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169

Fernand LÉGER

(1881-1955)

123. LéGER (Fernand). L

ETTRE AuTOGRAPHE SIGNéE à

L

éONCE

R

OSENBERG

, datée

Samedi 16 mars

[19]

18 - Hôpital

VL 40 Villepinte (S. et O.)

, 7 pages et demie in-12 (173 x 130 mm), sous chemise demi-maroquin bleu moderne.

3 000 / 4 000 €

J’

AI L

INTENTION DE FAIRE DES TABLEAUX TRÈS COMPLETS MAIS À MA MANIÈRE QUI NE SERA JAMAIS CELLE DES AUTRES

.

L

éGER EXPOSE LES GRANDES LIGNES Du CONTRAT qu

IL PROPOSE à SON MARCHAND

.

Comme le peintre le précise dans son post-scriptum, il s’agit là d’une lettre

sans équivoque et nette

. En désaccord avec son

marchand, Léger défend avec une redoutable fermeté son œuvre et ses intérêts. Il va même répliquer aux reproches de

Rosenberg en lui

SOuMETTANT uN VéRITABLE CONTRAT

, qu’il transcrit minutieusement sur les dernières pages de sa lettre.

Votre lettre n° 20.252 me parvient ici où je suis un temps indéterminé en attendant ma réforme. Je suis plus mal fichu que

je ne croyais et l’on ne peut paraît-il me renvoyer chez moi que dans certaines conditions physiques. J’attends donc

patiemment et comme on refuse toute permission pour Paris j’ai le regret de ne pouvoir aller vous voir et d’être obligé de

vous écrire. Ce qui a déterminé ma dernière lettre

[…]

ce n’est pas uniquement votre avant-dernière, non, c’est l’impression

que j’avais que vous vous étiez engagé trop rapidement avec moi. (Demande de diminution de prix, objections sur facture,

halte sur surproductions) (vous avez de moi 9 toiles en 4 mois) tout cela m’a fait croire à une précipitation de votre part...

Vous comprenez bien que je ne suis nullement le monsieur qui veut vous faire avaler sa peinture par surprise

[…]

n’oubliez

pas que mon évolution quelle qu’elle soit ira toujours vers une tendance forte et non décorative. J’ai l’intention de faire

des tableaux très complets mais à ma manière qui ne sera jamais celle des autres. Je n’ignore pas je vous l’ai écrit les

nécessités commerciales nous sommes entendu la dessus

[…]

C’est d’un intérêt commun. Tout ce qui a été convenu entre

nous à ce point de vue aussi bien écrit qu’oral. Je n’en déplace pas un mot ni une ligne

[…]

Je considère d’ailleurs nos

conventions actuelles comme exactement les mêmes que celles d’un traité complet et j’agis de même c’est-à-dire en évitant

de disperser d’une façon maladroite le peu d’œuvres que vous laissez à ma disposition. Je crois que je suis assez clair —

en tous cas je m’efforce de l’être

[…]. Il pense que, dans l’état actuel des choses, le mieux est de

fixer sur papier nos

conventions que j’envisage comme suit et que je vous propose.

Sur les pages suivantes, Léger établit les bases de sa future collaboration avec le marchand. Rosenberg aura

un droit d’achat

à première vue sur toute sa production artistique pendant la durée de la guerre

; est aussi prévu

un traité de 3 années ferme

et complet sur toute la production

pendant ou après la guerre. Le marchand s’engage en outre à exposer toujours dans sa

galerie

des tableaux récents

, à

organiser à l’étranger

[…]

au moins une exposition annuelle

, et à faire dans le délai de 3 ans

une exposition générale et totale de toutes les œuvres de M. Léger depuis 1896

[…]. Le peintre

se réserve un droit absolu

d’illustrations d’œuvres littéraires et poétiques

, etc.

Voilà

, conclut-il,

et je m’engage à signer cela sur papier timbré demain

si vous voulez.

En post-scriptum (signé des initiales), il lui demande une réponse rapide, et ajoute :

Je m’organise ici pour

pouvoir peindre — le Médecin-chef étant un homme charmant. Je pense pouvoir.

L

ETTRE PASSIONNANTE DE

L

éGER AVEC SON MARCHAND

,

RARE DE CETTE éPOquE

.

Correspondances, Fernand Léger, Léonce Rosenberg, Correspondance 1917-193,

Paris, Centre Georges Pompidou, 1996,

p. 27

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