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En juillet 1962, Breton s’est fait piéger par une plaisanterie faussement attribuée à René

Magritte, la veille de la grande rétrospective organisée au Casino de Knokke-le-Zoute –

un tract illustré d’un billet de cent francs belges à l’effigie de Magritte, en grand uniforme

de général annonçant “«

On achète maintenant ma peinture comme on achète du terrain, un

manteau de fourrure ou des bijoux. J’ai décidé de mettre fin à cette exploitation indigne

. » [...]

Il présente le barême définitif de ses œuvres et se met à la disposition des amateurs tant pauvres

que riches. « 

J’attire l’attention,

dit-il encore

, sur le fait que je ne suis pas une usine et que mes

jours sont comptés. » De ces doigts qui ont si souvent apprivoisé le mystère, cette fois une pincée de

beau sel

”, conclut Breton dans un petit article publié de manière anonyme dans

Combat

sous le

titre

Magritte et les marchands,

reproduit in extenso de sa main dans la lettre du 3 juillet 1963.

Eh bien voilà qui ne fait certes pas honneur à ma perspicacité

,

avoue-t-il dans la lettre suivante :

J’y gagne à mes yeux en candeur, il est vrai. Nos amis surréalistes de

« 

la Promenade de Venus

 »

n’ont pas été plus fins ; tous ont savouré au possible ce texte comme venant de vous. Il doit vous être

très difficile, de votre place, de juger de l’effet produit si la défiance n’est aucunement éveillée

. [...]

Que vous n’eussiez pu, comme vous me le faites observer, traiter en plaisantant cette question de

peinture et d’argent est une évidence qui s’impose a posteriori mais qui, il me faut bien l’avouer,

a été tout à fait insuffisante à me mettre en garde. Peut-être suis-je aussi porté à surestimer les

pouvoirs d’un certain humour d’outre-Escaut (est-ce bien ainsi qu’on dit ?)

[...].

Cette sorte

d’ humour – très particulier – tout à la fois je m’en délecte et je m’en inquiète

[...]

parce qu’il tend

à se subordonner tout le reste, et, de ce fait, amenuise les chances de la poésie qui sont à coup sûr

aussi du côté de la gravité

.”

Provenance : Vente Sotheby’s Londres du 2 juillet 1987,

The Remaining Contents of the Studio

of René Magritte

, n° 969.

6 000 / 8 000