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« Depuis notre séparation ton ami a plus souffert de la peine de t’avoir quittée et de la pensée de te savoir si mal, de l’inquiétude

qu’il devait avoir, d’ignorer ta situation dans l’état où il t’avait laissée, que des privations auxquelles il a été condamné et des

tracasseries qu’il a dû essuyer ; tu peux l’en croire ma Laure, l’objet de ton bonheur à venir est le seul qui l’occupe aujourd’hui,

et s’il regrette quelquefois la fortune afin de satisfaire tous tes goûts et enrichir sa famille, l’espoir de passer sa vie au milieu de

ses enfants, entre son père et sa Laure qui l’aimeront, est maintenant le seul vœu de son cœur. La méchanceté des hommes ne

pourra lui faire perdre l’estime des honnêtes gens et si quelques erreurs ont apporté quelques taches dans l’histoire de sa vie,

il aura du moins pour lui la voix des malheureux qu’il a secourus, ceux des peuples qu’il a gouvernés, sa conscience qui ne lui

reproche rien envers la probité, son honneur qui le trouva toujours dans le chemin direct qu’elle enseigne à tout militaire, à tout

homme, et son cœur qui, fidèle et constant envers son Souverain qu’il aimât avec passion, le portat toujours à le servir avec un

dévouement enthousiaste »... Son cœur appartint toujours « à sa Laure, à sa meilleure amie, à la mère de ses enfants [...] unique

objet de toutes ses affections », pour laquelle il renonce à toutes les femmes du monde entier... Il lui explique les nombreuses

rumeurs, attaques et querelles dont il fait injustement l’objet, depuis « la sotte et insignifiante querelle » qu’il eut avec le Prince

[d’Essling, Masséna, commandant en chef de l’Armée du Portugal]à Salamanca, que ce dernier visiblement ne lui pardonne pas.

Il ne veut pas entrer dans le détail des opérations de l’armée, mais tout le monde s’est plaint : « J’ai gardé mon opinion pour moi,

pour l’Empereur s’il me la demande, et pourtant on a cru ou voulu croire que j’étais mécontent et que je le disais hautement ».

On complote à Paris « afin de faire retomber sur moi et sur Ney les bévues que l’on pourra un jour reprocher à l’armée » : il est

prêt à affronter cela, en demandant une explication « que la justice, la grandeur et l’ancienne amitié de l’Empereur ne peut me

refuser. Je sçaurai confondre mes ennemis et sortir victorieux d’une lutte que j’ai méprisée depuis plusieurs années ». Il espère

passer le reste de sa vie loin des intrigues et des jalousies de la Cour, avec sa famille. Il souffre de cette situation, ayant même lu

dans les journaux anglais « que l’on s’était plaint de mon insubordination, et que l’on avait demandé mon rappel », et la rumeur

court même qu’il est emprisonné au château de Vincennes... Il s’excuse de cette bien longue et triste lettre, mais il se sent seul

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