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Lettres & Manuscrits autographes

26 mai 2020

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DEBUSSY Claude (1862-1918)

L.A.S. « Claude Debussy », [mars 1912, à Charles MORICE] ; 1 page in-8

à son monogramme.

Au sujet d’un projet de ballet inspiré des

Fêtes galantes

de Verlaine

.

Il a tardé à remercier « de l’envoi du Verlaine, je suis la proie d’une grippe

stupide, et par conséquent : tout à fait idiot ! Votre idée est charmante…

Je pense que pour retrouver quelque chose de la couleur du 1

er

Tableau,

la fête foraine pourra être de la même époque, où il y avait tant de joli

pittoresque ? C’est pourquoi

Chevaux de Bois

me semble trop près de

nous et un peu belge ? Mais nous trouverons mieux »…

1 500 - 2 000 €

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DORVAL Marie (1793-1849)

10 L.A. (dont 2 signées « Marie »), février 1834 et juin 1836, à Alfred

de VIGNY ; 44 pages in-8, 3 adresses (la 1

ère

lettre incomplète du début).

Magnifique correspondance amoureuse de l’actrice en tournée

à son amant poète

.

Bordeaux 1834

.

[5 février]

. Elle va jouer

Henri III et sa cour

. Elle évoque

ses prochains débuts à la Comédie-Française, avec Monrose, mais est

mécontente de son rôle, dans la pièce de Mazères [

Une liaison

] : « il

devient à rien

en le travaillant...

Comme c’est agréable ! Ah ! moi c’est ma

destinée, il me faudra lutter aux Français comme partout. Jamais je ne

suis servie par les circonstances ». On lui demande des vers de Vigny ;

elle le prie d’envoyer

Les Amants de Montmorency

. « Aie la bonté mon

Alfred, de faire parler un peu de moi dans notre

Vert-Vert

. Je t’assure

que j’ai fait ici une

grande impression,

il n’est question que de moi dans

toute la ville. Adieu, cher bien-aimé, je vous baise sur les deux côtés et

sur votre petit menton et sur mon

petit signe

». –

[17 février]. Minuit

. « Oh

mon âme chérie ! Oh mon bonheur ! Mon ange mon Alfred, je te retrouve

dans cette lettre, je retrouve ton âme grave et qui m’aime. Tu vois bien, tu

vois bien que je ne me trompe pas ! Quand tes lettres m’affligent, c’est

que je sens qu’elles ne sont pas toi, la vérité, je ne te sais pas gré d’une

fausse gaieté, je crois que tu deviens léger, que tu m’aimes moins... et

quand cette idée me traverse l’esprit je suis morte, tuée par elle. Cet

amour que j’ai pour toi devient tous les jours plus grand. […] Tu as

tué

le sommeil

de Marie. Quand je dors, mes rêves sont désolants et me

fatiguent plus que mes idées quand je veille. Toujours dans ces rêves tu

me trompes, tu es infidèle, je me réveille en pleurs. […] Mais va, sentir

que je t’aime, le sentir par le plaisir ou par la douleur, ce n’est qu’ainsi

que je puis vivre et je vais te revoir bientôt, être heureuse »… Elle décrit

sa loge, « grande et délabrée, froide. […] Les applaudissements, les

fleurs, les mauvais vers, j’en ai par-dessus la tête. Tout cela ne vaut pas

mon ange, non tout cela ne vaut pas ta belle petite lèvre chérie que je

te supplie bien de me garder toujours sans que jamais elle touche la

bouche d’une autre femme »... –

Samedi [22 février]

. Elle ne veut pas lui

écrire quand elle a « un chagrin que tu ne peux pas comprendre parce

que tu ne le sens pas. Dis-toi que cela passera, et ne crois pas que je

joue la comédie et que c’est un froid calcul. Je ne suis pas femme à

cela. Quand je crois voir de la froideur dans tes tranquilles lettres, des

idées de jalousie viennent me tuer voilà tout. Ne parlons plus de cela

jamais. Mon caractère ne peut pas changer. Si un jour je t’aime à mon

aise, tu me trouveras plus aimable. Mes nerfs se calmeront beaucoup

et mon imagination aussi je t’en réponds. Puisque tu es au mieux avec

mon mari demande-lui si je le tourmente »…

1836

.

Sur le chemin de Villeneuve-le-Roi, mardi [14 juin]

. Elle évoque

leurs adieux à Villeneuve-Saint-Georges : « Jamais je ne t’avais vu plus

aimable et plus tendre. Cette impression d’amour que tu m’as laissée

me fait du bien, m’encourage et me console. Sois toujours mon amant

comme tu l’étais hier et je ne comprendrai pas de plus grand bonheur

dans la vie. Tâche de retrouver la petite étoile de la rivière, tu l’appelleras

Marie-Alfred

. Je t’ai juré devant elle de t’aimer toujours et de t’être fidèle,

je crois bien que tu m’as fait le même serment, si tu y manquais cette

pauvre petite étoile s’en irait du ciel. […] Ma petite charrette roulante

me déplaît moins parce qu’elle a été visitée par toi. Je vois la même

campagne que nous voyions hier ensemble, cela donne de l’intérêt à

ce qui m’entoure. Je cherche une petite maison de berger et je n’en

vois pas. […] Adieu mon cher amour, mon Alfred bien-aimé. Pense à ta

pauvre Marie, bien malheureuse de ne plus être près de toi ». –

Saint-

Florentin [14 juin]

. La voiture est arrêtée pour réparation. « Je viens de

me reposer un peu car je suis fatiguée de la nuit, et peut-être un peu

de notre soirée. […] Tu m’as dit qu’un jour nous serions libres, ne fût-ce

qu’un mois, et fût-ce à 80 ans, de vivre seuls ensemble, j’y compte bien

n’est-ce pas. Tu es un prophète »...

Dijon, 15 [juin]. Mercredi

. Elle est enfin arrivée, et va jouer

Antony

:

« L’Antony est un Antony de rencontre qu’on vient d’expédier de Paris

et qui a appris son rôle dans la diligence car le vrai Antony de Dijon

est en prison depuis trois jours […] Cher ange que je t’aime et que je

te regrette ! Que tu as été charmant les derniers jours et surtout le tout

dernier jour. Méchant ! vous l’avez fait exprès. Mais je ne t’en veux pas

va, ce que tu m’as montré de tendresse tu l’as toujours dans ton cœur,

mais renfermé, parce que tu as toujours quelque chose contre moi, n’est-

il pas vrai ? Mais comme tu me rendrais heureuse si tu étais toujours

tendre ! tu ne te figures pas comme tu es charmant quand tu es ainsi ».

Elle décrit sa chambre à l’hôtel du Parc… –

Samedi 18 juin

. « Me voilà

bien établie dans l’ennui de la province mon cher Alfred, mais j’y suis

toute résignée. Je me ferais un cas de conscience de trouver le moindre

plaisir, la moindre distraction pendant une séparation qui nous coûte

tant à tous deux ! » Dijon est triste. Elle brosse un amusant portrait du

directeur du théâtre, Bousigue : « Il a sur la tête un faux toupet d’une

si prodigieuse hauteur qu’il lui est impossible de mettre son chapeau

autrement que sur l’oreille et le fait tenir par le moyen de l’équilibre […] à

la répétition je n’ai trouvé rien de passable ni en acteur ni en actrice, c’est

partout la même ignorance, pas la moindre distinction, pas le moindre

sentiment de l’art. Je suis si habituée à tous ces pauvres acteurs que c’est

encore un parti pris pour moi et j’en ai moins de dégoût à ce voyage-ci

qu’aux autres ». Elle a eu beaucoup de succès dans

Antony

. « Je ne

finissais pas le spectacle, je suis rentrée de suite et je me suis couchée

à l’instant en pensant à toi mon cher amour en te cherchant dans mon lit

en désirant tes bras pour m’y reposer et ta bouche pour me baiser »...

La salle et le théâtre sont très beaux ; répétition d’

Angelo

… « Adieu

mon ange cent mille baisers sur ta chère bouche que j’aime »… –

Mardi

21 juin

. Elle ne « quitte pas le théâtre soir et matin. Hier soir j’ai répété

deux drames, j’avais répété toute la matinée. Je suis déjà horriblement

fatiguée de la voix […] Je joue ce soir

Catarina

et

Clotilde

. Dimanche

j’ai joué

Tisbé

, demain je fais ma clôture. Je pars d’ici jeudi à midi pour

Chalon où je joue vendredi. Tes lettres font mon bonheur mon Alfred et

je t’adore de toute mon âme quand la tienne s’ouvre à moi entièrement

avec tant de chaleur et de grâce ! tu es mon bon ange chéri »…

[

Chalon-sur-Saône

] Dimanche 26 juin

. Elle s’inquiète de ses filles,

de Gabrielle, qui est « fausse et menteuse », et devenue la maîtresse

de Fontaney, et surtout de la petite Caroline ; elle supplie Vigny d’aller

chez elle : « Vois par toi-même. Tâche de savoir qui me trompe dans

tout cela. Préserve un peu Caroline, elle est si raisonnable ! […] que

je te demande pardon de te parler de tout cela tu ne peux rien à tout

cela cher ange mais j’ai du chagrin et je viens à toi... Penser seulement

que tu iras chez moi me rassure et me fait du bien ! »…–

28 juin

. « Je

suis ici dans un ignoble village, cher ange, mon affiche est à côté de

celle de l’éléphant et l’éclipse entièrement. Les chevaux, les chiens

savants, le combat du taureau font bien du tort à Clotilde et Adèle et le

directeur en sera pour son argent. Chalon n’a pas de public. Les familles

distinguées qui l’habitent sont à la campagne. Il n’y a en ville que des

paysans venus pour la foire, des marchands occupés d’acheter et de

vendre et de compter leurs écus puis la plus ignoble racaille de répu-

blicains d’estaminets que BOCAGE a ameutés contre mon directeur à

moi qui l’a obligé de céder la placer. Ce pauvre Bocage fait scandale

partout après une de ses représentations où il avait joué seulement

devant le parterre républicain on le fit revenir sur le théâtre et on cria :

Vive le citoyen Bocage. Mort à M. Bousigue et à sa troupe. Peut-on rien

imaginer de plus pitoyable... Il résulte de cela que je n’ai pas le bonheur

de jouer devant ces farouches enthousiastes de notre ami Bocage. […]

Le seul véritable chagrin de ma vie mon Alfred est de ne pas passer

toutes les heures de ma vie avec toi qui renferme tout bonheur, toute

paix, tout amour et tout plaisir. Quand j’ai passé six mois presque avec

toi, je n’étais pas encore en état de comprendre toute cette félicité, c’est

aujourd’hui mon dieu ! que mon cœur saurait en jouir ! et que je serais

reconnaissante d’un pareil bonheur ! »…

2 500 - 3 000 €

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