là la vie que j’aime. Je me sens entouré d’affection et de respect mais les gens

d’ici ne sont pas parleurs ni visiteurs. Je ne dépense rien de sorte que je vais pouvoir mener longtemps cette vie de paix laborieuse qui

m’est extrêmement chère. J’espère qu’il sortira de cette retraite un renouveau pour moi et mes travaux ». Puis, deux mois plus tard :

« Je prie pour ta mère et pour toi.

Je vais rester à St Benoît jusqu’à ma mort, si Dieu le veut

. Je compte aller à Paris faire une

espèce de déménagement. Un jour tu viendras me voir ici et tu comprendras pourquoi je ne veux plus de Paris. Je travaille au livre

Paul Guillaume : c’est très difficile.

La vérité est pénible à dire : le livre avance fort peu mais je me révèle poète à moi-même et c’est

beaucoup

. Quand j’aurai mes outils je peindrai.

Je vis sans pêcher de fait ni d’intentions du moins je l’espère et c’est le tout pour

moi

. Merci de penser à moi malgré ton violent chagrin auquel je compatis d’autant plus que je pense chaque jour à la mort de ma mère

qui a 87 ans […] et à la mienne propre qui ne tardera plus, je l’espère – car j’ai assez de la vie ».

600 / 800 €

67.

Max JACOB (1876-1944). 4 lettres autographes signées à différents correspondants.

- à son « cher Théo » [Théophile Briant ?]. St Benoît-sur-Loire, le 25 nov. 1921. 2 pp. ½ in-4. « Je ne suis pas des gens qui ont un « X » à

la place du cœur ». Il l’entretient de sa vie à Saint-Benoît. « J’ai fait la connaissance du boulanger à propos de charbon de bois, qu’il m’a

montré des peintures faites par un camarade de régiment […]. Te dirais-je que la ville abonde en vieilles filles les unes vivant de dévotions,

les autres couvant une unique pensée : se marier, qu’il y en a une très spirituelle et libraire […] qu’il existe dans un village des gens qui ne

vivent que pour noces et festins ». Et il poursuit sa liste de « ragots » très spirituellement et malicieusement.

- à son ami « Johé ». St Benoît-sur-Loire, le 8 nov. 1939. 2 pp. in-4. « Oui je sais que vous êtes venus cet été. Je ne t’ai pas écrit parce que

j’ai mené une vie de plages et d’autos six semaines sans encre ni porteplume. Mais l’amitié ne se mesure pas au nombre de lettres ». Puis il

l’entretient de l’Evangile : «

Le rire n’est pas le propre de l’homme, c’est le propre du démon. Dieu nous donne la douleur pour nous

humaniser, car le bonheur rend fou, bestial, orgueilleux, abstrait, autoritaire

. Seule la douleur nous amène à la miséricorde […]. La

piété commence par la confession des pêchés […]. La grande affaire pour toi et aussi pour moi est le regret profond de toutes les fautes, la

régénération par la pénitence […] ».

- à un ami. St Benoît-sur-Loire, le 23 juillet 1940. 1 p. ½ in-8.

Sa vie au début de la guerre

 : « Tes suppositions sont justes. Le pays de

Loire a beaucoup souffert, et nous avons vécu sous des bombardements en arc-en-ciel. St Benoît n’était pas que visé et les tirs sont précis.

Je n’ai pas bougé et mon cœur seul a souffert. Rien n’est changé. J’habite toujours chez une vieille dame : je peux encore la payer. Elle

m’offre de me garder gratuitement si ma pauvre rente ne m’est plus payée comme j’ai peur que cela n’advienne. Bien entendu, il n’y a aucune

ressource dans ce petit pays que tu connais. Il n’y a pas de monastère ! […]. Quant à moi je ne peux m’occuper d’un plus pauvre que moi :

mes charités sont bien limitées et pour cause !! Où le coucherait-on, comment mangerait-il ? […] ».

- à son « très Cher Marcel». St Benoît-sur-Loire, le 10 août 1942. 1 p. in-4 sur papier teinté. « Comme le clair de lune laissait voir les graviers

de l’allée, je constatai qu’ils s’efforçaient d’imiter la disposition des étoiles sans espoir d’y parvenir pourtant. Madame Persillard est émue

de ton souvenir et moi bien satisfait de savoir que tu penses à ton vieil ami […]. Je prierai pour ton fils. Ici déluge de visites qui noie mes

velléités de travail mais non pas mon cœur d’ami qui va vers vous deux ».

600 / 800 €

68.

Marcel JOUHANDEAU (1888-1979). L.A. (brouillon) à «

Marie

 » [

Laurencin

, d’après une mention au

crayon]. Sans date. 1 p. in-8.

«

J’aurais voulu me blottir contre votre cœur et pleurer

. Depuis des mois je nourrissais je ne sais quelle espérance…

Les joies sont si

rares dans ma vie

. Enfin un matin ma porte s’est ouverte sur le bonheur […] ».

200 / 300 €

69.

Marcel JOUHANDEAU (1888-1979). L.A.S. « Marcel » à son « 

cher René

 » [

Crevel

]. Sans date. 2 pp. in-8.

Poignante lettre

[la correspondance de Crevel à Jouhandeau a été vendue lors de la première vente de la Bibliothèque de Pierre Bergé].

« Je suis navré de ce qui vous arrive, de ce que je suis, de ce que j’ignore. J’oublie que je suis moi-même très blessé pour essayer à travers

mes larmes de voir votre peine, de la comprendre, de la prendre en moi avec la mienne et de la guérir.

Mais de grâce, quand vous venez

me demander quelque secours, ne me faites pas me ressouvenir de cette affreuse complicité, la vôtre, ni du nom de ceux qui m’ont

crucifié, le visage contre ce mur

. Vous me saluez « cœur âpre » et vous osez souhaiter devant moi le bonheur de mes bourreaux et me

demander de les consoler avec vous.

C’est trop, bien que je vous aime pour l’excès de cette foi que vous m’avez vouée qui vous honore

seul et pour quelques images sublimes que j’emporte de nos fêtes sanglantes

 ». Et de préciser en P.S. : « Surtout ne faites pas lire mes

lettres à Eug. M. [Eugene Mac Cown, l’ami de Crevel] ».

Est joint le brouillon de cette lettre, au crayon.

300 / 400 €