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65. BIzET (Georges). L

ETTRE AuTOGRAPHE SIGNéE à uN MuSICIEN BELGE

, [1867], 4 pages in-8 (205 x 136 mm)

sous chemise demi-maroquin rouge moderne.

3 000 / 4 000 €

J

E N

AI QUE

28

ANS ET JE SUIS DÉJÀ BROUILLÉ AVEC LES DEUX TIERS DU MONDE MUSICAL

.

Prix de Rome à 19 ans, Bizet, à son retour en France, se consacre à la composition et à l’enseignement. Jeune prodige,

méconnu de son vivant, il aspire à la reconnaissance de ses pairs. Tandis que les répétitions de

La Jolie fille de Perthe

approchent — l’opéra sera créé au Théâtre lyrique le 26 décembre 1867 — Bizet fait part de son découragement dans une

lettre débordant de rancœur et d’amertume.

Une poignée de main très-émue pour votre bonne lettre. Je n’ai oublié ni l’homme aimable ni le très-beau chœur que j’ai pu

apprécier à Cambrai — et je suis aussi fier que reconnaissant de vos chaleureux encouragements.

Il reconnaît que son nom

est fort connu ici, à Paris, du monde artiste, littéraire, officiel, de tous ceux, enfin, qui s’intéressent à l’art — mais le sort de

mes pauvres pêcheurs

[son opéra

Les Pêcheurs de perles

, 1863]

n’a pas été assez brillant pour étendre ma réputation

au-delà de l’enceinte fortifiée de monsieur Thiers. Prix de Rome à 19 ans, j’ai pu faire jouer 3 actes à mon retour ! Le succès

musical a été réel, mais la pièce !… Je viens de terminer ma Jolie fille de Perth en 4 actes qui va entrer en répétitions après

le Roméo de Gounod

[…]

si je gagne cette partie, ma situation sera excellente — si je la perds ! Je n’ai que 28 ans et je suis

déjà brouillé avec les deux tiers du monde musical. Mes ennemis (j’en ai beaucoup) prétendent que mon caractère est

affreusement désagréable

[…]

le fait est qu’il est impossible à un homme nerveux de voir de sang-froid toutes les absurdités,

toutes les déloyautés dont la vie est gracieusement émaillée !... pardonnez-moi cette mauvaise humeur — mais je ne dérage

pas !

[…]

Je joue très-bien du piano — et j’en vis — mal — car rien au monde ne pourrait me décider à me faire entendre

du public. Je trouve ce métier d’exécutant odieux !

[…]

Je me fais entendre quelquefois chez la Princesse Mathilde et dans

quelques maisons où les artistes sont des amis et non des employés... J’envie votre existence tranquille et si purement artistique.

Il termine en l’invitant à venir le voir :

je vous emmènerai dans un petit réduit que je possède aux environs de Paris ; et nous

pourrions, en compagnie de quelques-uns de mes amis, Gounod, Reyer, etc. flâner ensemble quelques heures.

Hervé Lacombe,

Georges Bizet : naissance d’une identité créatrice,

Paris, Fayard, 2000

.

un court extrait y est cité p. 375.

Papier jauni, habiles restaurations aux pliures.

Georges BIZET

(1838-1875)

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