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109.
Henri MATISSE
. L.A.S., Nice 18 mai 1938, [à Henry de
M
ontherlant
] ; 4 pages in-4 (2 petites fentes réparées au
ruban adhésif).
4 000/5 000
L
ongue
et
très
belle
lettre
sur
son
travail
de
peintre
,
et
sur
leur
projet
d
’
une
édition
illustrée
de
P
asiphaé
. Montherlant a
porté en marge de la lettre 2 traits au crayon rouge, et 2 à l’encre avec la mention « vu ».
Son article pour
L’Art et les Artistes
lui paraît très bien : « il m’a intéressé et m’a rappelé que lorsque je me suis félicité d’avoir
fait la folie d’acheter des oiseaux, l’instinct du risque de mort était passé et que j’étais déjà sorti de l’ornière. Cette particularité
change-t-elle quelque chose à votre idée ? Le dernier paragraphe de votre article me rappelle que j’ai tiré parti d’une parole de
C
ourbet
rapportée dans quelqu’une de ses biographies ; et quoique cette parole, prise au pied de la lettre me paraisse aujourd’hui
pleine de danger, je lui ai quelque reconnaissance pour m’avoir bouleversé pendant plusieurs années. Elle m’a obligé à prendre
conscience de mes moyens d’expression, et à les dissocier : j’ai fait des peintures sans dessins, m’obligeant à m’exprimer rien
que par des taches de couleur, à leur trouver le rythme suffisamment expressif pour me décharger de mon émotion (époque de
B
oronali
! je vous expliquerai ceci quand nous nous verrons) – ou bien des dessins au trait qui sont une synthèse de toutes mes
possibilités d’expression avec un minimum de moyens, tenant surtout de l’arabesque – ou bien encore, par des différences du Noir
au Blanc, qui me portait à amortir la qualité de mes couleurs en les mélangeant avec leur contraire : le Rouge au Vert, le Bleu à
l’Orange. C’est je vous assure une longue expérience qui a des risques terribles. J’en retiens principalement qu’elle pose le travail
dans les conditions les plus rudes, ce que j’ai toujours aimé. Les œuvres qui viennent d’un travail aussi dur, vous tiennent plus au
cœur que celles qui sortent facilement, après précisément une période d’effort. Celles-ci vous fuient à peine exprimées, comme
l’oiseau qui vous lâche pour toujours aussitôt que vous lui avez ouvert la cage »... Il viendra à Paris l’été : « Il est toujours agréable
à un solitaire comme moi de bavarder de ce qui fait sa vie habituelle avec quelqu’un qui veut bien l’écouter ». Ils parleront aussi
d’un éditeur pour
Pasiphaé
. « Je suis toujours dans mon Sémaphore, j’en souffre, car en ce moment nous subissons une période
de vents dont les courants le traverse dans tous les sens. […] Pendant mes heures d’insomnie on vient de me relire
Atala
. En vous
écrivant il me revient que malgré toute mon admiration je ne pourrais illustrer ce livre qui comme les vôtres n’a pas besoin d’être
complété.
Mais je tiens toujours pour Pasiphaé
».
110.
Henri MATISSE
. L.A.S., Nice 4 mai 1939 ; 1 page in-4.
1 000/1 200
Il retourne à Paris dans deux semaines : « Vous pourrez me préciser ce que vous désirez au sujet des reproductions de dessins-
portraits de H. de
M
ontherlant
»... Sous sa signature, il a indiqué son adresse à Paris : « 132 B
d
Montparnasse ».
111.
Henri MATISSE
. L.A.S., [Nice, clinique] St Antoine 5 janvier 1941, [à son « ami » Henry de
M
ontherlant
] ; 1 page
in-4 (un bord renforcé au dos au papier gommé).
1 000/1 200
A
vant
son
départ
pour
L
yon
où
il
se
fera
opérer
d
’
un
cancer
.
« Je leur glisse des pattes et je pars demain à Lyon où j’espère être devant des gens qui m’inspireront plus de confiance – et en
l’espèce la confiance est un point important pour un bon résultat. Ces messieurs d’ici, avaient fini par me faire perdre le sourire,
et l’avant-dernière nuit je me suis senti un trou de peur dans l’estomac. – J’ai aussitôt changé mes batteries et grâce à ma fille et à
d’heureuses coïncidences j’ai pu me dégager et prendre la décision qui m’a rendu le sourire et l’élan pour la Victoire. Je voudrais
bien vous serrer la main (5 minutes, j’ai beaucoup à faire) »...
112.
Henri MATISSE
. L.A.S., Lyon Clinique du Parc 15 janvier 1941 5 heures du matin, à son « cher ami » [Henry de
M
ontherlant
] ; 2 pages in-4 (petite fente réparée au papier gommé).
1 500/2 000
D
ans
l
’
attente
de
l
’
opération
de
sa
tumeur
cancéreuse
.
« Dans un moment de ma longue nuit d’insomnie il me revient dans l’œil que je vous ai écrit au sujet de la sérénité extraordinaire
que j’éprouve, que je pense à Socrate
tout prétention gardée
. C’est un lapsus je voulais écrire toute proportion gardée – j’aurais
pu écrire si j’avais vu ce que ma plume écrivait
toute prétention exclue
. Je pense que vous m’avez cependant compris. – J’attends !
J’attends l’heure comme un voyageur dans une gare attend son train – après avoir vu mes médecins qui sont des personnages
importants j’ai tout lieu de croire que je vais m’en tirer – avec un minimum de risques. – J’ai 71 ans c’est vrai mais tous mes organes
valent mieux que mon âge, et puis j’ai encore à faire ici-bas – et j’espère que ça compte »...
Reproduction page 45
113.
Henri MATISSE
. L.A.S., Vence « vendredi 4 ? ou 5 » [7] avril 1944, à son « cher ami » Henry de
M
ontherlant
;
4 pages in-8.
3 000/4 000
A
u
sujet
d
’
une
soirée
de
bienfaisance
,
et
de
leur
livre
illustré
P
asiphaé
, C
hant
de
M
inos
.
La soirée n’aura pas lieu au Théâtre-Français au
Soulier de Satin
mais dans « une soirée mi-musicale et mi-littéraire au Groupe
la Pléiade », touchant l’éditeur Gallimard. « C’est l’abbé Barret vicaire d’Antibes qui est allé pour
B
onnard
et pour moi à Paris,
en passant par Vichy où il a pu obtenir une recommandation du Maréchal pour mon ami
C
ortot
le virtuose. Je m’en remettrai à
Cortot pour continuer mon initiative »... Vichy vient de lui téléphoner à ce sujet : « J’ai répondu :
tout, pour faire le plus d’argent
possible
. L’abbé va vous voir de ma part – mais
je vous demande
déjà de
bien vouloir donner 2 petits quarts d’heure pour nos petits
enfants
qui grelottent, dépourvus des facilités les plus élémentaires pour vivre normalement dans leurs lieux de refuge. Vous
… / …




