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COLETTE
(Sidonie-Gabrielle Colette, dite)
Minne
Manuscrit autographe
1902-1903
MANUSCRIT AUTOGRAPHE COMPLET D’UNE DES PLUS
ANCIENNES ŒUVRES DE COLETTE.
PREMIER DES DEUX ROMANS FORMANT LE CYCLE DE
MINNE
.
LES MANUSCRITS DES DEUX
MINNE
, JUSQU’ALORS
CONSIDÉRÉS COMME « DISPARUS », SONT D’UNE
IMPORTANCE CAPITALE POUR LA COMPRÉHENSION DE
LA GENÈSE DE L’ŒUVRE DE COLETTE
5 cahiers in-8 (222 x 173mm), sur papier blanc interligné.
COLLATION : cahier I (48 pp.) ; cahier II (46 pp.) ; cahier III (50 pp.) ;
cahier IV (49 pp.) ; cahier V (20 pp.). Soit 213 pages écrites aux encres
violettes, noires et au crayon noir, largement corrigées et raturées. Le
texte est écrit au recto des feuillets. Quelques notes sont au verso
CAHIERS à couvertures de couleurs vertes, rouges, bleues, oranges
et crèmes, titre manuscrit et numérotation des cahiers, à l’encre, dans
le coin supérieur gauche, dos de toile noire. Chemise et étui signés
« Mercier, successeur de son père, 1928 »
PIECE-JOINTE : article du
Monde des Livres
, « Colette en
apprentissage », signé de Ginette Guitard-Auviste, 11 mai 1979
PROVENANCE : Jean Patou (ex-libris)
Minne
et
Le Mariage de Minne
furent écrits par Colette
en collaboration avec Willy, et publiés chez Ollendorff,
respectivement en 1904 et 1905 (avec un changement de
titre pour la deuxième nouvelle devenue
Les Égarements de
Minne
). Seul le nom de Willy apparaît sur la couverture des
deux volumes. Colette travaille alors dans l’anonymat pour
l’« atelier » de son mari. Quant à la date de composition des
deux romans, les commentateurs des
Œuvres complètes
de Colette (I, p. 1426) avouent qu’ils disposent de « peu de
renseignements », le manuscrit étant considéré comme
« disparu ». Même le titre originel du second roman est supposé
être « vraisemblablement »
Le Mariage de Minne
.
Ces aventures de Minne font suite au cycle à succès des
Claudine
, les quatre premiers romans de Colette et Willy.
Les
Minne
content les aventures d’une jeune femme, sœur
jumelle de Claudine, à la recherche d’elle-même et de son
épanouissement. La première partie,
Minne
, est fondé sur les
rêves d’une adolescente. La seconde,
Le Mariage de Minne
,
décrit les caprices sensuels d’une jeune femme insatisfaite.
L’histoire s’achève par un adultère, si bien que le titre de la
seconde partie change sous le coup de la morale (d’un Willy
peu enclin à la suivre lui-même) :
Le Mariage de Minne
(titre
du manuscrit) devient
Les Égarements de Minne
. Cette série
des
Minne
prend fin subitement avec la séparation de Colette
et Willy.
Ces deux récits occupent une place remarquable dans l’œuvre
de Colette : pour la première fois, l’action se déroule dans une
petite ville, et à la campagne, soit dans un milieu fort différent
de celui que Colette connaît et exploitait jusque là dans ses
Claudine. D’autre part, la narration est à la troisième personne
du singulier. Avec ce passage du je au elle, Colette met à
distance sa propre situation et s’aventure dans la fiction :
cependant, après
Minne
, elle reviendra au récit à la première
personne. Il se passera quatorze ans avant que Mitsou ne
prenne, comme Minne, ses distances avec l’auteur. Enfin, le
thème de l’évasion, déjà abordé dans le roman précédent
(
Claudine s’en va
) devient majeur. L’héroïne, pour réaliser
sa destinée, doit fuir sa famille, sa ville et son mari. Pour la
première fois apparaît, en filigrane, un des leitmotiv de toute
l’œuvre de Colette : du leurre qu’est l’amour, la femme doit
s’affranchir, quitte à payer de solitude sa dignité retrouvée. Ces
deux romans,
Minne
et
Le Mariage de Minne
constituent donc
une rupture en diptyque dans l’œuvre de Colette. Celle-ci ne
va pas sans une crise dans sa vie personnelle : Colette se
sépare de son mari et va, dès lors, signer ses œuvres de son
seul prénom.
Dès qu’elle eut récupéré les deux
Minne
et qu’elle se fût
séparée de Willy, Colette entreprit de les retravailler et de les
fondre en un seul récit qu’elle nomma
L’Ingénue Libertine
(1909). De nombreux passages sont écartés, notamment ceux
attribués à Willy. Le 16 octobre 1909, elle écrit dans la revue
Paris-Théâtre
:
« M. Gauthier-Villars vous écrit qu’en maintes publications il m’a rendu
hommage. Je préfèrerais qu’il rendît hommage, simplement, à la vérité :
il proclamerait alors non pas que je « participai » aux quatre
Claudine
,
à
Minne
et aux
Égarements de Minne
, mais que sa collaboration, à lui,
ne dépassa guère celle d’un secrétaire ».
Colette se réapproprie son œuvre. Un article du
Monde des
livres
, du 11 mai 1979 (cf. pièce jointe) rapporte qu’ « il faudrait,
pour connaître le degré exact de paternité attribuable à l’un
et à l’autre des époux dans les œuvres écrites en commun,
disposer des manuscrits, détruits par Willy, affirmait Colette,
mais rien n’est sûr et pas même qu’ils aient disparu ». L’étude
de ces deux manuscrits retrouvés de
Minne
, entièrement
rédigés de la main de Colette, raturés et corrigés, ne laissent
absolument aucun doute sur l’entière légitimité de Colette à
réclamer la pleine propriété de ces œuvres.
RÉFÉRENCES : Colette,
Œuvres complètes I
, Paris, Gallimard, 1984,
p. 1418 et suiv. – Claude Pichois et Alain Brunet,
Colette
, Paris, éditions
de Fallois, 1999, pp. 85 et 211
15 000 / 20 000
€




