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se lisaient entre eux, s’envoyaient leurs ouvrages et s’écrivaient sans cesse. Parmi les plus

beaux témoignages de ces échanges, la collection de Pierre Bergé réunit plusieurs volumes

ayant appartenu à Beyle, comme les

Considérations sur les principaux événements de la Révolution

française

de Mme de Staël, scrupuleusement annotées, et surtout son petit Chamfort, qu’il

avait fait rogner pour le serrer dans sa poche. Autres étonnants objets :

Hernani

avec un

envoi à Mérimée, accompagné d’une lettre où Mérimée sollicite de Hugo une invitation

pour Beyle ; ou

Le Roi s’amuse

, avec un envoi à Gérard Labrunie ; ou les

Confessions d’un enfant

du siècle

avec un envoi à Liszt, car la vie littéraire inclut tous les arts ; ou l’exemplaire de

Mademoiselle de Maupin

ayant appartenu à Balzac ; ou

Les Fleurs du Mal

avec cet émouvant envoi

à Sainte-Beuve : “Amitié filiale” ; ou l’introduction de Hugo au fameux

Paris-Guide

pour

l’Exposition universelle de 1867 adressé à Verlaine ; ou

Mon salon

de Zola adressé à Manet

avec “admiration et sympathie”. Mais on n’en finirait pas de retracer le prodigieux réseau

littéraire du XIX

e

siècle, preuve d’une sociabilité intense et attentive, comme l’illustrent

encore les envois par Huysmans de

L’Art moderne

à Degas et de

Là-bas

à Verlaine.

Dans cette brillante constellation, Flaubert resplendit comme l’astre majeur, découvert

par Pierre Bergé à la sortie de l’enfance et qui reste pour lui “le plus grand écrivain”,

celui dont les manuscrits atteignent un degré d’achèvement inégalé. Proust, rappelle-t-il,

ajoute toujours, tandis que Flaubert travaille au scalpel : “Rares sont les artistes qui savent

secouer la branche jusqu’à ce qu’il ne reste plus que l’essentiel”, juge Pierre Bergé, qui a

recherché non seulement les livres que l’écrivain reçut de ses pairs, comme la plaquette de

Baudelaire sur Gautier, ou ses exemplaires des romans des Goncourt, de Tourgueniev ou

de Huysmans, mais aussi ses propres œuvres, cette

Madame Bovary

avec un envoi à Hugo, le

Salammbô

destiné à Dumas fils,

L’Éducation sentimentale

de George Sand, ou

La Tentation de saint

Antoine

de Maupassant. Feuilleter l’exemplaire dans lequel Hugo lut

Madame Bovary

, tandis

que

Les Fleurs du Mal

de Sainte-Beuve sont posées à côté, c’est revivre l’année 1857 où la justice

de Napoléon III poursuivit nos deux chefs-d’œuvre de l’art moderne.

Traces des enthousiasmes de l’adolescence de Pierre Bergé, voici encore une impressionnante

cohorte de pièces liées au symbolisme, non seulement

Les Poésies

de Mallarmé, l’exemplaire

de Méry Laurent orné de nombreux envois, ou une exceptionnelle collection des premiers

numéros de

La Vogue

, revue précieuse qui, entre avril et décembre 1886, publia, grâce à

Verlaine, des poèmes de Rimbaud, notamment les premiers textes connus des

Illuminations

,

ainsi que Mallarmé et Laforgue, ceux que Verlaine qualifiait de “poètes maudits” et qui

prirent la suite de Baudelaire et de Flaubert pour nous transmettre la plus haute idée de la

modernité.