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HISTOIRE
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NAPOLÉON I
er
(1769-1821) Empereur.
MANUSCRIT autographe,
Clisson et
, [1795] ; 1 page petit
in-fol. (28,5 x 9,3 cm).
7 000 / 8 000 €
Rare et précieux début du roman de jeunesse de Bonaparte,
Clisson et Eugénie
.
C’est en 1795, âgé de vingt-six ans, que Bonaparte rédige ce court
roman de 27 pages,
Clisson et Eugénie
, inspiré par sa liaison contrariée
avec
Désirée
-Eugénie Clary, dont la sœur aînée Julie avait épousé
Joseph Bonaparte, et qui épousera elle-même Bernadotte. Le roman
conte l’histoire du jeune guerrier Clisson, sous les traits duquel on
reconnaît aisément Napoléon; épris d’Amélie, son cœur se tourne
soudainement vers Eugénie ; leur amour sera gâché par la traîtrise,
mais ennobli par la guerre.
Le manuscrit de
Clisson et Eugénie
a été dispersé. Après une première
publication partielle par Albéric Cahuet, « Napoléon romancier : pages
inédites d’une œuvre de jeunesse » (
L’Illustration
, 17 janvier 1920),
Simon Askenazy en a donné en 1929 une édition d’après le manuscrit
lacunaire conservé en Pologne (
Manuscrits de Napoléon 1793-1795 en
Pologne
, Varsovie, 1929, p. 93-102) ; après la découverte du fragment
manquant lors de la vente de la collection André de Coppet en 1955,
le texte intégral fut publié dans
Nouveau Fémina
en septembre 1955,
et repris par Jean Tulard dans son édition des Œuvres littéraires et
écrits militaires de Napoléon (Tchou, 2001, t. II, p. 331-342). En 2007,
Émilie Barthet et Peter Hicks en ont donné une édition savante, avec
tous les fragments retrouvés.
Ces fragments sont au nombre de six, le plus important (13 pages) se
trouvant à la Biblioteka Kornicka à Kornik en Pologne, et deux autres (2
et 4 pages) au Musée historique d’État de Moscou (ancienne collection
OrloÀ) ; les 4 pages du Karpeles Manuscript Museum de Santa Barbara
ont été vendues par Bonhams à New York le 21 septembre 2016 (n° 1151).
Notre manuscrit est donc un des trois fragments en mains privées de
Clisson et Eugénie
, désigné par Peter Hicks comme le Ms 5 : « « Il
s’agit, selon nous, de la version la plus aboutie du début du roman ».
Écrit à l’encre brune sur un petit feuillet de papier vergé bleuté étroit,
correspondant probablement à une colonne d’un feuillet plié en deux
comme le restant du manuscrit, il donne le texte le plus élaboré du
début, dont existent trois autres ébauches ; il présente cependant
quelques ratures et corrections.
Nous en donnons ci-dessous la transcription exacte, la version
déchiÀrée par P. Hicks étant hélas déparée par des fautes de lecture.
« Clisson naquit avec un penchant décidé pour la guerre. Il lisoit
le récit d’une bataille avec la même avidité que ceux de son âge
écoutent une fable. Arrivé dans l’age de porter les armes il marqua
chaque campagne par une action d’éclat. Les vœux de la nature et
le bonheur l’appelèrent quoique adolescent au premier grade de la
milice militaire. Il surpassa même bientôt les esperances qu’il avait
fait consevoir. La victoire lui fut constamment fidèle.
Mais l’envie et toutes les passions basses qui s’attachent aux reputations
naissantes qui font perir tant d’hommes util ou eÀrayent tant de
genie appellerent sur lui la calomnie. Alors le sangfroi et la [fermeté]
moderation ne firent quaccroitre le nombre de ses ennemis. L’on
appella orgueil la grandeur d’ame insolence la fermeté. Ses triomphes
même furent desormais pretextes pour [accroitre le nombre de ses
ennemis] le perdre. Il se dégouta de servir des ingrats. Il sentit le besoin
de rentrer en lui-même. Pour la premiere fois il jetta »
Provenance
: André de COPPET [repr. par Jacques Arnna,
Pages
de l’épopée impériale recueillies par André de Coppet
(Tours, impr.
Arrault, 1952), pl. XXII, faussement légendé « Notes autographes sur
le connétable Clisson »)].
Bibliographie
: Napoléon Bonaparte,
Clisson et Eugénie
(éd. Émilie
Barthet et Peter Hicks, Fayard, 2007).




