68. [CHOPIN (Frédéric)].
—
SAND (George). L
ETTRE AuTOGRAPHE à
C
HARLOTTE
M
ARLIANI
, datée
Marseille
26 Fév. 1839.
6 pages 1/4 sur 2 bifeuillets in-8 (205 x 131 mm), timbre sec GS, adresse autographe, sous
chemise demi-maroquin noir moderne.
6 000 / 8 000 €
P
RéCIEuSE ET LONGuE LETTRE SuR
C
HOPIN ET LE CéLèBRE SéJOuR à
M
AJORquE
,
DANS LAquELLE
G
EORGE
S
AND LAISSE éCLATER
SA HAINE POuR L
’E
SPAGNE
.
Deux jours après son retour de Majorque, avec Chopin et ses deux enfants, George Sand se rebiffe avec véhémence contre
l’Espagne dont elle brosse un virulent tableau. La violence de ses propos est d’autant plus étonnante que le mari de Charlotte
Marliani est le consul d’Espagne à Marseille. Elle s’empresse toutefois de lui assurer que Marliani n’est pas espagnol, mais
Italien par l’intelligence, et Français par l’éducation et les manières !
Enfin ! Chère, me voici en France,
s’exclame-t-elle. Ils ont passé huit jours à Barcelone,
où Chopin a été bien soigné par
la médecine française, bien assisté par l’hospitalité et l’obligeance française, mais toujours persécuté et contristé par la
bêtise, la juiverie et la grossière mauvaise foi de l’Espagnol.
Elle a été scandalisée par la conduite de l’
aubergiste des 4 Nations (première auberge de Barcelone et de toutes les Espagnes),
qui voulut faire payer à Chopin
le lit où il avait couché, sous prétexte qu’il fallait brûler ce lit, comme infecté de maladie
contagieuse
[tuberculose].
Oh ! que je hais l’Espagne ! J’en suis sortie comme les Anciens à reculons, c’est-à-dire avec
toutes les formules de malédiction. J’en ai secoué la poussière de mes pieds, et j’ai fait serment de ne jamais parler à un
Espagnol de ma vie
[…]
Un mois de plus, et nous mourions en Espagne, Chopin et moi, lui de mélancolie et de dégoût, moi
de colère et d’indignation. Ils m’ont blessée dans l’endroit le plus sensible de mon cœur. Ils ont percé à coups d’épingles
un être souffrant sous mes yeux. Jamais je ne leur pardonnerai et si j’écris sur eux, ce sera avec du fiel.
Elle se reprend néanmoins pour donner des nouvelles de Chopin :
Il est beaucoup, beaucoup mieux, il a supporté très bien
36 heures de roulis et la traversée du golphe
[sic]
de Lyon
[sic]
... Il ne crache plus de sang, il dort bien, tousse peu, et
surtout il est en France ! Il peut dormir dans un lit que l’on ne brûlera pas pour cela. Il ne voit personne se reculer quand
il étend sa main.
Le docteur Cauvière a bon espoir de le guérir. Elle compte passer le mois de mars à Marseille, puis en avril
reconduire Chopin guéri à Paris :
Je crois qu’au fond c’est le séjour qu’il aime le mieux.
Elle se réjouit de pouvoir à présent
écrire et correspondre librement. à Majorque, elle se sentait surveillée :
L’Inquisition politique de l’Espagne est pire que
celle de l’Autriche. Oh comme je préfère l’Italie...! En Espagne on vous dispute non seulement le droit de penser, mais celui
de marcher, de respirer, de voir, et d’entendre. Odieux pays, odieuse nation, incurable anarchie ! J’écrirais 10 volumes si
je voulais seulement faire l’historique des petites vexations dont j’ai été témoin.
Elle conseille à sa correspondante de se
méfier de certaines personnes :
le d’Eckstein
[baron d’Eckstein]
. Soyez prudente, c’est un espion. Savant et philosophe
autant qu’on voudra, mais juif, et saluant trop bas.
Elle fait aussi allusion
à la Guiccioli
[comtesse Teresa Guiccoli, célèbre
maîtresse de Byron]. La lettre se termine sur une nouvelle invective, cette fois-ci contre les Espagnoles :
Oh ! Les sottes
remueuses d’éventails ! Elles couchent toutes avec leurs laquais, au niveau desquels leur éducation et leurs idées les placent
naturellement.
et elle envoie à sa correspondante
mille tendres hommages du malade
[Chopin].
Correspondance
, éd. G. Lubin, t. IV, n° 1832. G. Lubin publie à la suite de cette lettre un post-scriptum (un f. in-8) se
trouvant dans une autre collection et que nous n’avons pas ici. Pourtant notre lettre, se terminant en haut d’un feuillet,
semble bien complète.
Infimes déchirures aux pliures.
69. [CHOPIN Frédéric]. — SAND (George). L
ETTRE AuTOGRAPHE à
C
HARLOTTE
M
ARLIANI
, [Marseille, fin février
1839]. 4 pages in-8 (205 x 132 mm), timbre sec GS, sous chemise demi-maroquin noir moderne.
4 000 / 6 000 €
B
ELLE LETTRE SuR
C
HOPIN
,
SES SOuCIS D
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ARGENT ET
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RANçOIS
B
uLOz
,
DIRECTEuR DE LA
R
EVUE DES DEUX
M
ONDES
.
Revenue de Majorque avec ses deux enfants et Chopin, George Sand est à Marseille, où Chopin tente de se rétablir.
Afin de payer son logement, elle sollicite l’aide de son amie :
Puisque Buloz
[directeur de la
Revue des Deux Mondes
]
vous
remet l’argent de Simon, envoyez-le-moi, car celui que Chopin attend de son éditeur souffre quelque retard et je touche
avec mon hôtesse au quart d’heure de Rabelais
[...] Elle lui enverra sous peu son article sur Mickiewicz,
qui sera je crois
plus long que je ne l’annonçais.
que son amie défende aussi ses
Cordes de la lyre auprès de la Revue des Deux Mondes :
[...]
notre Buloz hésite et recule parce qu’il y a cinq ou six phrases assez hardies, et que le cher homme craint de se brouiller
avec son cher gouvernement.
Elle donne des détails pratiques pour que cette pièce de théâtre soit publiée dans deux numéros
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