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n
otice
BioGrAphique
. « De retour d’un voyage d’un mois, je réponds avec retard à votre honorée lettre, et m’empresse de vous donner
les renseignements demandés[…] Date de naissance : 8 septembre 1873, à Laval. Études au lycée Henri IV puis à la Faculté des lettres de
Paris. Occupations : aucunes. Bibliographie : prose et vers dans l’
Écho de Paris
illustré en 1893. Critiques d’art dans l’
Art Littéraire
et les
Essais d’art libre
. Théâtre et articles au
Mercure de France
, à
La Revue blanche
et
La Plume
. Fondation et direction des revues l’
Ymagier
et
Perhinderion
en 94 et 95.
Ubu Roi
représenté en marionnettes à Rennes en 1888 et au théâtre de l’Œuvre en 96. Volumes parus :
Les
Minutes de sable mémorial
,
César-Antechrist
,
Ubu Roi
,
Les Jours et les nuits, roman d’un déserteur
. En publication au
Don Juan
:
L’Amour
en visites
, roman. Pour paraître cet hiver :
Éléments de Pataphysique
.
Les Silènes
, drame, imité de l’allemand, au signe de C. Terrasse »...
216.
Marcel JOUHANDEAU
(1888-1979).
m
Anuscrit
autographe,
Tout ou rien
, [1967 ?]
; 102 pages sur 56 feuillets in-8
de classeur à petits carreaux, en feuilles sous chemise demi-maroquin vert, titre doré, étui.
700/800
m
Anuscrit
de
trAvAil
de
cette
pièce
rAdiophonique
diffusée sur France-Culture en 1967, puis publiée en ouverture du n° 1 de
La
Nouvelle Table Ronde
(mai 1970, exemplaire joint, sous l’emboîtage), puis en édition originale, avec deux autres pièces pour la radio, la
même année, chez Gallimard (collection « Le Manteau d’Arlequin »).
Dans le milieu provincial et ouvrier de Chaminadour (le Guéret de Jouhandeau), une ancienne et très brève passion charnelle révélée
par malveillance se termine en tragédie. Marie et Serge Pingaud vivent depuis vingt ans dans une harmonie conjugale sans faille
quoiqu’un peu monotone. Marie a une confidente, Jeanne Desmoulin, une veuve dont le mari toujours passionnément aimé d’elle
quoique disparu, David, avait péri quinze ans auparavant dans un accident. Cet époux volage était en outre le meilleur ami de l’austère
Serge. Mais voilà que ce bonheur sans histoire se trouve ébranlé par une discussion malveillante entre hommes au café. On veut se
venger de Serge, obsessionnel contempteur des maris trompés et des trop faibles femmes. On lui révèle que son ami David, coureur
invétéré, était parvenu à séduire sa femme quelques jours seulement avant sa mort. Serge, hors de lui, fait avouer le crime à Marie,
la bat et l’humilie devant sa mère et les femmes du voisinage. Mais Marie revendique crânement et publiquement ce très bref écart
de conduite, instant d’amour qui, dit-elle, aura éclairé et justifié toute sa vie. Serge, se considérant comme déshonoré, prononce sa
sentence : que Marie l’étrangle ! Ce qu’elle fait, avant de se livrer à la police.
Cette tragédie en trois actes ou épisodes permet à Jouhandeau d’exprimer la vision quasi mystique de l’amour physique à laquelle il
tient. Cette conception apparaît par exemple dans cet extrait d’un monologue de Marie, texte déjà travaillé dans notre manuscrit, mais
qui sera totalement refondu dans la version de la revue : « En somme, si je n’avais pas connu David, je n’aurais pas connu ce je ne sais
quoi qui donne un sens à la vie. Qu’est-ce que c’est ? La passion, la possession d’un souvenir ineffaçable. David ! Il n’a fait que passer
dans mes bras, mais grâce à lui, je ne suis plus seule quand je suis seule ; je suis moins seule, même entre les bras de Serge. Comment
regretter cette sorte d’effacement de tout au bénéfice d’un être radieux, illuminé dont une fois pour toutes le corps a couvert le vôtre et
satisfait en un instant l’âme toute entière comme si, le ciel entrouvert, on avait connu ensemble le paradis... »
(Acte III, scène1).
Le manuscrit présente de nombreuses ratures et corrections. Il
est conservé sous une chemise titrée par Jouhandeau, avec liste des
personnages et le synopsis original. Les 78 pages du manuscrit se
répartissent en trois séries de feuillets (42 en tout, sans compter la
chemise de titre) paginés par Jouhandeau au crayon rouge de façon
discontinue, selon les états différents du texte : certains sont très
corrigés et leurs variantes lisibles révèlent une version primitive déjà
travaillée mais qui sera développée encore, les autres mis au net avec
quelques repentirs ou ajouts. Malgré cette relative hétérogénéité, la
pièce peut se lire aisément dans sa continuité manuscrite, mis à part
deux courts passages intercalés en typographie à leur place. 24 autres
pages (13 feuillets) sont rassemblées dans un dossier de brouillons.
Écrites de différentes encres, d’une graphie tantôt appliquée, tantôt très
hâtive, elles présentent des versions différentes de certaines scènes, avec
de significatifs ajouts ou repentirs. Le manuscrit présente d’importantes
variantes avec le texte définitif, notamment des termes trop crus qui
ont été atténués. Le mari jaloux change de nom au cours de la rédaction.
Des phrases entières disparaîtront dans des remaniements ultérieurs,
comme cette longue didascalie : « Alors, Marie se redressant de toute
sa taille et levant la tête, son regard fixé hardiment dans les yeux de
Serge se mit à parler d’une voix claire, presque triomphale, comme
accompagnée de grandes orgues. » Même sort pour le surtitre générique
inscrit par Jouhandeau sur la page de titre :
Comédies et Proverbes
, et
pour sa note pourtant significative au bas de la même page : « “Tout ou
rien” était la devise de S
te
Thérèse d’Avila ». Cet ensemble apporte de
précieux éléments sur la genèse de la pièce. D’après le synopsis initial,
on constate que deux scènes capitales [troisième monologue de Marie et
aveu public], non prévues au départ, sont ajoutées sur le manuscrit, qui
intègre en revanche une scène qui sera supprimée dans la publication
(Acte I, scène 4 : duo d’amour entre Marie et Serge, 2 pages).
Littérature




