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55

Clément Henri marquis de Tilly Blaru

.

Voyages aux Amériques

.

1864

-

1865

.

Manuscrit en feuilles en deux parties in-

4

°, paginé

329

pp. (mémoire sur l’Amérique Centrale) et

31

pp.

(notes sur les Etats-Unis et la Guerre de Sécession), on l’on distingue

2

écritures légèrement distinctes ;

des notes de chapitres en marge, quelques rousseurs éparses.

Remarquable mémoire du marquis de Tilly-Blaru relatif au projet de construction du canal du Nicaragua, abordant l’étude

sur les états d’Amérique centrale et l’emprise envahissante des Etats-Unis sur l’économie de ces pays. Présenté sous forme

de rapport, ce mémoire offre un large aperçu, tout à fait inédit, alliant une finesse d’écriture et de pensée avec une excellente

analyse, des états de la Confédération d’Amérique centrale dans la seconde moitié du XIX

e

siècle, au moment même où la France

était engagée dans la guerre du Mexique, et où la guerre de Sécession s’achevait douloureusement au Nord.

Mandaté par la Banque Suisse, M. de Tilly avait été chargé de soutenir auprès des gouvernements du Nicaragua et du Guatemala,

un projet de canal maritime trans-américain initié par un certain Belly, et dont la Banque était majoritairement actionnaire

par le rachat des droits de concession. Dans le même temps, le marquis devait assoir les intérêts de la Banque auprès de ces

gouvernements qui paraissaient enfin s’ouvrir vers une voie politique et économique stable.

Né en

1805

, issu d’une ancienne famille d’origine normande, Clément-Henri de Tilly-Blaru avait été officier de dragons sous

la Première Restauration. Comme il en est fait allusion de nombreuse fois dans ce mémoire, c’est un fervent légitimiste qui

n’hésita pas à soutenir en

1832

l’équipée de la Duchesse de Berry et qui fut condamné à mort par contumace pour avoir pris

les armes en Vendée. Il fut marié à Marie Anne Mathilde Jousseaume de La Bretesche, dont il eut une fille, installées dans une

ancienne possession de la famille dans le pays nantais, La Maillardière. Henri de Tilly fut un des premiers à avoir fait l’ascension

du Mont-Blanc et de l’Etna dont il relata l’exploration dans un précieux ouvrage, bien connu des bibliophiles.

Renommé pour ses nombreux travaux d’ingénierie relatifs aux chemins de fer et au creusement de canaux, il fut probablement

démarché par la Banque Suisse pour ses brillantes qualités d’expertise ; en

1863

, on lui demanda de représenter la Banque,

engagée dans le projet d’un canal interocéanique, non pas au Panama, mais au Nicaragua, reliant la mer des Caraïbes à l’Océan

Pacifique par la région des lacs en remontant la vallée du rio del San Juan. Ce projet très convoité pour des raisons économiques,

et mainte fois étudié au cour du XIX

e

siècle, notamment par le Prince Louis- Napoléon lors de sa captivité au fort de Ham,

fut mené de manière abouti par Félix Belly, un aventurier sans scrupule, qui avait réussi à obtenir pour lui seul la concession

du canal auprès des présidents Mora du Costa-Rica et du général Martinez du Nicaragua, par la convention de Rivas en

1858

.

Endetté dans diverses opérations douteuses en Amérique centrale, Belly avait proposé la cession de ses droits à la Banque qui

voyait dans ce projet une excellente opération, doublée de l’espoir d’implanter des comptoirs dans la région. Le marquis de

Tilly expose de façon très claire toutes les implications financières et politiques du projet, faisant entrevoir les avantages et les

inconvénients de tels aménagements sur celui du percement de l’isthme de Panama, profitant de ses relations avec le baron du

Teil, installé au Guatemala, pour assurer sa mission de représentant en Amérique centrale [pp.

1

-

15

].

Après quelques transactions auprès de la duchesse de Berry pour l’acquisition de bateaux, les manigances de Belly pour avoir

une reconnaissance et les honneurs du Vatican, l’expédition du marquis de Tilly débute fin mai

1864

, sous forme de journal,

par la relation de la traversée de l’Atlantique ; suit la description de son arrivée aux îles des Açores puis à celles des Caraïbes,

Porto-Rico, St-Domingue [pp.

43

], la Jamaïque [pp.

47

], la baie de Panama [pp.

51

], le débarquement à Greytown le port du

Nicaragua à l’embouchure du San Juan, à la mi-juin [pp.

57

].

Orienté pour une étude économique et technique, rien n’est laissé au hasard, tout est consigné avec minutie, la position

géographique, le climat tropical, la faune et la flore, le contexte historique, la situation économique des contrées abordées

(complexes portuaires, services douaniers, chemin de fer et communication, culture et commerce), ses descriptions pittoresques

des paysages, de la société et des mœurs indiennes ou des populations d’origine européenne, voire du comportement peu en

vue des “Yankee”. Outre ces observations précises, M. de Tilly rend cependant le récit particulièrement vivant, s’attachant

à mentionner les péripéties d’un tel voyage, les nombreuses anecdotes relatives aux relations tumultueuses avec Belly et ses

hommes de paille, aux premiers contacts avec les personnalités du pays.

(...) J’ai écrit longuement ; ayant pris la détermination de faire mon journal comme j’en avais la coutume en Sicile et ailleurs. Je

le ferai en espagnol, et l’une de mes élèves me le corrigera. Mon journal sera donc la reproduction de mes pensées ; les afflictions

que subit l’âme comme le cœur y trouveront sans doute leur place. Et, aussi les bienfaits de l’amitié dont le nom est si souvent

profané (...).

L’expédition se poursuit ensuite avec la remontée du San Juan, de fort Castillo [pp.

65

], une très belle description du lac

Nicaragua [pp.

70

-

76

], l’arrivée à Grenada [pp.

76

bis] et à Managua, la capitale du pays, où Tilly fut reçu avec prévenance par

le général président Martinez et son ministre Silva [pp.

81

] ; Suivent ses observations sur la forêt vierge [pp.

83

], le passage

début juillet à Léon, vu comme le siège des libéraux du pays [pp.

87

], et Corinto [pp.

92

], sa vue sur le golfe de Fonseca

et Salvador [pp.

100

], des indications sur l’exploitation de la côte pacifique par les Américains, son arrivée à San José du

Guatemala en juillet [pp.

105

]. On remarquera encore une vision géopolitique de l’Amérique

centrale extrèmement juste, concernant notamment l’influence anglaise puis américaine à Greytown qui avait su profiter des

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