58
l’entendre, et je ne l’ai écrit qu’après que ses souvenirs eurent confirmé les miens. – Dans le courant de cette matinée
M. le Prince de Bénévent vit aussi M. le comte de
Nesselrode
, Ministre des affaires étrangères de Russie, et eut avec
lui une longue conférence. Je ne me rappelle pas si cette visite suivit ou précéda celle de M.
Pozzo di Borgo
. – Un
peu après cinq heures, la revue étant terminée l’Empereur de Russie vint à pied à l’hôtel de M. le Prince de Bénévent,
où il était attendu et où l’on savait qu’il établirait sa demeure puisque dès le matin l’appartement du 1
er
étage, donnant
sur le jardin des Tuilleries et qu’occupait Mad. la Princesse de Bénévent était préparé pour le recevoir. […] l’Empereur
Alexandre avant d’entrer à Paris avait demandé avec inquiétude aux personnes envoyées auprès de lui à Bondy pour
traiter de la capitulation, si M. de Talleyrand y était et avait donné des ordres pour qu’on l’y retînt dans le cas où il
voudrait s’éloigner. Cette sollicitude d’Alexandre me porte à croire que dans la lettre qui l’avait déterminé à marcher
sur Paris M. de Talleyrand témoignait la crainte d’être forcé de partir »… Etc.
151.
François GUIZOT
(1787-1874) homme politique et historien. L.A.S., 2 mars 1835, au prince de
Talleyrand
; 2 pages in-8 (petit deuil).
150/200
Il vient de nommer M. Dehon inspecteur de l’instruction primaire dans le département d’Indre-et-Loire, pour
être agréable au Prince. « J’entendois hier M
r
de
S
te
Aulaire
et M
r
de
Barante
faire des arrangemens de voyage à
Rochecotte. S’il me vient un peu de liberté, je demanderai à Madame de
Dino
la permission de faire comme eux. Ce
n’est pas de repos que je sens le besoin, mais de liberté. Faire ce qu’on veut, penser à ce qui plaît, suivre sa pente au lieu
de chercher son chemin, voilà le vrai repos ; j’en jouirois beaucoup »…
152.
Pierre-Paul ROYER-COLLARD
(1763-1845) député, agent royaliste, philosophe, député, brillant
orateur et chef des “doctrinaires” sous la Restauration. L.A.S., Châteauvieux 5 août 1835, au prince de
Talleyrand
; 1 page petit in-4 (qqs légers défauts).
200/250
Sur les débats parlementaires qui devaient s’ouvrir à la suite de l’attentat régicide de Fieschi, et qui
aboutiront aux lois de Septembre.
« Vous êtes, mon Prince, extrêmement bon d’avoir songé à moi, en arrivant à Paris ; je n’ai pas douté un moment
que vous n’y fussiez accouru. Des avis dont je fais cas me pressent de me rendre à la convocation formelle de M.
Dupin ; je pars demain, je serai à la chambre samedi. […] Jamais, il est vrai, une restauration ne fut plus nécessaire ;
mais elle doit être conçue d’ensemble, et aller de la société au gouvernement lui-même. Vous seul peut-être excepté,
on n’y songe pas, on ne s’en doute pas. Il n’y a dans le gouvernement personne capable de former un grand dessein,
personne pour l’orienter. Nous déplorerons ensemble. Je crains qu’on ne cherche le remède où il n’est pas »…
153.
Charles-Maurice de TALLEYRAND
.
Manuscrit
autographe,
Note
;
24 pages in-fol. sur 6 bifoliums
numérotés 1-6.
5 000/7 000
Réflexionssurl’histoire,leshommes,lanoblesse,lesnations,lessystèmespolitiques,lacolonisation,la
Révolution, etc
. Ces réflexions et maximes étaient probablement destinées à être insérées dans les
Mémoires
; mais
ce manuscrit semble être resté inédit.
Cette
Note
commence par un aperçu sur « le magnifique règne de Louis quatorze. Le cahos cessa en sa personne ;
il appella l’ordre et tout sembla se placer à sa voix. […] Tout s’agrandit tout s’éleva sous son règne »… Mais ce bel
édifice se dégrada ensuite : « On exposait à la discussion publique des questions qui ébranlaient les fondemens de la
société sous le spécieux prétexte de la reconnaître. On remit tout en question et on révoqua toutes choses en doute. Le
gouvernement ordonnait, mais sans fermeté et sans plan. […] On a voulu faire faire à la science de l’homme les mêmes
progrès que l’on avait vu faire aux sciences exactes et naturelles. On enfanta sistème sur sistème en morale comme en
politique. On voulut déchirer tous les voiles sans penser que l’âge des illusions est pour les peuples comme pour les
individus l’âge du bonheur »…
La
guerre d’indépendance américaine
eut une grande influence : « On mit dans la balance les droits des peuples
et ceux des souverains. […] La jeune noblesse française qui s’était enrolée sous les drapeaux de Washington s’attacha
aux principes qu’elle venait de deffendre. […] elle avait senti que les services rendus à l’état et le mérite personnel
étaient les seuls véritables titres de distinction et de gloire. Cette idée transportée en France y germa promptement. On
dédaigna toute autre illustration, et le prestige de la noblesse héréditaire déjà très affaibli ne tarda pas à s’évanouir »…
Après des réflexions sur le piètre résultat des spéculations des hommes, il en vient à la vie sociale qui « a sa marche
comme celle des particuliers. Toutes les nations d’Europe forment ensemble un sistème général à l’influence duquel
nulle d’elles ne peut se soustraire. […] La nature de mon travail exige que j’embrasse un certain espace. – Je dois
souvent jetter mes regards en arriere, et plus souvent les porter en avant »…
Talleyrand esquisse alors un tableau de divers états de la société française à la fin de l’Ancien Régime…« C’est alors
qu’on rêvait ce gouvernement du genre humain propre à tous les tems, à tous les lieux, à tous les dégrés de lumière »…
« L’expérience de ma vie me fait présumer que les personnes qui se vantent avec le plus d’affectation d’une qualité ont
le défaut contraire » ; il en est de même pour les nations. Les membres du Clergé « étoient généralement supérieurs
aux autres citoyens par leur décence, leur probité et leurs lumières »… Suivent des réflexions sur la justice, qui doit
être inséparable de l’autorité royale, la puissance des monarques consistant principalement dans la prérogative civile :