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HISTOIRE
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SAINT-PRIEST François-Emmanuel Guignard, comte de
(1735-1821) diplomate et ministre.
4 L.A.S. et 1 L.S. « de St Priest », 1783-1810 ; 9 pages in4.
200 / 300 €
Constantinople 10 décembre 1783
. Ambassadeur en Turquie, il souhaite
en partir, après seize ans de présence, et être « quitte de ma galère » ;
il a écrit au comte de CHOISEUL ; il suppose que le maréchal veut
« se rendre porteur des reformes de l’ordonnance du Levant ; en
attendant le commerce souÀre de la liberté des étrangers »...
1
er
mars 1784
, peu avant son départ de Constantinople : « je suis mis
au rang des serviteurs inutiles comme les bons de l’évangile et je
ne m’en plains pas ». Il ajoute que l’Impératrice de Russie lui a fait
don de son portrait dans une superbe tabatière et que sa femme
a reçu des fourrures, « c’est finir sur la bonne bouche »...
17 janvier
1789
, remerciant un cousin qui l’a complimenté pour son entrée au
Conseil du Roi...
31 octobre 1789
, il envoie aux prévôts des marchands
et échevins de Lyon un décret de l’Assemblée nationale qui sursoit
à toute convocation de provinces et d’états.
Genève
17 septembre
1810
, il évoque une aÀaire concernant M. de Saint-Victor et le duc
de Cadore.
On joint
une l.s. de son père, intendant du Languedoc,
Montpellier 12 juin 1782, au sujet de travaux contre les crues du Rhône ;
et une lettre de sa femme née Riquet de Caraman, [1825], répondant
à une recommandation de M. de Barante.
« Je parle au nom des cent cinquante mille soldats français et des
quatre-vingt-mille civils français qui ont été tués en trois semaines
en mai-juin 1940 au cours de l’oÀensive allemande. Si j’en ose parler
souvent à mes amis je parle au nom de la plupart des Français des
États-Unis ». Il hait la polémique et n’aurait « point accepté d’entamer
une discussion entre Français. On nous a reproché de n’avoir point
pris position dans un débat entre Vichy et certains Français. Mais
c’est le débat même que nous refusions. Il nous paraissait injuste
d’attaquer un eÀort français qui était présent dans le martyre. […] Nous
ne voulions léser personne dans sa foi. La France dans sa résistance,
le fascisme dans son combat ».
Il va faire appel à son expérience personnelle de pilote de guerre, mais
précise : « J’ai réagi, senti et agi comme cent mille autres. Comme
des milliers de Français peut-être. Il ne s’agit point d’illustrer ma part
à moi. Elle a été en tous cas un témoin de celle des deux cent trente
mille morts. Elle a été, en tous cas, inférieure à celle des équipages
de mon groupe qui ont péri en mission de guerre. Ayant refusé
d’être aÀecté à la propagande, ou d’être envoyé en mission, j’ai été
aÀecté en novembre 1939 au groupe 2/33 de grande reconnaissance.
J’ai demandé cette arme car étant aÀecté au bombardement et les
bombardements, comme l’observation, chômant au cours de ce
début de guerre, la grande reconnaissance, qui exécutait des missions
de photographie en Allemagne, était élue à participer au combat.
Quand nous passions les lignes toute la chasse allemande décollait
pour nous seuls. Nous leur servions de cible pour exercice de tir »...
Il dresse un parallèle entre 1914 et 1939, comparant le faible armement
de l’Allemagne de 1914 avec sa puissance redoutable en 1939 et ses
vingt millions d’habitants supplémentaires, alors que la France, qui,
« des années durant, avait participé aux eÀorts de paix du monde
entier », avait pris un retard considérable. Après 1870, la France avait
eÀectué « un redressement prodigieux. L’Allemagne après 1918 réalise
le même miracle. La France après 1918 s’installe dans la paix derrière
une absurde ligne Maginot et se protège de problèmes sociaux. Le
sort des nations paraissait fixé au sort de l’Homme »… Saint-Exupéry
évoque Pierre Cot lui confiant « en 1935 ou 1936 : le budget de la
guerre est énorme, mais le budget de l’aviation est ridicule. […] Il
n’accusait personne de trahison. Il accusait l’âge des hommes et
l’âge des idées. […] Les responsabilités de la France étaient celles de
1914. La position de la France n’était pas celle de 1914. À cette cause
souveraine de défaite, qui à elle seule s’est entraînée au cours d’une
guerre industrielle presque exclusivement s’ajoutaient des facteurs
secondaires dont le principal était, aussi paradoxal que cela paraisse, la
victoire. Les héros victorieux de la guerre de 14-18 étaient moins aisés
à critiquer que les généraux vaincus. Ils se trouvaient être nécessaires,
à une époque où la technique était bouleversée d’année en année,
un facteur dangereux de stabilité. Les éléments jeunes de la nation,
pouvaient lutter au nom de méthodes nouvelles, d’une pensée de
guerre nouvelle, d’une technique nouvelle, ils se heurtaient d’abord
au prestige de la victoire, au confort égoïste peut-être de l’installation
dans la victoire »...
Les causes « ne sont pas spécifiquement françaises. Nous aurions pu
faire mieux. Si nous avions été vaincus, si nous avions peu souÀert, si
nous avions vécu pour les valeurs de guerre, si nous avions su être
ingrats envers nos vieux généraux, nous aurions pu tenir peut-être
plus longtemps, mais une disproportion trop flagrante favorise peu
le dynamisme. […] Que valait le pays, que valaient les soldats ? Il en
est mort cent cinquante mille en trois semaines. Morts inutilement
car d’un seul coup tous les plans et toutes les doctrines ont craqué.
[…] À quoi bon inventer comme boucs émissaires des traîtres payés
par l’Allemagne, des généraux en chef pactisant avec le nazisme par
peur du communisme ? Ceci est déshonorant, ceci engage la nation.
Nos chefs étaient trop vieux, trop pontifiants, trop chargés d’honneur,
trop solidaires d’une génération périmée, ou trop découragés »…
Mais « la guerre continue en Afrique du Nord ». Et Saint-Exupéry
raconte comment il va rejoindre l’Afrique du Nord en empruntant
un avion depuis la base de Bordeaux…
Provenance
: vente Artcurial, 16 mai 2012 (n° 388).




