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Marguerite Eymery, dite RACHILDE.
Trois lettres adressées à Alfred Jarry.
16 février 1898
-
21 novembre 1898
.
3 lettres autographes signées “
Rachilde
”, 10 pages in-12, 1 enveloppe.
Truculente correspondance adressée par Rachilde à Alfred Jarry du temps du Phalanstère : elle
témoigne de la profonde tendresse que l’auteur de
M
onsieur
V
énus
nourrissait pour le “petit Ubu”.
“Des amitiés, littéraires et autres, que Jarry entretint au cours d’un séjour terrestre bref mais bien rempli, nulle
ne fut plus suivie, nulle ne fut moins nuageuse que son amitié avec Rachilde” (
Rachilde et Jarry, étude copulative
de leurs correspondances,
Cymbalum pataphysicum, n° 18, 1982).
Dès leurs premières rencontres auxmardis duMercure en 1894, Jarry reçut le soutien de Rachilde : elle l’encouragea
non seulement à représenter son
Ubu Roi
en privé, rue de l’Échaudé, mais intervint en sa faveur auprès de Lugné-
Poë. Elle lui permit ainsi de monter en décembre 1898 sa pièce à scandale au Théâtre de l’Œuvre.
Les lettres de Rachilde révèlent combien son rôle auprès de Jarry, grand provocateur, dépassait largement celui
du mentor, incarnant une figure quasi maternelle : elle le protège, le rappelle à l’ordre lorsque ses excentricités
dépassent les bornes, tout en prenant soin d’effacer de son propre discours toute marque grammaticale féminine.
La lettre du 16 février 1898 est entièrement consacrée à l’histoire de la vieille dame, une anecdote bien connue
des lecteurs de Jarry. Berthe de Courrière, ancienne maîtresse du général Boulanger et du sculpteur Clésinger,
égérie de Remy de Gourmont, avait envoyé à Jarry une lettre enflammée motivée par une farce de Jean de
Tinan. L’impertinent Ubu s’apprête à y répondre par un chapitre de l’
Amour en visites
ridiculisant cruellement
la prétendante. Consciente de “l’inutilité pour ne pas dire l’imbécillité”
de son effort, Rachilde vient le
“tirer
encore par la manche pour lui glisser de timides observations”.
Il n’y a pas à tortiller : c’est de la diffamation et si elle est moins folle que d’ habitude elle peut vous faire aller
en cour d’assises.
Alors ?..
Elle a été sotte, ridicule, méchante, mais tout cela tombe devant le cas de folie dûment constaté par vous
même, mais elle vous a rendu service !
Il est peut être regrettable qu’on ne veuille pas enfermer les fous complètement, cependant, si on les laisse
en liberté ce n’est pas non plus pour que nous devions les traiter en personnes raisonnables et... responsables.
Chaque fois que vous ferez du mal à une bête ou à un inconscient vous me révolterez. La raison que ça vous
amuse ne me semble pas suffisante du tout.
Et la raison de me révolter, histoire de vous amuser, ne me parait pas suffisante non plus.
On ne se venge pas de qui agit en état de fièvre, voyons !
Et puis j’ai peur des actes de violence comme j’ai peur des chiffres qui se multiplient dans un calcul que je ne
peux pas débrouiller.




