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72. BRETON (André). P
ÉTRUS
B
OREL
(1809-1859). Manuscrit autographe
signé, Sans date [1923], 4 pages
in-4, sous chemise demi-maroquin
noir.
3 000 / 4 000
€
I
NTÉRESSANT MANUSCRIT COMPLET
D
'
UN ARTICLE CRITIQUE
.
Cet article sur l'écrivain romantique
a paru dans
Les Nouvelles littéraires
du 10 novembre 1923, sous le titre -
de la rédaction -
Le bouc émissaire
du romantisme. Pétrus Borel (1809-
1859),
inaugurant la rubrique
Ceux
dont on ne parle pas
. Il sera
d'ailleurs le seul de cette série,
Breton n'ayant plus rien donné
ensuite. Il se plaindra à sa femme
que son article ait paru amputé
de
quelques-unes
des
phrases
auxquelles je tenais le plus.
Dans la
collection André Breton figure
justement un manuscrit de ce texte,
révélant les transformations subies
(voir
Œuvres complètes,
Pléiade,
t. I, p. 1425-27).
Ce manuscrit - resté inconnu de
l'éditeur en Pléiade - est très
intéressant, car, comme le montrent
des indications de typographe, il
s'agit de celui-là même qui servit à
l'impression en revue.
Postérieur, il donne surtout une seconde version du texte, inédite telle quelle : Breton avait, en découpant et collant certains
passages, modifié la disposition de quelques paragraphes, notamment ceux du début. Précaution inutile, car tout ce début
est ici biffé par la rédaction, qui a par ailleurs porté comme titre général :
Ceux dont on ne parle pas. Le bouc émissaire
du romantisme.
Breton, sans citer nommément Borel, s'interroge d'abord sur certaines destinées d'écrivains :
A voir ce qui l'emporte en
littérature… du souci de flatter les goûts de l'heure ou du siècle et de la disposition libre, gratuite, de moyens personnels,
il est permis de se demander si, de la part d'un homme, un abandon total de ses richesses n'est pas vraiment édifiant que
s'il se produit sans espoir de retour et si, par suite, parmi tant de refusés par la gloire il ne se trouve pas de refuseurs de
gloire sur lesquels ce serait peut-être, malgré eux, le cas de revenir dans un journal comme celui-ci…
Suit une violente
attaque, qui sera censurée par la rédaction, contre La Fontaine,
le sinistre renard… le faux poète de qui les aphorismes ont
fortifié ce fameux bon sens qui est au monde la qualité anti-poétique par excellence… Le succès, qu'on le récolte de son
vivant ou de sa mort, n'est pas un argument si probant…
Il en vient à Borel :
C'est bien de ses propres mains que Borel a
préparé en nous sa ruine et, qui sait, vouloir à tout prix qu'il subsiste est peut-être offenser sa mémoire. A moins qu'on ne
lui accorde cette rare valeur mystique qui est la vertu de déception…
Il s'étonne que Baudelaire ait fait des réserves sur
Borel, pourtant auteur du prologue de
Madame Putiphar : Pour ce poème, je donnerais toute la poésie romantique,
Bertrand, Nerval et Hugo à part…
Eloges
de Madame Putiphar, l'un des types les plus purs de notre roman poétique… Eh
bien oui, j'aime cette œuvre profondément innocente, émue, et qui ne saurait faire rire que les roués…
Suit, sur un feuillet
à part, une copie autographe, par Breton, d'un poème de
Rhapsodies
intitulé
Fantaisie
. Daté
Au cachot, à Ecouy près les
Andelys, 1831,
ce beau poème peu connu, qui célèbre la liberté des oiseaux, opposée aux turpitudes du monde humain,
sera publié à la suite de l'article de Breton dans
Les Nouvelles Littéraires.
Jamais repris en volume par Breton, cet article sera recueilli par Marguerite Bonnet dans son édition, mais dans le texte
fourni par le manuscrit de la collection André Breton, différent du nôtre, et sans le poème de Borel choisi par Breton
Œuvres complètes,
Pléiade, t. I, p. 451-454.
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