20
8. APOLLINAIRE (Guillaume). L
ETTRE AuTOGRAPHE à
L
OuISE DE
C
OLIGNY
-C
HâTILLON
(L
Ou
), signée
Gui
à
mon
chéri, mon adorée
, datée
11 mai 1915
,
ET CONTENANT uN POèME AuTOGRAPHE
, 4 pages sur un double feuillet
in-4 (223 x 174 mm) sur papier d’écolier, sous chemise demi-maroquin noir moderne.
20 000 / 25 000 €
M
AGNIFIquE POèME D
’
AMOuR ET DE GuERRE
,
ADRESSé à
L
Ou AVEC LE CéLèBRE REFRAIN
:
D
IS
,
L
’
AS
-
TU VU
G
UI AU GALOP DU
TEMPS QU
’
IL ÉTAIT MILITAIRE
…
Long poème de 51 vers,
Rêverie
, associant une fois de plus l’amour et la guerre. Apollinaire utilise l’octosyllabe et
l’alexandrin, souvent groupés en quatrains.
Le poète remercie Lou pour sa lettre et les vers qu’elle lui a envoyés,
un délicieux petit poème, exquis comme toi, parfait
comme toi. C’est sans aucune faute de versification. Tu es plus que ma muse mon aimée, tu es la poésie même
, s’exalte-t-il.
Et il recopie ensuite ces vers, qu’il place en épigraphe à sa
Rêverie
. Or, on ne découvrira qu’en 1966 que Lou avait recopié
textuellement deux strophes
d’Ici-bas
de Sully-Prudhomme ! Apollinaire s’y est donc laissé prendre.
Dans
Rêverie
, Apollinaire poursuit l’inspiration du poème de Lou :
C’est le galop des souvenances
Parmi les lilas des beaux yeux
Et les canons des indolences
Tirent mes songes vers les cieux
Suit le célèbre et touchant refrain, par lequel Apollinaire s’est familièrement silhouetté lui-même en soldat — vers repris sur
la stèle commémorative érigée en 1990 au lieudit Le Bois aux buttes où fut blessé Guillaume Apollinaire le 17 mars 1916 :
Dis, l’as-tu vu Gui au galop
Du temps qu’il était militaire
Dis, l’as-tu vu Gui au galop
Du temps qu’il était artiflot
A la guerre ?
Il termine d’une écriture précipitée :
Mon Lou adoré, le vaguemestre est là, je t’adore, te désire, te prends toute de toutes
mes forces, t’aime, t’aime, t’aime, ma chérie, mon petit garçon pas sage chéri, prends-moi dans tes petits bras, vive la
France et mon ptit Lou.
Cette admirable
Rêverie
se situe dans la lignée d’
Alcools
et de
Calligrammes
.
Apollinaire poursuit sa nouvelle relation “amicale” avec Lou, mais, progressivement, Madeleine va la remplacer. Le poète
et Lou se rencontreront une dernière fois et fortuitement en 1917 ou 18 à Paris, place de l’Opéra. “à ce moment Apollinaire
avait été trépané. Ils allèrent se réfugier quelques instants, pour parler, sous cette grande porte jaune [...]. Entrevue navrante
pour tous deux. une sorte de fuite intime de part et d’autre. Lui était d’ailleurs déjà atteint, très émotif. Puis, se trouver ainsi
soudain auprès d’une femme qu’il avait si profondément aimée et qui l’avait déçu [...] Reproches, entretiens assez pénibles.
Entretien écourté où ils se sont regardés avec tristesse, et avec l’impression qu’ils ne se reverraient plus. Ce qui devait être,
en effet” (André Rouveyre, p. 202).
Apollinaire mourut de la grippe espagnole le 9 novembre 1918 à l’âge de trente-huit ans.
Lettres à Lou
, éd. M. Décaudin, lettre n° 152. —
Correspondance générale,
édition de V. Martin-Schmets, t. 2, 1915,
n° 914, p. 396-399.




